Sous-section 2 : La formation des personnels actifs des services de police

L’importance voire l’obligation qui leur est faite de suivre une formation est inscrite à l’article 19 alinéa 8 de la loi relative à la sécurité du 21 janvier 1995 qui dispose : “Les fonctionnaires de police doivent bénéficier d’une formation initiale et continue dans des conditions fixées par décret”1928.

Cette volonté forte du législateur d’une politique de formation policière est précisée à la section 2 du décret d’application du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de police 1929. Les formations initiales de ces fonctionnaires actifs comportent tout d’abord, aux termes de l’article 14 dudit décret, des parties théoriques et pratiques. La formation continue, qui désormais est rendue obligatoire par l’article 15, fait autant voire davantage l’objet d’attention des autorités publiques en charge de la police. Ces fonctionnaires “sont tenus, dans l’intérêt du service, de suivre des formations continues organisées ou agréées par l’administration, en vue de maintenir, de parfaire ou acquérir une qualification professionnelle, d’assurer leur adaptation aux nouvelles fonctions qu’ils peuvent être amenées à exercer, à l’évolution des techniques ainsi qu’à l’évolution culturelle, économique et sociale“1930.

L’article 113-35 de l’Arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général de la police nationale réaffirme ce souci de formation continue en étant ici encore plus explicite à l’égard de cette obligation : “Pour remplir leurs missions, les fonctionnaires de police doivent se maintenir au meilleur niveau de leur qualification professionnelle et de leur aptitude physique. A cet effet, ils doivent suivre les actions de formation et d’entraînement physique organisées par l’administration à leur intention“1931. C’est à l’autorité hiérarchique, qui s’exerce à tous les niveaux, qu’incombe, aux termes de l’article 111-6 de l’Arrêté de 19961932, la responsabilité du suivi de la formation professionnelle des personnels de police placés sous leur autorité. Il s’agit là d’une compétence dévolue à l’autorité hiérarchique, et qui devient, en matière de formation, une mission essentielle de la fonction de responsabilité de la hiérarchie policière.

La formation policière est un aspect fondamental dans la recherche de qualité de prestation de l’institution à l’égard du public. L’idée au fond est que la qualité, notion qui revient comme un leitmotiv dans certains rapports officiels et qui doit imprégner tous les services, doit désormais se substituer au rendement (“faire du chiffre“ selon les termes usuels). “Il importe, lit-on dans l’Annexe I de la loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité, que la police retrouve toute sa place dans la cité. Renouant avec la tradition républicaine, elle doit redevenir une police de proximité, présente sur la voie publique, plus qu’une police d’ordre. Elle doit se faire reconnaître par son aptitude à se mobiliser au service de tous et à s’adapter de façon immédiate à toutes les situations”1933. La police de proximité tend ainsi à se substituer à la police d’ordre. Cette vision tend à modifier profondément le métier de policier centré jusque là sur le nombre d’affaires à réaliser. La recherche d’une paix publique durable est inscrite dans la réforme des corps de police qui globalement se fixe pour objectif d’assouplir le fonctionnement quotidien de l’institution. Faciliter l’intervention des policiers en milieu urbain passe notamment ici, au regard de leur mission de sécurité urbaine alliant à la fois maintien de l’ordre et police judiciaire, par une formation policière adaptée au contexte actuel de certains territoires. 

Nous pouvons illustrer une telle évolution en référence aux décrets du 9 mai 1995 précités et relatifs à la réforme des corps de police. C’est ainsi que depuis cette date, la distinction entre fonctions en civil et fonctions en tenue est supprimée. La notion de filière subsiste toutefois pour distinguer la police d’investigation (policiers en civil) de la police de sécurité (policiers en tenue). L’acquisition de certaines qualifications et compétences professionnelles permet de passer d’une police à l’autre. Cette modification essentielle du statut des corps de police est à inscrire dans l’organisation et le fonctionnement général de la police dont le fondement se trouve dans la notion actuelle souvent évoquée par les autorités mais jamais définie, à savoir la notion de sécurité.

Le souci de sécurité urbaine, ou mieux et plus modestement la recherche d’une paix publique, rend quelque peu caduques les catégories juridiques fondées sur la dichotomie entre la police judiciaire et la police administrative ; de telles catégories sont en effet ici mises à rude épreuve pour saisir une réalité assez floue, celle du rôle de “régulation sociale”1934 de la police initiée et inscrite fortement dans la pratique quotidienne de l’institution, et notamment depuis la loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité1935.

