Section 2 : Le contenu de la formation policière

Comme le souligne un auteur¹⁸⁹⁶, la formation policière anglaise est centrée sur un minimum de domaines communs dont l’importance est inscrite dans les différents programmes propres à chaque grade. Il s’agit de la relation entre les communautés, l’égalité des chances, la qualité de prestation et la déontologie policière. Les droits de l’homme semblent en effet nécessaires dans les domaines tels que les relations entre les races, l’égalité des chances, la qualité de prestation de service dont au premier plan se situe l’analyse de la relation police-public, et enfin les valeurs morales. C’est alors une formation de la police dans le domaine des communautés qui semble privilégiée¹⁸⁹⁷. La traduction concrète de ces principes de formation en matière de relations raciales s’exprime dans le contenu des enseignements dispensés dans les écoles de police, qui globalement sont constitués autour de la discipline et d’un enseignement portant sur les droits de l’homme. 

Les policiers de rang au moins égal à celui de commandant ou d’inspecteur principal (Inspector) peuvent accéder à un rang hiérarchique supérieur en intégrant durant quelques années l’Ecole Nationale de Police de Bramshill (Police Staff College ). Les policiers de rang inférieur suivent quant à eux une scolarité au sein des départements de formation des forces de police locales. 

Le rapport parlementaire de 1989 consacré à la formation policière au sein de l’Ecole de Bramshill¹⁸⁹⁸ qui, après avoir défini les missions essentielles de cette institution¹⁸⁹⁹, évoque le renforcement de la présence des minorités dans les rangs hiérarchiques policiers supérieurs. L’objectif qui est ici poursuivi est de donner une image plus positive des minorités. Cette volonté politique va s’exprimer à travers un programme de formation générale à la question minoritaire des agents de commandement et de grades supérieurs.

Le corps d’inspection dans son rapport de 1997 précité et portant sur la police communautaire et les relations raciales, a établi un modèle-type de matières d’enseignement que devait comprendre toute formation policière à cette question : la direction stratégique de la force de police ; les objectifs et les buts précis à atteindre ; une connaissance du droit et des procédures ; le pouvoir discrétionnaire ; les préjugés et discriminations ; le souci de servir toute la communauté ; environnement local, social, les tendances économiques et leurs conséquences ; l’immigration locale ; responsabilité personnelle et professionnelle ; mécanismes d’aides, par exemple les interprètes, aide aux victimes ; définition de l’attaque et du harcèlement à caractère raciste ; importance du système de suivi (monitoring) ; autres groupes vulnérables (lutte contre l’homophobie). Il s’agit aussi d’améliorer les domaines suivants : repérer un problème ; connaissance du droit et du recours à la force ; faire entendre raison et développer l’habilité ; résoudre un problème ; communication orale et non-orale ; conduite, comportement et attitude, la patience, la compréhension et le contrôle de soi ; résoudre les dysfonctionnements liés au management ; les différences culturelles ; comprendre certaines conséquences spécifiques d’une telle formation¹⁹⁰⁰.

Ce cadre fixé par le corps d’inspection pour la formation aux relations communautaires et raciales trouve une traduction dans les enseignements dispensés dans les écoles de police.

Les commandants et inspecteurs principaux (Inspectors ) ont un rôle de surveillance de la base et veillent surtout au respect de l’exercice correct des pouvoirs de police. Pour ce faire, ils reçoivent une formation dans les domaines suivants : le rôle de l’Inspecteur, la législation pénale, encadrement et contrôle, capacité de gestion, relations entre les communautés (qualité de prestation)¹⁹⁰¹, discrimination institutionnelle, procédures de réclamation, attentats racistes.

Les agents de police de grade supérieur définissent quant à eux la stratégie des forces de police dans le département qu’ils ont en charge, et ont en particulier un rôle déterminant dans l’amélioration des relations entre la police et le public. Dans ce cadre, ils reçoivent une formation dans les domaines suivants : efficacité de la police et relations entre les communautés ; l’action de la police face aux incidents racistes, qualité de prestation dans le cadre du maintien de l’ordre, valeurs morales dans l’organisation de la police, égalité des chances, éthique et enquête criminelle, qualité de la prestation dans le cas des femmes victimes de la délinquance ; les normes internationales intégrées dans la législation nationale mais également dans les institutions publiques, comme la police. 

La formation des inspecteurs quant à elle s’appuie sur les incidences des droits de l’homme sur l’exercice correct de la police, notamment sur le rôle de l’inspecteur, la législation pénale, les procédures de réclamation, la discrimination institutionnelle, les attentats racistes. Cette formation insiste sur les compétences en matière de relations interpersonnelles, les capacités d’encadrement, la qualité de prestation de service.

Le programme destiné aux gardiens de la paix (constables), brigadiers (sergeants), et enquêteurs , ainsi que les inspecteurs s’organise également autour de la relation police-citoyen, en particulier sous l’aspect des pouvoirs généraux de la police, telle que l’arrestation, le recours à la force et enfin le pouvoir discrétionnaire. Pour les constables, plus souvent confrontés au public, la formation porte sur les matières suivantes : le rôle de la police dans la société, l’organisation du maintien de l’ordre et la réaction face à l’autorité, la responsabilité policière, les valeurs, les préjugés et discriminations, l’aptitude à gérer un conflit, les connaissances transculturelles, le racisme, le sexisme, la discrimination institutionnelle, la qualité de prestation.

Cette description générale des matières enseignées dans les corps de police, qu’il nous a paru nécessaire de retracer ici, est révélatrice de l’état d’esprit qui guide à l’heure actuelle la politique de formation policière : l’influence des normes internationales n’a fait qu’accélérer cette prise de conscience de la question minoritaire. Un auteur souligne à cet égard que “ces normes doivent être omniprésentes dans la doctrine de la police et dans toute action de la police dans ses rapports avec les citoyens. Bien que les droits de l’homme ne constituent pas une discipline en tant que telle, c’est un thème récurrent qui inspire de nombreux aspects de la formation des personnels de la police“¹⁹⁰². Cette pression du droit international des droits de l’homme n’a pas été sans influencer le contenu de cette formation qui se base pour l’essentiel sur l’importance du respect de la personne humaine. 

La modernisation de la police française lancée en 1985, notamment par le levier de la formation, n’est-elle pas elle aussi impulsée par cette exigence sans cesse réitérée qu’il faut “être à l’heure de l’échéance européenne“¹⁹⁰³, notamment dans le domaine si sensible des droits de l’homme ? Ce dernier thème apparaît de manière aiguë dans le cadre des pouvoirs juridiques des policiers à l’égard de certaines franges de la population. Cette évolution aboutit à ce qu’en France, la formation policière ne peut exclure la question minoritaire. La formation des policiers paraît en tout cas s’ouvrir à cette question ou est en voie de l’être.