A défaut de pouvoir modifier l’état actuel du droit ou encore les institutions de protection des minorités, on tend à privilégier l’action sur les hommes. La formation policière devient un enjeu crucial car elle se fixe pour objectif de dépasser les déclarations de principe des droits de l’homme pour imprégner au quotidien le rapport de la police au citoyen. Le maintien de l’ordre est alors présenté comme une question de relation avec la population. La population qui paraît avoir une relation difficile avec l’institution va connaître une attention toute particulière, notamment à l’analyse du contenu de la formation dispensée aux agents de la force publique. C’est dans ce cadre que va venir s’inscrire la formation policière à la question minoritaire
La difficulté des tâches policières exige un renforcement de la formation policière, pour demeurer un tant soit peu dans le cadre juridique des droits de l’homme. La sensibilité exacerbée au respect des droits de l’homme tend à déconsidérer le commandement et l’autorité, représentés ici par la police. Le citoyen accorde davantage de considération à la norme. “La norme, écrit un auteur, objectivise les relations des individus entre eux. Ce n’est plus au supérieur hiérarchique, (...), au policier, ( ...), que l’on doit obéissance mais à un ordre émanant de lui, et ce, à condition qu’il soit conforme à un ordonnancement juridique préexistant“1877. Cette évolution marque profondément la politique et le contenu de la formation policière, formation où la dimension juridique connaît un développement et une importance notables.
L’accent porte alors sur le respect de la personne humaine. Mais droits de l’homme et police évoluent dans un rapport ambigu : la formation policière est marquée par cette ambiguïté. Nous le voyons notamment dans la volonté d’ouvrir la formation policière à la question minoritaire.
La police, qui est au service du public, exige désormais des agents bien formés aptes à relever ce nouveau défi d’ouverture au corps social. La question minoritaire ne peut dès lors être exclue des programmes de formation initiale et continue des policiers. Une telle approche réside dans l’idée anglaise selon laquelle une attention particulière aux relations entre les races, saisie ici à travers une formation positive qui pour l’essentiel est destinée à améliorer ces relations, aboutit à long terme à une perception moins négative des minorités.
En France, la formation policière à la question minoritaire n’est pas affirmée de manière explicite, elle n’en demeure pas moins existante: la notion de sécurité conduit en effet subrepticement à exiger des agents formés à répondre aux besoins et aux attentes de la population. Cette adaptation de la police à son public passe alors par la formation. Celle-ci, par son contenu, tend à refléter la spécificité de certains publics. A une police de proximité répond une formation policière proche de la population concernée. Dans certains territoires de relégation, la question minoritaire ne peut par conséquent être éludée.
En Angleterre, une telle évolution s’est produite de façon toute naturelle ce qui appelle un développement moindre par rapport au cas français sur lequel nous allons davantage consacrer notre attention. En France, cette question est présente sous une forme quelque peu diffuse mais qui, à l’analyse, rencontre certaines similitudes frappantes avec le cas anglais. Si la police anglaise demeure ouverte à la question minoritaire (Chapitre 1), la police française semble en voie de l’être à travers une formation à la question minoritaire (Chapitre 2).
P. Maynial, op. cit., p. 41 .