Sous-section 2 : Vers la création d’une infraction raciale spécifique

Dans le rapport ministériel de 1981 précédemment cité et portant sur les attaques raciales, est qualifié d’acte de violence raciste, tout fait, ou infraction alléguée par une personne ou des personnes appartenant à un groupe ethnique contre une atteinte à leur personne ou à d’autres personnes, ou encore une atteinte à la propriété d’un autre groupe ethnique, et où tout semble indiquer que la motivation de tels actes ne peut être que d’ordre racial1514. Une telle définition est retenue par la police pour qualifier et donc poursuivre les attaques à caractère racial1515.

Le rapport parlementaire de juillet 1986 1516 donne une définition du comportement raciste dont les contours se retrouvent précisés dans la réponse du ministre de l’Intérieur qui fait suite à ce rapport. La loi de 1986 sur l’Ordre Public, selon les précisions données dans cette réponse ministérielle, vise en partie la lutte contre le racisme. 

Le rapport parlementaire de 1986 est essentiel car il vient poser le cadre de la réflexion relative à l’opportunité ou non de créer une infraction spécifique pour saisir la violence raciale, réflexion qui se poursuit jusqu’à nos jours. Ce rapport entend, en reprenant ici la définition donnée par l’association professionnelle de police ACPO, par “racial incident “, tout acte ou fait, qualifié ou non de crime, qui est allégué contre une personne, fondé sur un motif racial, ou bien qui apparaît, à l’examen d’un dépôt de plainte ou au cours de l’enquête, comme un acte sur la base duquel se trouve être présent un tel élément1517.

Le rapport souligne qu’une partie extrêmement délicate du problème est la mise en oeuvre de la notion de “racial incident “, et ajoute que, même si les suspects des actes répréhensibles sont identifiés, ce qui en pratique paraît impossible, il manque souvent une preuve suffisamment établie pour poursuivre 1518. De notre point de vue, poursuit le rapport, le motif racial aggrave considérablement la sévérité des infractions, à la fois parce qu’il s’agit là d’une motivation de nature répréhensible et à la fois parce qu’elle affecte sérieusement la victime et sa communauté d’appartenance ; de plus elle exige un niveau élevé dans la réponse policière 1519.

La police rencontre une difficulté dans le traitement des affaires à caractère raciste, en particulier pour obtenir et réunir suffisamment d’éléments de preuve pour déclencher la poursuite. Il s’agit pourtant là, souligne toujours le rapport, d’une part importante de l’édifice de construction des relations entre les minorités ethniques et la police ; les minorités doivent aussi comprendre les contraintes dans lesquelles opère la police pour traiter ces affaires1520.

Le principal problème au regard de l’attitude de la police, selon les auteurs de ce même rapport parlementaire, n’est pas la présence de policiers racistes (bien que de tels arguments nous aient été soumis, précisent les rapporteurs), mais l’absence dans l’esprit des policiers de l’impact de la question des attaques racistes sur les minorités ethniques, et beaucoup d’entre eux ne traitent pas avec sérieux ces infractions. D’un certain point de vue, le traitement spécial donné à ces affaires d’actes racistes, vise davantage à assister et venir en aide aux minorités ethniques, qu’à poursuivre ces infractions insidieuses, qui ont un fort écho auprès des minorités. C’est pourquoi, on perçoit souvent l’écart qui peut exister entre les politiques de lutte contre de tels actes définies par la hiérarchie policière et leur mise en oeuvre concrète par les agents de police1521.

La réponse ministérielle, qui fait suite à ce rapport1522, est également suscitée par l’intérêt ou non de créer une nouvelle infraction dite de violence ou de harcèlement à caractère racial, question qui demeure ici essentielle

Selon les autorités en charge de la police, l’infraction dite de “disorderly conduct”, au sens de la loi de 1986 sur l’Ordre Public, peut s’entendre comme tout comportement susceptible de porter atteinte à l’ordre public, permet de saisir le comportement raciste. Ajoutée au pouvoir d’arrestation de l’agent, cette infraction permet en effet de poursuivre de tels agissements. Dès lors, affirme le ministre dans sa réponse, il est inutile d’introduire une infraction nouvelle de violence raciale ou de harcèlement à caractère raciste1523.

L’argument avancé est que l’efficacité de la lutte contre les attaques et le harcèlement à caractère raciste ne peut être assurée que par une application correcte et mesurée de la législation en vigueur, c’est-à-dire dans la poursuite effective des infractions prévues par certaines dispositions de la loi de 1986 précitée1524.

La commission parlementaire de 1994 déjà citée a, pour mieux cerner les contours de la notion d’attaques à caractère racial, cru devoir recourir à une échelle de gravité d’atteinte à l’intégrité ou à la dignité de la personne. En droit anglais, une telle atteinte s’inscrit dans le cadre général des infractions dites de violence (Offences of violence )1525.

