introduction

Lorsqu’elle décide de mettre le feu au théâtre de Genève, Vachine, la « gaupe » aux « mains crochuës » et fort digne compagne de Jean-Jacques,

Forme un gâteau de matières fonduës,
Qui bruleroient les murs du Paradis.
Pour en répandre au loin les étincelles
Vachine a pris (je ne puis décemment
Dire en quel lieu, mais le lecteur m’entend)
Un tas pourri de brochures nouvelles.
[...]
Tout ce fatras fut de chanvre en son temps.
Linge il devint par l’art des tisserans ;
Puis en lambaux des pilons le pressèrent ;
Il fut papier. Cent cervaux à l’envers.
De visions à l’envi le chargèrent ;
Puis on le brûle : il vole dans les airs,
Il est fumée, aussi bien que la gloire.
De nos travaux voilà quelle est l’histoire.
Tout est fumée : & tout nous fait sentir
Ce grand néant qui doit nous engloutir1.

Sicut transit gloria mundi... Triste sort, donc, que celui des brochures, qui semblent devoir inéluctablement retourner à l’obscurité du néant d’où, diront certains, elles n’auraient jamais dû sortir. Mais pour dérisoire qu’en soit l’ultime embrasement, ces « bagatelles » ne semblent pas si négligeables si elles ont servi, au moins sur un mode métaphorique, à allumer un incendie. Car là résident à la fois la force et la faiblesse de ces “ petits écrits ”, relégués à l’oubli presque aussitôt que parus, à tout le moins « aussi négligés » quelques années plus tard qu’ils étaient « recherchés » en leur temps : « C’est le sort de tous les Ouvrages qui n’ont d’autre mérite que celui de la Satyre2 ».

Une telle condamnation à l’oubli semble bien avoir durablement pesé sur ces « brochures » qui, pendant longtemps, n’ont guère attiré l’attention des chercheurs. Tout au plus leur existence était-elle mentionnée de temps à autre, le plus souvent parce que ces “ petits textes ” fournissaient aux amateurs de curiosa une source appréciable d’anecdotes plaisantes dont on souriait un instant, mais dont le caractère peu sérieux dissuadait quiconque d’entreprendre une véritable étude à leur sujet. C’est au renouveau des études historiques que l’on doit d’avoir tiré les pamphlets du « grand néant » qui les avait « engloutis ». Car, en tant que textes de circonstance, en prise sur une actualité immédiate, ils présentent un intérêt documentaire pour l’historien qui s’intéresse non pas tant à une histoire événementielle soucieuse de reconstituer avec rigueur et précision les éléments qui constituent la réalité historique d’une époque, mais à une histoire des mentalités et des opinions qui s’assigne pour objectif de « reconstruire un vécu collectif ». Selon Michel Péronnet en effet, parce qu’il propose « une vision outrée, grossissante, déformante d’une réalité, que celle-ci soit matérielle, événementielle ou idéologique », « il faut récuser toute interprétation du pamphlet visant à le ramener à une confrontation avec une réalité objective quelconque ». Du reste, « personne, ni l’auteur, ni le lecteur du temps, ni l’historien ne lui accorde cette valeur ». En revanche, le pamphlet est « une des sources où puise l’imaginaire collectif par le biais de la rumeur, du bouche à oreille ». C’est pourquoi, qu’on le considère comme un « récepteur » de rumeurs ou comme un « émetteur », il peut être appréhendé comme un « relais » qu’il importe de prendre en considération : si « le témoignage littéraire est à peu près la seule approche possible de ce monde déroutant de l’imaginaire, de l’opinion, venant d’un collectif anonyme et souvent socialement indéterminable, le pamphlet est, pour l’historien, une des approches privilégiées de ce monde3 ».