Dans cet esprit d’ouverture au public, la question des droits de l’homme réapparaît avec force : il ne s’agit plus, comme auparavant, de limiter la formation policière, à l’aptitude physique, aux résultats sportifs1936, aux maniements des armes ou encore aux techniques policières les plus performantes, mais de l’étendre à une connaissance plus large et renforcée du droit, au bon usage des Codes de procédure pénale et de déontologie.

Ce souci d’une bonne formation et l’importance que lui accorde les pouvoirs publics sont également à relier au problème d’adaptation de la police à un contexte social d’inégalités concrètes ou d’hétérogénéité du corps social. Dans un tel contexte, en effet, les questions du droit de la personne et partant la recherche de qualité de prestation ou d’action policière prennent un aspect encore plus aigu, souci que l’on peut notamment observer au sein des écoles de police. C’est alors sur le contenu d’une telle formation initiale des personnels actifs des services de police que notre réflexion doit porter.

Notes
1928.

JO du 24 janvier 1995, p. 1252. Souligné par nous.

1929.

“Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale reçoivent une formation professionnelle initiale et continue, adaptée aux besoins des services et aux nécessités de la promotion interne. Les formations initiales et continues peuvent donner lieu à des équivalences ou validations conformément à la réglementation en vigueur“ (article 13 du décret ). Certaines dispositions de ce statut (avancement et sélection professionnelle) ont été récemment modifiées par le Décret n° 97-640 du 31 mai 1997 modifiant le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, JO du 1 er juin 1995 1997, p. 8686.

1930.

Souligné par nous.

1931.

L’Art: 113-36 dispose quant à lui : “Les chefs de service s’assurent de la formation continue des personnels placés sous leur autorité et de leur entraînement physique. Pour ce faire, à partir des besoins du service et des compléments de compétences nécessaires à chaque fonctionnaire, ils planifient la formation. Ils veillent à ce que chacun puisse bénéficier des possibilités variées offertes dans le domaine de la formation continue (retour d’expériences, formation sur le site, stages régionaux et nationaux...). Ils dressent un bilan mettant en évidence les aspects quantitatifs, mais surtout les effets qualitatifs de la formation, l’évaluation différée étant systématiquement pratiquée. L’ensemble de la hiérarchie participe, chacun à son niveau, à la mission de formation continue, conformément à l’article 111-6 du présent règlement général d’emploi“, JO du 4 septembre 1996. Souligné par nous.

1932.

“L’autorité hiérarchique comporte l’exercice d’une mission permanente de formation professionnelle à l’occasion de l’exercice des fonctions. Elle a la responsabilité du suivi de la formation professionnelle des personnels“.

1933.

Souligné par nous.

1934.

Dans le document officiel du ministère de l’Intérieur de 1989 précité, l’Objectif général n° 2 est intitulé de manière significative “Donner au policier les moyens de contribuer activement à la régulation sociale et d’utiliser toutes les ressources du partenariat“. Souligné par nous .

1935.

L’article 19 al. 2 de la loi de 1995 est à cet égard on ne peut plus explicite : “Les personnels actifs de la police nationale appartiennent à des corps organisés par niveaux hiérarchiques sans distinction de leur affectation à des fonctions en civil ou à des fonctions en tenue“. Cette distinction formelle entre “tenue et civil“ est appelée à disparaître au profit de tâches accomplies saisies à travers des emplois plus concrets dépassant largement la distinction dichotomique de la doctrine juridique actuelle entre “police administrative-police judiciaire“.

1936.

A ce sujet, V. Arrêté du 27 novembre 1996 relatif à l’organisation des épreuves physiques des concours pour le recrutement des commissaires de police, lieutenants de police et gardiens de la paix de la police nationale, JO du 5 décembre 1996, p. 17686, qui montre en ce domaine un certain assouplissement des règles d’aptitude physique exigée. Plus récemment, V. Arrêté interministériel du 21 janvier 1998 relatif à l’aptitude physique exigée des candidats aux emplois de commissaire de police, lieutenant de police et gardien de la paix de la police nationale, JO du 3 mars 1998, p. 3238 .