A un haut degré de gravité se situe la notion de “racial incident “ qui s’entend de tout crime d’une extrême violence ou meurtre. Toute attaque physique sur la personne qui cause une blessure ou un préjudice moral ou physique est un “assault1526. A un moindre degré de gravité, se trouvent les menaces, intimidation et tout comportement qualifié d’abusif qui peut prendre la forme d’un appel téléphonique malveillant accompagné de menace, ou encore la production ou la diffusion à domicile d’écrits ou de littérature à caractère raciste.

La conclusion qui fait suite à l’analyse minutieuse des infractions déjà existantes établie par la commission est que ces dernières, toutes définies par les législations actuelles, suffisent amplement à saisir et à poursuivre de tels comportements attentatoires à l’intégrité physique et morale de la personne.

La Commission, sans doute dans le souci, somme toute louable, de ne pas privilégier un groupe social au détriment d’un autre, ne considère ainsi pas les attaques à caractère raciste comme un phénomène spécifique aux seules minorités ethniques ou raciales. Ces attaques concernent, selon les membres de la Commission, de manière plus large toutes les catégories de population. L’argument avancé étant que ces incidents n’affectent pas seulement les “Noirs” ou gens de couleur au sens général (Blacks) et les “Blancs” (Whites) de la communauté nationale, mais également tous les groupes minoritaires, car les “Afro-antillais” (Afro-caribbeans ) peuvent commettre des attaques racistes sur les Indo-pakistanais (Asians), les Indo-pakistanais sur les Chinois (Chinese), les Chinois sur les Blancs et ainsi de suite. La commission entend dès lors par “relations communautaires“ (community relations) les liens qui peuvent exister entre la population indigène et les migrants ou groupes ethniques d’origine diverse.

Une telle approche semble pour l’heure récusée par la Commission pour l’Egalité Raciale (Commission for Racial Equality ou CRE). L’idée générale qui semble à la base de la réflexion de cette Commission est au contraire la nécessité de créer une incrimination spécifique de violence raciale.

La CRE a, en 1991, remis un rapport à la Commission royale sur la Justice Criminelle, afin d’apporter sa contribution aux modifications à apporter à la loi de 1976 sur les relations entre les races, en proposant notamment la création d’une infraction spécifique de violence raciale1527

Les actes de violence raciale ne sont pas considérés comme des actes isolés ou individuels et leur impact va bien au delà de la simple commission d’une infraction pénale. La CRE relève ainsi que ces actes concernent pour l’essentiel des individus et des groupes du seul fait de leur origine ethnique ; dès lors tout membre d’un groupe ethnique est une victime potentielle ; une attaque isolée visant un seul individu a en fait un impact et accroît la peur et le désarroi de toute une communauté. L’imprécision, voire le mensonge parfois constaté, sur le fondement et la motivation de ces actes tendent à produire ou causer tout autant des dommages corporels que psychologiques sur la personne de la victime. Le sentiment de la victime n’est pas d’être l’objet d’une infraction criminelle de droit commun, mais d’un acte spécifique motivé essentiellement par le racisme. Ces attaques racistes, prévient la CRE, risquent de se développer si les auteurs de tels actes répréhensibles estiment que leurs activités criminelles demeurent tolérées, et également si les victimes sont conduites à constituer des groupes de défense.

Pour toutes ces raisons, la loi doit jouer un rôle essentiel pour mettre en place et refléter les standards d’un comportement digne en public et servir de catalyseur pour un profond changement. Dans ce contexte, la CRE soutient fortement l’idée de création d’une incrimination spécifique de violence raciale . A ceux qui arguent que l’incrimination de violence raciale est déjà couverte par des infractions existantes, nous répondons, relève la CRE, que la création assez récente de l’incrimination de propos indécents ou racistes scandés par la loi de 1991 sur le football, a eu le soutien et a été défendu par le Home Affairs Select Committee, qui a en grande partie repris les recommandations émises par les rapports Poppewell et Taylor, à savoir la volonté de créer une nouvelle infraction bien qu’une législation générale sur l’ordre public existe et permet déjà d’autoriser l’ouverture de poursuites contre de tels actes ou propos1528.

La création d’une infraction spécifique a le mérite de démontrer sans ambiguïté que le gouvernement s’oppose fermement à de tels actes. Il ne faut pas sous-estimer l’expression symbolique d’un tel choix politique. Nous croyons, déclare la CRE, dans la mesure où la spécificité de l’infraction de violence raciale venait à être reconnue, que le niveau de plaintes contre de tels actes va croître et que la confiance des minorités ethniques dans le système pénal va être renforcée. Si à terme, une infraction spécifique vient à être créée, le système judiciaire va être dans la capacité de mieux définir, et ce avec davantage de précision, les circonstances aggravantes du mobile raciste et inclure cet élément aggravant dans sa politique criminelle et jurisprudentielle1529.