Une telle démarche doit ainsi être rattachée à la nouvelle approche qui caractérise l’histoire des idées et de la transmission des données culturelles. On comprend dès lors que le pamphlet ait également retenu l’attention des historiens de la lecture comme Roger Chartier, mais aussi des historiens de l’édition au nombre desquels, outre Roger Chartier, figure notamment Robert Darnton. Car le pamphlet apparaît aussi comme un objet privilégié pour alimenter une réflexion sur la théorie de l’information sous l’Ancien Régime, aux côtés des journaux et gazettes analysés par l’équipe lyonnaise d’étude de la presse. Ce qui est en jeu avec le pamphlet, c’est bien en effet la transmission de cette forme particulière de l’information, d’autant plus intéressante qu’elle échappe au crible de la censure, et qui se trouve véhiculée à travers des réseaux clandestins souvent difficiles à reconstituer, faute de documents ou de témoignages fiables. Il s’agit aussi d’évaluer l’impact de cette information et, à travers l’étude de sa diffusion, de contribuer à une réflexion sur la constitution d’un espace public, en distinguant par exemple l’information répercutée dans des sociétés de personnes par la voie des manuscrits, celle qui transite dans les feuilles imprimées colportées sous le manteau, et celle que transmettent les périodiques.

En tant que pratique socio-culturelle, le pamphlet intéresse enfin les historiens qui se penchent sur l’étude de la sociabilité sous l’Ancien Régime. Si le pamphlet accueille volontiers la rumeur et l’amplifie en la diffusant, et si le propre du pamphlet est de “ faire parler ”, il appelle une réflexion sur le rapport qu’il entretient avec la pratique des échanges oraux, qui s’effectue dans certains lieux de sociabilité où, pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Arlette Farge, on a coutume de « dire » et de « mal dire ».

Nous pouvons toutefois remarquer que, dans toutes les orientations que nous venons d’esquisser, l’attention des historiens s’est essentiellement portée sur les pamphlets politiques, qu’il s’agisse des Mazarinades qui paraissent au temps de la Fronde, ou des pamphlets rédigés pendant la période révolutionnaire. À l’évidence, les historiens, y compris les historiens de la littérature, ne s’intéressent guère aux pamphlets littéraires. Par ailleurs, quelles que soient les questions, politiques ou littéraires, qui se trouvent abordées dans les pamphlets, on ne peut que constater les lacunes que comportent les études littéraires sur ce type de textes. Pendant de nombreuses années en effet, lorsqu’on ne les a pas ignorés, on n’a guère vu dans les pamphlets que des sources d’information, exactement comme les historiens ont très longtemps utilisé ces textes rédigés “ en marge ” de la littérature. Ce n’est en définitive qu’assez récemment que la critique, à partir d’une interrogation sur la notion de littérarité, s’est employée à revisiter les “ grands ” textes, tout en retirant les “ petits ” de l’oubli dans lequel la tradition les avait tenus jusque là, et en leur conférant la dignité d’un objet d’étude4.

Malgré les approches d’un Sainte-Beuve par exemple, la critique littéraire n’est en effet parvenue qu’assez lentement à s’affranchir d’une conception “ romantique ” de la littérature en vertu de laquelle elle se livrait à la constitution d’un Panthéon littéraire rassemblant pour chaque auteur un ensemble de chefs-d’oeuvre qu’elle contribuait à célébrer. Or pour nous en tenir au seul XVIIIe siècle, une telle approche ne correspond à l’évidence pas à la réalité de la pratique littéraire, comme l’illustre, par exemple, la manière dont Voltaire exerce sa fonction d’homme de lettres, délaissant une tragédie ou un ouvrage historique en cours d’élaboration pour rédiger un conte ou un pamphlet. Cette pratique effective de la littérature devrait au contraire nous inciter à réfléchir aux rapports éventuels qui existent entre “ grands ” et “ petits ” textes, étant donné que même lorsque Voltaire prétend “ faire oeuvre ”, par exemple en s’exerçant au genre noble de la tragédie, ses intentions ne sont jamais totalement étrangères à l’engagement philosophique qu’il manifeste par ailleurs. Si nous considérons que l’ensemble des productions voltairiennes s’intègre à une littérature de combat dont les objectifs sont convergents, l’enjeu pourrait être de dégager ce qui constituerait la spécificité des moyens mis en oeuvre dans ces différents types de textes pour concourir à ce dessein commun.

