Titre I : L’institutionnalisation progressive d’une protection pénale

Comme l’écrit M. Jean-Paul Doucet, “‘la personne humaine, en tant qu’intérêt pénalement protégé, doit demeurer à l’abri des fluctuations politiques affectant la notion de droits de l’homme, notion qui varie d’ailleurs selon que l’on envisage l’homme en tant qu’individu unique et irremplaçable ou en tant que simple composant du corps social’”1403. Citant MM. Chauveau et Hélie, le même auteur précise que “‘par l’expression d’homme, on doit comprendre tout le genre humain (...) la loi protège l’humanité’”1404. En ce sens, poursuit-il, “la protection pénale de la personne humaine s’attache moins à chaque citoyen pris comme membre d’un groupe social, moins à chaque être humain envisagé individuellement, qu’à chaque personne envisagée comme représentant à part entière du genre humain”1405. La protection de la personne contre la violence raciale, ou la lutte contre les attaques à caractère racial ou xénophobe visant certaines personnes, peut venir s’inscrire dans ce cadre de réflexion défini par l’auteur.

Le rôle de protection des personnes et des biens est une mission essentielle de la police, cette mission doit s’exercer sans distinction aucune entre les individus. La police doit dans ce cadre rechercher avec fermeté les auteurs présumés d’attaques ou d’actes à caractère racial ou xénophobe. Les réponses policières anglaise et française face aux attaques à caractère racial concernent pour l’essentiel les individus qui, en raison de leur couleur de peau, leur origine ethnique ou leur race, paraissent vulnérables à de telles atteintes graves contre leur personne. Cette protection pénale rencontre toutefois certaines limites, reflétées notamment par la faible portée juridique d’une telle protection. Ces limites peuvent aussi s’expliquer par l’absence d’une incrimination spécifique pour réprimer, avec davantage d’efficacité, les attaques à caractère racial. La recherche d’une définition de l’infraction spécifique de violence raciale est ainsi apparue au cours des débats parlementaires anglais, débats suscités par l’ampleur prise par ce problème de société. Pour ce qui est de la France, confrontée elle-aussi à un phénomène somme toute assez proche par certains aspects, on ne peut a priori écarter une telle possibilité de définition d’une infraction raciale spécifique lorsque l’on observe les récentes incriminations tendant à réprimer les violences faites aux personnes vulnérables ou se trouvant dans une situation sociale et / ou économique d’infériorité, en particulier ici les femmes, et dans une moindre mesure les mineurs.

Mais la création d’une nouvelle incrimination spécifique de violence raciale est confrontée au système de preuve pénale de chaque Etat. De plus, une telle infraction spécifique ne permet d’améliorer la protection pénale des minorités contre les attaques à caractère racial que si, au sein des institutions publiques concernées, il est reconnu un lien étroit entre le degré d’importance de cette lutte contre ces actes et la perte éventuelle de la légitimité de l’Etat, et partant de sa police, auprès de certaines populations. Une forte corrélation entre ces deux termes implique un effort important de lutte contre le racisme.

Si la réponse policière face aux attaques à caractère raciste paraît soutenue (Chapitre1), la portée de la protection pénale (Chapitre 2) contre de tels actes semble connaître certaines limites .

Notes
1403.

J. P. Doucet, La protection pénale de la personne humaine, Vol. 1 “La protection de la vie et l’intégrité corporelle”, 2°éd., Gazette du Palais- Litec, Paris, 1993, p. 29, n. 32. L’auteur précise par ailleurs que “la notion pénale de personne humaine ne coïncide pas exactement avec la notion publique de droits de l’homme. Cette dernière a en effet été principalement dégagée dans le but de garantir les citoyens contre les empiétements de ceux qui détiennent le pouvoir politique“

1404.

MM Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal,  2° éd., T III, p. 430, cité par J.P. Doucet, op. cit., p. 30.

1405.

J.P. Doucet, op. cit., p. 30, n. 33.