La CRE réitère ses propositions, notamment à la suite du rapport de la Commission parlementaire de 1994 précitée, qui a conclu au rejet de l’idée de créer une nouvelle incrimination de violence raciale. L’absence d’une telle infraction spécifique risque, selon l’argument avancé par la Commission pour l’Egalité Raciale dans son Rapport de 19951530, de se traduire par un message à l’adresse des victimes mais aussi et surtout des auteurs d’attaques à caractère raciste, que de tels agissements demeurent en fait socialement impunis ou faiblement sanctionnés.

L’autre argument est que les différentes infractions saisies par une législation civile et / ou pénale disparate affaiblit, de par son application bureaucratique et tatillonne, l’efficacité de la lutte contre le racisme. Une loi simple et claire qui viendrait définir et préciser les éléments constitutifs d’une telle infraction spécifique aurait l’avantage d’être mobilisée par les parties intéressées au procès, notamment ici par les membres issues des minorités victimes d’attaques ou de harcèlement à caractère raciste1531. Le parallèle établi, et qui vient pour ainsi dire appuyer l’intérêt d’une définition particulière de cette infraction, est la législation protectrice des violences faites à la femme, en tant que catégorie sexuelle.

Enfin l’argument souvent retenu, et selon lequel la législation pénale actuellement en vigueur, notamment celle de 1986 relative à l’Ordre public, permet d’incriminer la violence motivée par le racisme, ne résiste pas à la critique.

On peut tout d’abord signaler qu’un projet de loi de 1993, relatif à la haine et à la violence raciales (Racial Hatred and Violence Bill 1993 ), a été adopté par la Chambre des Communes, projet qui envisageait de modifier les dispositions relatives à la haine raciale, à renforcer la loi de 1986 sur l’Ordre public, à créer une infraction de diffamation provoquée par un groupe d’individus, à permettre aux tribunaux d’alourdir les peines pour les infractions à connotation raciale, et enfin d’amender quelques dispositions de la loi de 1976 sur les relations entre les races1532.

La Commission pour l’égalité raciale relève pour sa part, et ce depuis 1991, que l’incrimination qui consiste à scander des propos indécents ou racistes au cours ou à l’occasion de rencontres sportives, est spécialement prévue à la s. 3 de la loi de 1991 sur le football, délits spécifiques qui concernent et sont imputables aux seuls spectateurs de matches de football. Cette nouvelle incrimination a ainsi été créée alors même qu’il existe tout un dispositif pénal d’atteinte à l’ordre public qui peut se voir appliquer. Ce dispositif pénal existant permet de saisir de tels comportements ou propos, souvent désignés par ailleurs par le terme générique d’ “hooliganisme“, et autoriser ainsi la poursuite de ces infractions. L’argument avancé par la Commission parlementaire précitée paraît dès lors assez fragile.

La CRE évoque enfin la question du harcèlement à caractère racial. La notion “racial harassment “ s’entend de toute violence verbale ou physique, qui comprend une attaque ou une atteinte à la propriété ou sur la personne d’autrui, subie par des individus ou des groupes, du fait de leur race, leur nationalité, leurs origines ethnique ou nationale, et lorsque la victime croit que l’auteur de l’acte a agi pour des motivations raciales, et que la preuve de racisme est établie1533.

Elle définit également le comportement raciste (racist behaviour) comme tout comportement hostile et offensant adopté par une personne, quelle que soit son origine ethnique ou raciale, contre une autre personne, quelle que soit son origine ethnique ou raciale, dans l’intention de commettre les actes dont la conséquence est de porter gravement atteinte à la tranquillité et à la sûreté de la personne ; de provoquer la crainte pour sa sécurité et de porter gravement atteinte ou de diminuer sa qualité de vie1534.

La CRE propose que la notion de harcèlement à caractère raciste (“racial harassment“) soit considérée comme un motif spécial aggravant pour fonder l’expulsion au sens de la loi sur le logement ; que tous les organismes, auxquels s’applique la loi de 1976 sur les relations entre les races, doivent définir et prévoir dans leur statut un service de gestion et de suivi des plaintes pour harcèlement à caractère racial, et attribuer à ces services des pouvoirs en ce sens ; enfin une procédure particulière doit être créée pour le harcèlement à caractère racial1535.

La loi de 1994 relative à la Justice criminelle et à l’Ordre Public (Criminal Justice and Public Order Act 1994 ) ne prévoit pas en tant que tel une infraction spécifique comme il a été montré précédemment. Toutefois, devant la recrudescence des attaques à caractère raciste, qui visent plus particulièrement, selon une étude du ministère de l’Intérieur1536, certaines personnes issues des minorités, des lois vont venir renforcer la répression des actes à caractère racial.