Or la critique voltairienne a longtemps considéré d’un oeil méprisant les pamphlets que le Patriarche pouvait commettre, comme l’illustre par exemple cette remarque de Gustave Desnoiresterres, qui présente les pamphlets rédigés en 1760 contre Pompignan comme une perte de temps : « Dans de pareilles luttes [...], le vainqueur ne revient pas du combat sans quelques blessures ; et il aura perdu un temps précieux qui ne pouvait pas être plus stérilement employé pour son art et pour sa gloire5 ». On mesurera le chemin parcouru en lisant la biographie de Voltaire publiée par la Voltaire Foundation et réalisée par l’équipe de chercheurs dirigée par René Pomeau6 : les pamphlets y sont reconnus comme faisant partie intégrante de l’activité littéraire de Voltaire, présentée dans la diversité de ses formes mais aussi dans la cohérence de ses objectifs. Une semblable intention préside aussi à l’établissement, par la même Voltaire Foundation, des Oeuvres complètes en cours d’élaboration. Parmi les volumes actuellement parus, signalons l’édition critique des Anecdotes sur Fréron réalisée par Jean Balcou, présentée, dans le tome 50, à la suite de celle que Colin Duckworth consacre à la comédie de L’Écossaise. Le tome 63A rassemble également certains des pamphlets voltairiens parus en 1767, dans le cadre de la querelle de Bélisaire, présentés par John Renwick. José-Michel Moureaux a enfin effectué l’édition critique de la Défense de mon oncle, publiée dans le tome 64. En marge de cette entreprise, dont on ne saurait assez souligner l’intérêt pour le renouveau des études voltairiennes, il convient de signaler les travaux que Roland Mortier a consacrés à la « satire » religieuse, ainsi qu’à l’étude de Diana Guiragossian sur les « facéties » de Voltaire7.

Par ailleurs, rares ont été les études théoriques sur le pamphlet en tant que texte littéraire, en particulier sous l’Ancien Régime. Mis à part un numéro des Cahiers de l’Association Internationale d’Études Françaises 8, on recense certes quelques travaux portant sur les pamphlets opposant, au XVIe siècle, catholiques et réformés, conduits notamment dans le cadre du Centre V.-L. Saunier9. La rédaction des Mazarinades au temps de la Fronde a également donné lieu à deux études de Christian Jouhaud et d’Hubert Carrier, qui envisagent ces textes sous un angle à la fois littéraire et historique10. En ce qui concerne le XVIIIe siècle, la plupart des ouvrages abordant la production pamphlétaire portent sur la période révolutionnaire. Outre la thèse de Chantal Thomas, qui traite des pamphlets rédigés contre Marie-Antoinette11, l’essentiel des contributions à cette réflexion de portée à la fois historique et littéraire se trouve rassemblé dans deux ouvrages collectifs, La Révolution du journal, 1788-1794 et The Press in the French Revolution, dirigés respectivement par Pierre Rétat et Harvey Chisik12. S’agissant des années 1750-1770 qui nous intéressent dans le cadre de cette étude, les travaux majeurs consistent le plus souvent dans des monographies consacrées à un écrivain ou à une querelle qui, nous y reviendrons, évoquent certains des pamphlets qui figurent dans notre corpus.

Signalons enfin l’ouvrage de Marc Angenot intitulé La Parole pamphlétaire, qui s’inscrit explicitement dans une perspective théorique. Le critique se propose en effet de livrer une « contribution à la typologie des discours modernes », dont il définit la double visée dans son introduction. D’une part, l’« objet immédiat » de son étude consiste à « décrire » et à « analyser d’un point de vue typologique » un « genre littéraire » qui semble « se laisser déterminer par un faisceau de constantes typiques : le pamphlet - flanqué, dans le système proposé, de deux formes contiguës, polémique et satire ». D’autre part, « au-delà de cet objet précis », il s’agit de « construire les éléments d’une “ essayistique ”, d’une méthodologie générale de la littérature d’idée, en relation avec une topique et une doxologie des débats idéologiques modernes13 ». Précisons que Marc Angenot, lorsqu’il parle du pamphlet comme d’un « genre littéraire », ne donne pas à ce terme une acception strictement rhétorique, mais le relie à des considérations d’ordre idéologique : « En ce qui concerne les postulats de la recherche génologique », explique-t-il, « nous posons l’identité de la notion de genre avec celle de configuration idéologique. Autrement dit, nous ne considérons pas le genre “ pamphlet ” [...] comme des formes transhistoriques et idéologiquement neutres que, d’une oeuvre à l’autre, des contenus politiques ou esthétiques variés viendraient actualiser ». C’est ainsi qu’il s’est efforcé de « montrer à chaque instant que les figures et les traits discursifs isolés sont des symptômes convergents dans l’ensemble construit d’un projet idéologique général qui s’identifie au genre même », ce « genre », précise-t-il plus loin, « étant entendu comme une construction opératoire du chercheur et non comme un ens rationis scolastique ».

