Sous-section 2 : L’approche institutionnelle locale

Devant l’impuissance du droit à agir sur les mentalités, la police se tourne alors vers ce qui communément appelé le partenariat. De la répression ciblée, on semble passer à une prévention du racisme.

Cette ouverture à la société civile, permise par le recours au terme vague et imprécis de prévention, paraît essentielle pour puiser de l’information et avoir une connaissance plus affinée de ce phénomène diffus de racisme, en vue d’une protection policière efficace des victimes potentielles. Le partenariat, qui tend à s’établir entre les institutions policière et judiciaire et d’autres organismes publics ou privés, est la reconnaissance officielle que le racisme n’est pas de la seule compétence ou n’est plus du seul ressort de l’administration. L’action contre le racisme s’inscrit alors dans un partenariat avec des personnalités ou organismes publics et privés qui sont ou se sentent impliqués dans cette lutte.

Au niveau local, ont été instituées en 1990, en fait de manière informelle dès 1986, des cellules départementales de lutte contre le racisme. En 1990, elles ont été mises en place dans trois départements pilotes1472, avant d’être généralisées, par la Circulaire du ministre de l’Intérieur en date du 1er mars 1993, à tous les départements, souvent les plus urbanisés et connaissant un taux de passage à l’acte raciste assez important. Le nombre de création de ces cellules a, par la suite, connu un développement croissant1473

Une cellule départementale comprend trois commissions de travail dont une de “Police-Justice”. Siègent dans une telle cellule, le préfet, le procureur de la République, un responsable des services de police, un responsable de la gendarmerie, le directeur ou un inspecteur d’académie, le directeur des affaires sanitaires et sociales, le directeur départemental de l’équipement, le directeur départemental de la jeunesse et des sports, un responsable de la DDASS1474, le bâtonnier de l’ordre des avocats, des élus, des membres d’associations antiracistes (nationales et locales), des membres d’une organisation luttant pour l’intégration, un responsable des cultes, et enfin un responsable des organismes HLM.

Ces structures ont pour rôle essentiel de suivre les phénomènes de racisme et de signaler le degré de gravité enregistré par de tels actes. Ces cellules ont malheureusement connu une destinée assez comparable à celle des CCPD ou CDPD1475 (prévention de la délinquance au niveau communal et départemental), à savoir une mise en sommeil progressive après l’euphorie de leur création. Dans les deux cas, il s’est davantage agi de lieux de rencontres, de discussion et d’échanges d’informations que de rechercher une quelconque définition des actes concrets.

Cette difficulté semble provenir non seulement d’une réelle volonté de lutte contre le phénomène de racisme ou de définition précise d’un tel phénomène, mais aussi par la contradiction de vouloir à la fois lutter contre ce phénomène préoccupant de racisme et la priorité publique actuelle de lutte contre ce qui est communément appelé l’immigration irrégulière. Comment “peut-on prétendre lutter contre le racisme et la xénophobie en mettant en oeuvre des politiques durcissant les mesures contre les immigrés, fussent-ils en situation irrégulière ?”1476. La question demeure entière pour l’institution policière. La police est appelée à résoudre cette contradiction inhérente au droit et à la lutte contre le racisme.

Le constat qui vient d’être établi mérite quelques observations relatives à la méthode et à l’efficacité policière de lutte contre les actes à caractère racial ou xénophobe, existant en Angleterre et en France. Il nous semble que se dégage un certain rapprochement dans le cadre de cette lutte policière contre le racisme. 

Notes
1472.

(Bouches-du-Rhône, Nord, Bas-Rhin), puis trois autres en 1992 (Alpes-Maritimes, Rhône, Yvelines).

1473.

En 1995, 80 départements sont dotés d’une telle structure. Ch. Freydefont, op. cit.

1474.

DDASS pour Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

1475.

CCPD pour Conseil Communal de Prévention de la Délinquance ; et CDPD pour Conseil Départemental de Prévention de la Délinquance.

1476.

Ch. Freydefont, op. cit.