L’exposé des motifs du projet de loi, qui deviendra par la suite la loi de 1997 relative à la Protection contre le harcèlement1537, souligne ainsi que le gouvernement espère alourdir les condamnations pénales et exprimer avec force que l’élément ou le mobile racial des actes jugés par les tribunaux va permettre de prendre davantage en considération l’importance du problème racial tant aux yeux du public que devant la police1538

La loi de 1997 sur la protection contre le harcèlement (Protection from Harassment Act 1997), entrée en vigueur le 16 juin 19971539, crée ainsi une infraction nouvelle de harcèlement et de violence motivés par le racisme. Cette infraction vise à aggraver les peines qui étaient jusque là prévues par la loi de 1994 précitée1540.

En décembre 1997 est remis le rapport d’enquête rédigé par l’Autorité des plaintes contre la police métropolitaine à la suite du meurtre du jeune Lawrence en avril 1993, affaire qui a pris avec ampleur une dimension nationale1541.

En application de la disposition prévue à la section 49 de la loi sur la Police de 1996 (Police Act 1996), le ministre décide de créer une commission publique dont le but est de “diligenter une enquête sur les circonstances de la mort de Stephen Lawrence, en tirer toutes les conclusions et identifier les leçons qui peuvent être dégagées de cette investigation et des modalités de poursuite des actes à connotation raciale”1542

C’est également en décembre 1997 que le gouvernement annonce un train de mesures pour lutter notamment contre les infractions à caractère sexuel et racial. Trois niveaux de lutte contre cette dernière catégorie d’infraction sont alors prévus : le premier consiste à introduire l’infraction raciale à travers la série d’infractions existantes et qui relèvent du harcèlement, des menaces, des attaques ou voies de fait, et des dommages ou blessures corporelles ; le second vise à permettre aux tribunaux de considérer davantage l’élément racial comme circonstance aggravante dans le prononcé de leurs jugements ou arrêts ; le troisième enfin entend augmenter, de manière substantielle, les peines maximales pour les délits voire les crimes à connotation raciale. Ce plan gouvernemental est inscrit dans le projet de loi contre la Criminalité et le Désordre (Crime and Disorder Bill 1998 )1543.

Une incrimination nouvelle, qui vise à aggraver les infractions motivées par le racisme, va être créée pour permettre aux tribunaux de punir les délinquants avec sévérité s’ils sont jugés coupables d’actes à connotation raciale. Le Crime and Disorder Bill , se veut exemplaire, par les circonstances aggravantes qu’il prévoit dans ses dispositions, pour saisir et poursuivre avec fermeté les actes de violence et de harcèlement à caractère racial.

La première partie du projet de loi, intitulée “Prévention de la criminalité et du désordre“, prévoit l’attribution de certains pouvoirs aux autorités locales et à la police, pour traduire les auteurs d’infraction, en adressant une ordonnance de comparution pour comportement incivil (anti-social behaviour order), devant la magistrates’ court compétente, si elles constatent un agissement ou une incivilité qui risquent de causer un harcèlement, une angoisse ou une détresse sur la personne d’autrui. Des dispositions, interdisant certains comportements du prévenu, peuvent être prévues dans l’ordonnance. La violation de cette ordonnance fait encourir à son auteur, la commission d’une infraction pénale, passible alors d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement.

Ainsi, devant la gravité du problème des “incivilités“ ou de mauvais comportements de voisinage, qu’ils aient par ailleurs ou non une incidence ou une connotation raciale, le législateur semble vouloir emprunter la voie procédurale criminelle pour tenter d’y mettre fin. La conséquence majeure est la difficulté de la preuve et les faibles garanties qui l’entourent face à la gravité des peines prévues. Une procédure devant les tribunaux civils a le mérite de mieux prendre en considération la place du prévenu dans le procès, de par la nature des comportements reprochés qui se développent pour l’essentiel dans la vie en société.

La Clause 2 de la première partie donne compétence à la police pour adresser, à la magistrates’ court , une ordonnance visant l’auteur d’infraction sexuelle (sex offender order) et qui prévoit dans ses dispositions l’interdiction d’accomplir certains actes ou d’adopter certains comportements. Cette ordonnance s’applique à l’égard de personnes déjà condamnées pour de telles infractions ou dont l’affaire a été classée sous condition (convicted or cautioned for sexual offences). La violation des dispositions de l’ordonnance est une infraction pénale passible d’une peine de prison maximale de cinq ans. La Clause 5 exige des autorités locales et de la police de coopérer, avec les organismes concernés, pour lutter contre la criminalité et le désordre1544.

