CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

La protection des minorités par les polices anglaise et française emprunte les voies du droit dont l’expression est à la fois légale et symbolique. Légale lorsqu’il s’agit pour la police de veiller à l’application de la loi pénale dans sa tâche de poursuite et/ ou de recherche des auteurs d’infractions à caractère racial ou xénophobe. Dans ce cadre, tout un dispositif institutionnel, législatif et réglementaire est mis en place et est à l’oeuvre pour atteindre un tel objectif.

La lutte policière contre le racisme trouve toutefois une certaine limite ; ce sont alors des actes à teneur symbolique assez forte qui sont davantage mis en oeuvre : telles sont les actions de la police en matière de recrutement ethnique, qu’il soit implicite comme en France ou plus explicite comme en Angleterre, ainsi qu’en matière de formation des agents relativement à la question minoritaire.

Cet effort symbolique trouve une traduction juridique dans des textes législatifs et / ou réglementaires, il est également perceptible voire inscrit dans les rapports officiels portant sur le recrutement et la formation dans la police. C’est alors vers une protection juridique, qui inclut à la fois une lutte policière contre le racisme, le souci d’un recrutement policier ethnique ainsi qu’une formation policière adaptée à la présence de minorités, que nous semblons assister. Cette protection juridique englobe ainsi une protection proprement pénale, une protection au moyen d’un recrutement ouvert aux minorités et enfin une protection à travers une formation à la question minoritaire.

La protection pénale initiée par la police rencontre certaines difficultés tenant pour l’essentiel à l’absence d’une infraction spécifique de violence raciale : la spécificité de l’agression raciale, au contraire de l’agression sexuelle, n’est pas reconnue, bien que des débats en ce sens ont cours, en particulier au sein du Parlement britannique. Une avancée significative est toutefois apportée par la loi anti-criminalité de 1998 (Crime and Disorder Act 1998)

Les limites de la réponse policière face aux attaques à caractère racial tiennent aussi à la faible voire à l’absence de volonté politique de protéger les victimes de ces actes notamment lorsqu’elles appartiennent à certaines catégories de populations signalées elles-mêmes comme potentiellement délinquantes. A ce niveau, la police semble pourtant jouer un rôle crucial dans l’efficacité ou non d’une telle protection pénale. En d’autres termes, la définition d’une infraction de violence raciale a peu de portée à l’égard des individus à protéger si elle n’est pas suivie d’une forte volonté politique de lutter contre ces actes d’atteinte à la dignité de la personne humaine. De la prise en considération de l’importance d’une telle lutte nous semble en effet dépendre le degré de légitimité du système politique en général, et en particulier de l’institution policière.

Ce constat apparaît notamment lorsqu’on examine les efforts déployés comparé au faible résultat escompté dans l’ouverture des corps de police aux minorités et dans l’efficacité de la formation policière.

Le souci de représentativité de la population au sein des corps de police semble souvent guider la recherche d’un recrutement ethnique ou spécifique dirigé vers une certaine frange de la population. Cet effort par trop “artificiel”, car trop intéressé, se trouve en porte à faux avec la protection policière effectivement apportée au public en question. L’expérience anglaise montre ainsi qu’un tel préalable doit être levé pour que la police soit à l’image de sa population.

La formation policière quant à elle veut, à défaut de voir ce projet de recrutement aboutir à court terme, agir sur les hommes : la perception négative des minorités se voit ainsi être combattue par une action sur les mentalités des agents de police. Une bonne police de maintien de l’ordre, au sens général du terme, devient alors une police bien formée aux relations avec le public, en particulier avec certaines populations.

La connaissance de ce public spécifique est saisie sur le plan historique, culturel, voire religieux. Le risque d’une telle approche est de par trop stigmatiser les différences au lieu de réaffirmer une évidence qui semble échapper à une telle vision pédagogique : le respect de la légalité, le principe de l’égalité devant la loi ou de non-discrimination. Une telle approche tend, au fond, à davantage éloigner les agents de police du public spécifique marqué du sceau de l’ “extranéité“. Insister, dans le cadre de la formation policière, sur les particularismes ou spécificités culturelles, ethniques ou religieuses de certaines populations, ne doit pas occulter l’universalité du respect de la dignité de la personne humaine.

Pour qu’une formation soit un tant soit peu efficace, il faut certes approfondir au mieux les savoirs relatifs à ces populations ainsi désignées, mais aussi et surtout exiger, de la part des autorités publiques en charge de la formation policière, qu’elles développent dans l’esprit des agents l’exercice nécessaire d’une police digne d’un Etat de droit. De cette nécessité dépend en effet la légitimité de l’institution policière libérale.