Sous-section 1 : La notion de sécurité et le contenu de la formation policière

Les principes des droits de l’homme doivent se concilier avec un autre principe tout aussi légitime, l’impératif moderne de sécurité intérieure, concept élaboré pour l’essentiel par l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure ou IHESI. Cette notion centrale, et qui à l’heure actuelle est inscrite dans les programmes de formation des agents de la force publique, apparaît, comme nous allons le voir, dans l’organisation et l’enseignement dispensé au sein des différentes écoles de formation des corps des services actifs de la police nationale.

Il nous semble que l’évolution actuelle est marquée de manière plus explicite dans le document de 1989 du ministère de l’Intérieur précédemment évoqué, dont il s’agit à présent d’évoquer ici les grandes lignes.

Tout d’abord la formation juridique se fait plus ouverte, en particulier en direction des droits communautaire (Union européenne oblige) et humanitaire (les organes et les actes des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ).

Ce document souligne ainsi, dans sa proposition n° 33, que “l’organisation des institutions judiciaires européennes, ainsi que les conséquences de leur jurisprudence sur l’action de la police, restent largement méconnus”. L’objectif de préparer la police à l’échéance d’une construction juridique européenne définit pour l’essentiel à lui seul le projet d’introduire, dans la formation des policiers et notamment des cadres, des informations sur les arrêts de la CJCE concernant les droits de l’homme, et bien sûr ceux de la CEDH. Ce rôle d’écoute de ces évolutions juridiques et leur traduction en objectifs de formation pour les policiers est dévolu à l’organe public créé à cet époque, à savoir l’IHESI1941

Les modalités de formation sont modifiées dans un souci d’une meilleure professionnalisation, au moyen d’une pédagogie par objectif.

La proposition n° 39, qui elle part du constat que la pédagogie par objectif est inscrite dans les seules écoles d’enquêteurs et de gardiens de la paix, et l’enseignement par matière dans les seules écoles supérieures, prévoit de généraliser, à toutes les écoles, la pédagogie par objectifs, qui passe au préalable par la formation des formateurs à cette pédagogie. Cette dernière est jugée plus concrète et plus proche du terrain d’action des futurs policiers. La lecture de ce document éclaire certains éléments de formation actuelle de la police qui pourraient, sans cela, paraître obscurs, disparates voire incohérents. L’idée est d’épouser au plus près l’évolution du corps social, ce qui passe par une formation en phase avec cette réalité. Une telle réflexion part de l’idée que la composition hétérogène de la population, notamment sous l’aspect d’inégalités concrètes devant la sécurité, exige de la police une adaptation de son action. La police est mise au défi de tendre vers un service public d’autorité au service d’un public soucieux avant tout de la qualité de ses prestations. 

C’est par référence aux propositions générales de ce document interne, dont l’origine semble se rapporter à la constitution progressive de la notion de sécurité confrontée dans sa construction aux principes des droits de l’homme, que le contenu de la formation actuelle de la police doit être appréhendé. 

Nous l’observons à travers la formation dispensée au sein des trois corps des services actifs de la police nationale, dont les dispositions ont été récemment modifiées1942 , à savoir respectivement des élèves commissaires, lieutenants de police et gardiens de la paix. L’intérêt majeur que nous portons au corps de maîtrise et d’application nous conduit à réserver une réflexion particulière à ce dernier corps, ainsi que de manière secondaire, aux policiers auxiliaires, et aux nouveaux venus dans le paysage policier, à savoir les adjoints de sécurité.

Notes
1941.

La conception de la sécurité intérieure revient à l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure, crée en 1989. La création de cet Institut a été proposée par l’ancien ministre de l’Intérieur M. Pierre Joxe et approuvée par le Parlement au cours du débat relatif au Budget de l’Etat pour 1989. L’article premier du Décret n° 91-903 du 10 septembre 1991 portant sur l’organisation de l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure dispose “l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure a pour mission de réunir des responsables de haut niveau appartenant à la fonction publique et aux autres secteurs d’activités de la nation, en vue d’approfondir leurs connaissances en matière de sécurité intérieure par l’étude en commun des problèmes qui se posent dans ce domaine. Il est chargé de conduire des études et des recherches concernant la sécurité intérieure et coopère à cet effet, avec les universités, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’avec les organismes concourant à la sécurité“.

1942.

V. Décret n° 97-640 du 31 mai 1997 modifiant le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, JO du 1er juin 1997, p. 8686.