La seconde partie du projet de loi, intitulée “droit criminel : infractions raciales aggravées” (Racially-aggravated offences ), crée de nouvelles incriminations dont l’élément ou le motif racial devient une circonstance aggravante de l’infraction. 

Une infraction est, aux termes de la sections 25 du projet de loi, qualifiée de “racially aggravated offence“ si au moment de la commission de l’infraction, ou immédiatement avant ou après sa commission, son auteur montre à l’égard de sa victime que son acte hostile est fondé sur le fait de l’appartenance de la victime, ou son lien avec des membres d’un groupe racial ou encore, si l’infraction est motivée, totalement ou en partie, par l’hostilité envers des membres d’un groupe racial du seul fait de leur lien ou appartenance avec ce groupe racial1545. La notion de groupe racial (racial group ) désigne , dans les mêmes termes que la loi de 1976 sur les relations raciales, un groupe de personnes qui se définissent ou se distinguent par leur race, leur couleur, leur nationalité (y compris leur citoyenneté) ou leurs origines ethniques ou nationales.

Les infractions raciales d’atteinte à la personne ou voie de fait (racially aggravated assault ) prévues à la section 26, celles aux dommages causés à la propriété d’autrui (Racially aggravated criminal damage), prévues à la section 27, celles d’atteinte à l’ordre public (racially aggravated public order), prévues à la section 28, et enfin celles relatives au harcèlement (racially aggravated harassment), prévues à la section 29, sont désormais soumises au régime d’application des circonstances aggravantes : les maximums des peines prévues sont relevés, comparés aux mêmes infractions qui n’ont pas une connotation raciale. 

La section 26 (1)1546 dispose : “Une personne est coupable de l’infraction prévue dans cette section si, en commettant (a) une infraction à la section 20 de la loi de 1861 sur les atteintes à la personne ( blessure corporelle simple ou grave ) ; (b) une infraction à la section 47 de ladite loi (blessure corporelle immédiate), ou (c) une atteinte à la personne de droit commun, elle contient l’élément racial aggravant défini précédemment (dans la section 25)“.

La section 27 (1)1547 énonce : Une personne est coupable de l’infraction prévue dans cette section si elle commet une infraction à la section 1 (1) de la loi de 1971 sur les Dommages (destruction ou dégâts à la propriété d’autrui) et où l’élément racial aggravant au sens de la section 25 est établi.

La section 28 (1)1548 prévoit : Une personne est coupable de l’infraction prévue dans cette section si, en commettant (a) une infraction à la section 4 de la loi de 1986 sur l’Ordre Public (crainte et provocation à la violence) ; (b) une infraction à la section 4 A de ladite loi (harcèlement, peur ou désarroi intentionnels) ; ou (c) une infraction à la section 5 de ladite loi (harcèlement, peur ou désarroi), elle contient l’élément racial aggravant défini précédemment (dans la section 25). Aux termes de la s. 28 (2) : L’agent de police peut arrêter sans mandat toute personne qu’il estime raisonnablement être suspecte d’avoir commis les infractions prévues à la section 28 (1) (a) ou (b) ci-dessus ; s. 28 (3) L’agent de police peut arrêter sans mandat toute personne si (a) ladite personne adopte une conduite dont l’agent estime raisonnablement suspecte et qu’elle constitue dès lors une infraction à la s. 28 (1) (c) ci-dessus ; et enfin si (b) elle a reçu un ordre de s’arrêter donné par l’agent ; et si elle persiste à adopter une telle conduite immédiatement ou après avoir été avertie par l’agent.

La section 291549 dispose : “Une personne est coupable de l’infraction prévue dans cette section si elle commet (a) une infraction à la section 2 de la loi de 1997 sur la Protection contre le harcèlement (infraction de harcèlement) ; ou (b) une infraction à la section 4 de ladite loi (pousser les gens dans la crainte de la violence), qui contient l’élément racial aggravant défini précédemment (s. 29 (1) ; dans la section 24 (2) (arrestable offences) de la loi PACE de 1984 est inséré, après le paragraphe (n), l’alinéa (o) l’infraction à la section 29 (1) (a) de la loi de 1998 sur la criminalité et le Désordre (harcèlement racial aggravé) (s. 29 (2) )“.

Visiblement, le législateur vise à créer des incriminations spécifiques pour les actes qui ont un motif racial ou qui se fondent sur un élément racial.

La motivation raciale de l’acte se reflète dans le fait qu’elle devient un facteur aggravant dans les décisions et les condamnations que sont appelés à rendre ou à prononcer les tribunaux répressifs ; la particularité du mobile racial se reflète également dans les peines maximales prévues et inscrites dans le projet de loi. La spécificité des infractions raciales, dont l’objet est la protection de certaines catégories de personnes vulnérables en raison de leur apparence physique, de leur race et / ou sexe, ou de leur ethnie, est ainsi admise par le législateur britannique.