Et c’est précisément toute la difficulté que l’on rencontre à définir le pamphlet, étant donné que, comme le souligne Marc Angenot, il ne s’agit pas d’une « forme transhistorique » : au contraire, « le pamphlet [...] paraît être une forme historiquement circonscrite, pertinente à une certaine société et porteuse de symptômes idéologiques constants14 ». C’est pourquoi si le critique, qui a centré son étude sur la production pamphlétaire des années 1868-1968, met en évidence un certain nombre de concepts pertinents pour rendre compte des textes définis par son corpus, ces concepts s’avèrent souvent inopérants lorsqu’on tente de les appliquer aux pamphlets des années 1750-1770. Nous nous efforcerons donc moins d’adopter tels quels ces concepts, que de nous inspirer de la démarche de Marc Angenot, et de forger nos propres critères définitoires, adaptés à la « configuration idéologique » correspondant à notre période. Dans cette perspective, nous souscrivons enfin pleinement à la mise au point du critique : « Nous ne tenons évidemment pas le genre “ pamphlet ” pour une entité transcendante dont découleraient divers écrits, comme les hypostases d’une essence unique. Ce que nous cherchons à décrire, c’est un idéal-type au sens de Max Weber, un faisceau accentué de traits tendanciels, obtenu par la scotomisation d’innombrables variables et selectionné en fonction d’une recherche sur le rôle socio-culturel du discours. Il eût été possible de multiplier les sous-catégories, au prix d’une plus grande confusion. Chaque “ pamphlet ” reproduit certains traits essentiels que nous avons considérés, sans qu’il soit possible de dire qu’aucun corresponde à l’archétype, bien évidemment15 ».

Néanmoins, notre visée n’étant pas essentiellement typologique, nous serons amené à nous pencher sur ce que Marc Angenot appelle la « sociologie externe des genres considérés : production, édition, marché, public visé et atteint, mode de lecture, écho... », et qu’il exclut de son champ d’investigation. D’une part, une « sociologie externe » lui semble en effet « en décalage par rapport au point de vue typologique : d’un texte à l’autre, selon des circonstances plus ou moins anecdotiques, les conditions de production et de diffusion présentent une variation énorme ». Or, s’agissant de notre période, une telle variation, que nous ne songeons certes pas à nier, ne nous apparaît cependant pas aussi « énorme » que celle que le critique peut observer à partir de la production pamphlétaire des années 1868-1968. D’autre part, explique Marc Angenot, « une sociologie de l’objet “ pamphlet ” n’aurait de sens qu’intégrée à une théorie de l’institution littéraire et à une histoire de l’économie discursive ». Or, s’il faut bien reconnaître, avec le critique, qu’« à part des données sur l’aspect le plus matériel de l’édition, du marché et des communications de masse, on ne dispose pas aujourd’hui de synthèse théorique en ce domaine », qu’elle porte sur l’époque moderne comme sur notre période, nous pensons qu’on ne peut pas faire l’économie de semblables réflexions, au risque de nous trouver confronté à des incertitudes et à des impasses, dans la mesure précisément où, dans les années 1868-1968, mais aussi pour une large part dans les années 1750-1770, « il y a [...] des écrivains “ spécialisés ”, spécialisés dans l’Indignation, comme d’autres le sont dans le roman préhistorique ou le conte de fées. En ceci, le pamphlet relève de la “ littérature ”, au sens strictement institutionnel de ce mot. Il est même probable qu’un certain type de pamphlétaire [...] a fait son temps. Une sociologie devrait prendre en charge l’étude des divers types sociaux et la façon dont des écrivains donnés parviennent à s’y conformer ou à les infléchir16 ».

