Si la mission de police judiciaire demeure l’aspect valorisant de la fonction policière, il semble que, sous la pression de mutations importantes de notre société, que traduit avec force le concept indéterminé de “sécurité”, la mission de prévention acquiert une place importante dans l’activité policière. Si le contrôle d’identité de police judiciaire définit de manière assez claire l’intervention de l’agent de police, il n’en est pas de même dans le cadre d’un contrôle préventif d’identité, où le moment et les conditions de cette intervention sont sujets à controverses.
Il demeure ainsi que l’âge, l’aspect physique, l’ethnie voire la race sont des critères, qui, à côté des circonstances de temps et de lieu, influencent l’intervention du policier qui désire procéder à un contrôle d’identité. La surveillance de certains groupes sociaux particuliers952, jugés parfois, selon les termes de Mme Danièle Mayer, comme des “délinquants potentiels”953, conduit le plus souvent à créer chez eux une identité954 négative. Le risque est en effet de générer des contrôles injustifiés voire tout simplement de créer un fort ressentiment d’injustice et ce notamment à l’égard d’un public spécifique qui n’ignore pas et surtout a le plus souvent déjà conscience d’un “vécu social discriminatoire”.
Les contrôles préventifs d’identité recouvrent deux aspects, les contrôles d’identité de police administrative proprement dit qui peuvent, de manière générale et indistinctement, concerner toute personne quelle que soit sa nationalité, et le contrôle des étrangers, dans le cadre de la police des étrangers955, contrôle dit de “réglementation” ou encore, selon, M. J. Buisson, le “contrôle de titre” ou “de situation”. Plus généralement, le contrôle de réglementation ne concerne qu’une catégorie de personnes à statut particulier, et auxquelles il est fait une obligation légale de détenir certains documents. Ce contrôle est également dénommé contrôle de l’extranéité. Il faut enfin aussi évoquer, sous l’influence de la construction européenne, et en particulier de la constitution de “l’espace Schengen”, le contrôle frontalier. Nous allons porter notre analyse sur chacun de ces types de contrôle.
A l’analyse des différentes circulaires précisant l’application des lois, qui se sont succédées depuis 1981 et relatives aux contrôles et vérifications d’identité, le contrôle des personnes, et en particulier de ceux que l’on inclut dans la catégorie “étranger” concerne en fait un type bien particulier d’étrangers, c’est-à-dire implicitement ceux qui sont d’origine ou d’apparence non-européenne : on ne précise ainsi pas au policier opérant un contrôle sur la voie publique comment procéder à un contrôle d’une personne originaire d’Europe de l’Est!. Et la difficulté demeure, V. Circ. du 21 oct. 1993 relative aux contrôles et vérifications d’identité et aux vérifications de situation des étrangers, BOMI, 4 ème trim., 1993, p. 30.
D. Mayer “Prévention et répression en matière de contrôles d’identité : une distinction trompeuse”, D. 28 oct. 1993, chron. LXXII, n°37, p. 274.
Sur les conceptions subjective et objective de l’ ”identité”, V. L’analyse pertinente d’ E. Picard, “Les contrôles d’identité au regard des droits fondamentaux : des régimes inutilement hétéroclites”, RFDA, 10 (5), sept.-oct.1994, pp 960-963.
Pour la notion de “police des étrangers”, V.J.M. Marchand, “Police des étrangers”, J.Cl. Adm., Fasc. 235,, 11, 1990, p. (3). Notons que le contrôle des étrangers a été l’un des premiers à être institué et étendu par la suite à toute personne présente sur le territoire national, pouvoir de contrôle reconnu à l’Art. 165 du Décret du 20 mai 1903 portant organisation du service de la gendarmerie. Ainsi, les gendarmes ont très tôt exercé le contrôle d’identité des personnes circulant en France.