La loi qui vise à combattre la criminalité et à renforcer le sentiment communautaire est entrée en vigueur le 1er octobre 1998, baptisée Crime and Disorder Act 1998.

Le ministre de l’Intérieur actuel Jack Straw commente en ces termes la nouvelle loi anti-criminalité : “Nous voulons mettre un terme au harcèlement que subissent certaines communautés de la part d’une minorité de criminels. Il faut que la police, les autorités locales et les simples citoyens puissent affronter ensemble les problèmes qu’ils sont les mieux placés pour connaître. Cette loi signifie que les agressions et violences à caractère raciste ne resteront plus impunis. Les jeunes délinquants ont là l’occasion de changer de comportement au lieu de s’enfoncer dans une vie en marge. Voici des mesures rigoureuses et concrètes, fondées sur l’expérience quotidienne, qui ont l’ambition de s’attaquer à la peur qu’éprouvent tous les jours bon nombre de nos concitoyens respectueux de la loi”1550. Les principales mesures contenues dans cette loi de 1998 sont les suivantes : “définition de nouveaux délits d’agression et de harcèlement avec aggravation raciste et peines sensiblement alourdies ; une obligation faite aux autorités locales et à la police de mettre au point et de faire appliquer des stratégies anti-criminalité et troubles de l’ordre public ; mesures spécifiques visant la délinquance des jeunes et la récidive ; (...) allongement du contrôle judiciaire après incarcération pour agression sexuelle ou violence ; disparition du principe dit doli incapax qui veut qu’un enfant âgé de 10 à 13 ans est incapable de faire la différence entre ce qui est vilain et ce qui est grave”1551.

En France, une évolution de la législation, certes beaucoup moins apparente mais tout aussi présente, concernant ce qu’il est plus communément appelé la protection des personnes vulnérables, semble également se faire jour.

Notes
1514.

“Racial incident is an incident, or alleged offence by a person or persons of one racial groups against a person or persons or property of another racial group, where there are indications of racial motive“, Report of a Home Office Study “Racial attacks”, op. cit., p. 7, n. 20.

1515.

Ibid., p. 16.

1516.

Third report from the Home affairs Committee, op. cit., 9 July 1986, 58 p.

1517.

“Racial incident is any incident, whether concerning crime or not wich is alleged by any person to include an element of racial motivation or wich appears to the reporting or investing officer to include such an element“, Ibid., p. 1, n. 3. Il est remarquable de noter que l’on trouve une définition assez similaire dans le rapport d’octobre 1985 de l’ACPO précité : “a racially motivated attack is (a) any incident in wich it appears to the reporting or investigating officer that the complaint involves an element of racial motivation ; or (b) any incident wich includes an allegation of racial motivation made by any person“ (p. 7).

1518.

Ibid., p. 6, n. 8.

1519.

Ibid., p. 7, n. 9.

1520.

Ibid., p. 8, n. 15.

1521.

Ibid., p. 10, n. 20 .

1522.

Parliamentary Papers (House of Commons Bills and Papers and Command Papers), op. cit., December 1986, 10 p.

1523.

“The Government hopes that the new offence of disordely conduct and the associated power of arrest, will prove of value in dealing with some racially offensive behaviour. The Government has also considered whether it would be helpful to introduce a new criminal offence of racial harassment. It has concluded, however, that such an offence would cover behaviour already penalised by the law and could make convictions more difficult to obtain by requiring the prosecution to prove an additional racial element”, Ibid., p. 2, n. 6.

1524.

“If, for perfectly proper reasons, the prosecution authorities preferred to rely on other provisions, the declaratory impact of an offence of racial harassment would quickly be lost, and any, erroneous impression that the authorities were unwilling to tackle these incidents might even be re-inforced. The Government believes that progress is more likely to come from the effective use of existing offences“, Ibid.

1525.

V. P. Carter, R. Harrisson, Offences of violence, Sweet & Maxwell, London, 1994, 41 p. Ces atteintes se trouvent en général définies dans la cadre de la loi dite Offences Against the Person Act 1861 ou OAPA ; Ibid., pp 2-11.

1526.

La définition d’une telle infraction a été donnée par la Chambre des Lords suite à la décision D.D.P v. Parmenter (1992) 94 Cr. App. R. 193 ; dans cette affaire les juges observent qu’il n’est pas nécessaire que l’accusé ait voulu ou prévu que l’acte illégal cause une atteinte physique d’une particulière gravité telle que définie à l’article 20 de l’Offences Against the Person Act 1861 dite loi OAPA, c’est-à-dire une blessure ou une sérieuse atteinte physique. Il suffit qu’il ait prévu le résultat de son acte (“It is quite unnecessary that the accused should either have intended or foresen that his unlawful act might cause physical injury of the gravity described in section 20 (de l’OAPA ), i.e a wound or serious physical injury. It is enough that he should have foreseen that some physical harm to some person, albeit of a minor character, might result“). V. le commentaire de P. Carter, R. Harrisson, Offences of violence, Sweet & Maxwell, London, 1994, p. 3 § 1.40 et p. 5 § 2. 01. 

1527.

Nous reprenons ici les éléments de propositions successives reprises et contenues dans le rapport CRE, Evidence to the Home affairs select committee inquiry into racially motivated attacks and harassment, London, juin 1993, 6 p. et où la CRE fonde son rapport sur le fait que la protection contre les attaques et le harcèlement à caractère raciste est une condition essentielle au maintien de bonnes relations entre les races.

1528.

Ibid., p. 4, n. 4. 1 et 4.2.

1529.

Ibid., p. 4, n. 4. 3.

1530.

Commission Racial Commission, op. cit., 1995. Cet effort de création d’une infraction de violence raciale spécifique ne date pas d’aujourd’hui, cette volonté est souvent réitérée avec force lorsque ces violences prennent des proportions jugées inquiétantes.

1531.

V. Commission for Racial Commission, “The 1990 Trust, Report on racial attacks and harassment“, London, p. 6 : “we believe like many others in the Black and wider communities, that a simple law should be enacted covering all aspects of racial attacks and harassment. This will send out a message to victims and perpetrators that this kind of behaviour is not socially sanctioned in Britain and that those who commit such crimes will be firmly dealt with. Victims will be more easily enforced than a series of disparate bureaucratic measures ; and a simple law will be more easily accessed by interested parties needing to challenge the racial harassment of Black people“.

1532.

Racial Hatred and Violence Bill ( H.C) ( Bill 23 ), presented by Mr. Hartley Booth, Ordered by The House of Commons, House of Commons, 16 December 1993, 5 p.

1533.

CRE, Racial attacks evidence to Home affairs committee inquiry into racially motivated attacks and harassment -Organisations, Vol. 1, London, 1993, p. 14. Depuis plusieurs années la CRE a essayer de sensibiliser les pouvoirs publics, en particulier le législateur, pour la création de cette nouvelle disposition, mais les projets successifs n’ont souvent pas connu de suite ; V. par exemple House of Commons, Racial Harassment Bill,, (Bill 195), 17 july 1985, 7 p.

1534.

Ibid., p. 2.

1535.

CRE, op. cit., juin 1993, p. 5, n. 4. 4. Ces propositions se retrouvent déjà aussi dans CRE, Second Review of the Race Relations Act 1976, London, 1992, p. 74 .

1536.

Une étude statistique du Home Office souligne ainsi que durant l’année 1995, les minorités ethniques ont un risque plus grand d’être victimes que la population blanche indigène. En particulier, les risques s’accroissent, pour tous les types d’infractions, pour les pakistanais et les bengalis. Environ 143 000 actes relevés, comprenant également les menaces proférées à l’encontre des gens de couleur et ceux d’origine indo-pakistanaise, sont jugés avoir une motivation raciale ; cela représente environ 15 % de toutes les infractions commises à leur encontre. Le risque d’être victime d’attaques racistes, va de moins 0,5 % pour les “White people“, pour passer à 4% pour les “ Black people “, 5 % pour les “Indians”, et environ 8 % pour les “Pakistanis et Bengladeshis“, V.à ce sujet A. Percy, “Ethnicity and victimisation: Findings from the 1996 British Crime Survey, Statistical Bulletin, Issue 6/ 98, 3 April 1998, Home Office, London, 42 p. Sur les auteurs des attaques et violences à caractère raciste, V. R. Sibbitt, “The Perpetrators of racial harassment and racial violence”, Home Office Research Study, nb. 176, Home Office, London, 1997, 126 p. Les auteurs sont, résume ce rapport d’étude, de tous âges, mineurs, jeunes adultes, adultes voire personnes âgées.

1537.

Sur le Protection from Harassment Act 1997, V. la revue Public law, autumn 1997, pp 555-556.

1538.

V. La proposition du Race and Community Relations Sub-Committee de l’ACPO pour 1998 : “poursuivre activement avec les autres organismes les relations nouées entre la police et les minorités ethniques et développer des stratégies pour maintenir et renforcer cette relation durant l’Année européenne contre le racisme ; Concernant la question des actes racistes, il nous faut travailler en partenariat pour lutter contre le racisme et le harcèlement à caractère raciste, et nous devons envisager la création d’un guide de réponse aux victimes d’attaques racistes“, ACPO, Annual Report 1997, Heddlu Dyfeel-Powys Police, p. 20 .

1539.

County Court Practice 1997, octobre 1997, p. 15.

1540.

Les peines prévues par cette loi de 1994 pour le harcèlement racial étaient de six mois d’emprisonnement ou une amende de cinq mille livres sterling ; avec la loi de 1997, les peines sont aggravées et s’élèvent désormais à au moins deux ans d’emprisonnement.

1541.

Report by the Police Complaints Authority on the Investigation of a Complaint against the Metropolitan Police Service by Mr. N . and Mrs D. Lawrence, Presented to Parliament by the Secretary of State for the Home Department by Command of Her Majesty, Cm 3822, London, December 1997, 14 p. Le jeune Stephen Lawrence est tué à un arrêt de bus dans la nuit du 22 et 23 avril 1993 par trois jeunes, tous arrêtés le 3 juin ; l’Affaire est transmise alors au “ministère public“ en juillet 1993 ; l’affaire vient devant l’Autorité des plaintes en 1993, après une plainte de la famille qui estime qu’il y a eu une absence de premier secours parce que la victime est noire, un manque de précaution dans la protection des indices sur le lieu du crime, un manque de liaison avec la famille sur les suites de l’enquête, sur la conduite et le déroulement de l’enquête critiquée ; l’affaire Lawrence est jugée avoir été traitée différemment de celle de Richard Everett, jeune anglais blanc tué par un gang d’indo-pakistanais, alors que les circonstances de ces deux affaires se rapprochent ; enfin dernier argument de la famille, il y a corruption et collusion du fait du lien de parenté supposé entre certains agents de police et l’un des suspects ; l’Autorité de plaintes contre la police métropolitaine saisie ne débute et n’achève son enquête qu’en 1997. Le rapport conclut à certaines maladresses de la police mais rejette l’idée d’une conduite raciste de la police dans cette affaire. 

1542.

Ibid., p. 3.

1543.

Crime and Disorder Bill (H.L) (Bill 167), brought from the Lords, 1 st April 1998, Ordered by the House of Commons to be printed 1 st April 1998, 152 p.

1544.

NACRO, The Crime and Disorder Bill- A briefing for peers for the House of Lords second reading, December 1997, 13 p.

1545.

s. 25 ( 1 ) énonce: “An offence is racially aggravated for the purposes of sections 26 to 29 below if : (a) at the time of committing the offence, or immediately before or after doing so, the offender demonstrates towards the victim of the offence hostility based on the victim’s membership of, or association with members of, a racial group ; or (b) the offence is motivated (wholy or partly) by hostility towards members of a racial group based on their membership of that group“, Crime and Disorder Bill, p. 21.

1546.

s. 26 (1) : ”(A person is guilty of an offence under this section if he commits (a) an offence under section 20 of the Offences Against the Person Act 1861 (malicious wounding or grievous bodily harm) ; (b) an offence under section 47 of that Act (actual bodily harm) ; or (c) common assault, wich is racially aggravated for the purposes of this section), Ibid.

1547.

s. 27 (1) : (A person is guilty of an offence under this section if he commits an offence under section 1 (1) of the Criminal Damage Act 1971 (destroying or damaging property belonging to another) wich is racially aggravated for the purposes of this section). Ibid., p. 22.

1548.

s. 28 (1) : A person is guilty of an offence under this section if he commits- (a) an offence under section 4 of the Public Order Act 1986 (fear or provocation of violence) ; (b) an offence under section 4 A of that Act (intentional harassment, alarm, or distress) ou ; (c) an offence under section 5 of that Act (harassment, alarm, or distress), wich is racially aggravated for the purposes of this section ; s. 28 (2) A constable may arrest without warrant anyone whom he reasonably suspects to be committing falling within subsection (1) (a) or (b) above. s. 28 (3) : A constable may arrest a person without warrant if (a) he engages in conduct wich a constable reasonably suspects to constitute an offence falling within subsection (1)(c) above ; (b) he is warned by that constable to stop ; and (c) he engages in further such conduct immediately or shortly after the warning) Ibid., p. 22.

1549.

s. 29 (1) : A person is guilty of an offence under this section if he commits- (a) an offence under section 2 of the Protection from Harassment Act 1997 (offence of harassment) ; or (b) an offence under section 4 of that Act (putting people in fear of violence), wich is racially aggravated for the purposes of this section. s. 29 (2) : In section 24 (2) (arrestable offences of the Police and Criminal Evidence Act 1984 (the 1984 Act), after paragraph (n) there shall be inserted (o) an offence falling within section 29 (1) (a) of the Crime and Disorder Act 1998 (racially-aggravated harassment) ). Ibid., p. 23.

1550.

De Source britannique..., La nouvelle loi anti-criminalité entre en vigueur, n° 33, Ambassade de Grande-Bretagne, Paris, 6 octobre 1998. Souligné par nous.

1551.

Ibid.