C’est dans cette perspective que nous nous proposons d’aborder l’étude des pamphlets qui paraissent dans les années 1750-1770. Nous avons déjà signalé que la critique n’a guère abordé ces textes que dans le cadre de monographies, centrées sur un auteur ou sur une querelle. Signalons à cet égard les travaux de Daniel Delafarge sur Palissot, de Theodore E. D. Braun sur Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, ou encore de Jean Balcou sur Fréron et les rapports conflictuels qu’il entretient avec les philosophes. En revanche il n’existe à notre connaissance aucune étude d’ensemble qui porte sur les échanges de pamphlets « philosophiques » au cours de notre période. Laissant de côté les pamphlets qui portent sur des questions religieuses ou politiques17, nous avons en effet choisi de limiter notre investigation aux seuls pamphlets qui voient le jour, pendant ces vingt années, à l’occasion d’une succession de querelles littéraires qui mettent aux prises les « philosophes » et leurs adversaires « anti-philosophes ». Nous avons certes bénéficié des travaux déjà réalisés sur certaines de ces querelles, mais nous voudrions faire apparaître, au cours de cette étude, les liens notamment idéologiques qui les unissent, et qui fondent la cohérence de notre corpus. C’est pourquoi nous n’aborderons pas non plus les nombreuses querelles d’auteurs qui se manifestent au cours de notre période, dès lors qu’elles trouvent leur origine dans des rivalités ou des jalousies personnelles, et qu’elles ne se rattachent pas, par leurs enjeux, à la confrontation qui oppose philosophes et anti-philosophes.

Soulignons d’entrée que l’emploi de ces deux termes est attesté dans les textes de notre période. C’est ainsi, par exemple, que lorsque Palissot, auteur de la comédie intitulée significativement Les Philosophes se retrouve en butte aux poursuites du parlementaire janséniste Jean-Baptiste-Louis Crevier, qu’il a maltraité dans un autre de ses écrits polémiques, Voltaire lui écrit, le 26 juillet 1764 (Best. D 12016) : « Je ne sais pas comment vous vous tirerez de tout cela, car vous voilà brouillé avec les philosophes et les anti-philosophes18 ». Dans sa réponse, datée du 9 août (Best. D 12043), Palissot décline les offres de réconciliation avec les « philosophes » qu’avance Voltaire, même s’il « avoue », écrit-il, qu’il aimerait « encore mieux » se « réconcilier avec quelques-uns de ces messieurs, qu’avec de certains anti-philosophes ». Or si le terme d’« anti-philosophe » se définit par rapport à celui de « philosophe » auquel il s’oppose, il reste à préciser ce qu’il faut entendre par « philosophe » dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Lorsqu’il rédige son Mémoire sur la liberté de la presse à la fin de 1788, Malesherbes explique dans une note que « pour éviter les disputes autant qu’il est possible » dans un Mémoire où il « cherche à réunir les opinions de tout le Monde sur une vérité importante », il a « dû éviter de nommer la philosophie » :

‘J’ai évité de prononcer le mot philosophie, parce que l’âcreté des disputes élevées depuis quarante ans n’a pas laissé à ce mot de signification certaine. Suivant les uns, toute grande idée, toute vérité nouvelle est regardée comme appartenante à la philosophie. Suivant d’autres, philosophie est devenue synonyme d’impiété. Je crois qu’en Grèce, dans le beau siècle de la littérature, qui fut cependant celui de la persécution des Philosophes, et à Rome, dans les différens siècles où les Philosophes furent bannis, il y avait diversité d’opinions sur la signification qu’il faut donner à ce nom19.’

On voit que les incertitudes qui s’attachent à l’acception du mot « philosophie » et, par voie de conséquence, au mot « philosophe » sont étroitement liées à l’« âcreté des disputes » qui se sont élevées depuis le début des années 1750. Selon que l’on considère le discours des philosophes ou celui de leurs adversaires, la définition varie en effet d’une manière patente : les intéressés se présenteraient volontiers comme ceux qui avancent des « vérités nouvelles », alors que leurs adversaires mettraient en avant l’« impiété » qui, selon eux, caractériserait les « philosophes ». L’article « Philosophe » de l’Encyclopédie se fait l’écho de l’acception polémique de ce terme. Le chevalier de Jaucourt rappelle ainsi que certains

‘en qui la liberté de penser tient lieu de raisonnement, se regardent comme les seuls véritables philosophes, parce qu’ils ont osé renverser les bornes sacrées posées par la religion, & qu’ils ont brisé les entraves où la foi mettoit leur raison. Fiers de s’être défaits des préjugés de l’éducation, en matiere de religion, ils regardent avec mépris les autres comme des ames foibles, des génies serviles, des esprits pusillanimes qui se laissent effrayer par les conséquences où conduit l’irréligion, & qui n’osant sortir un instant du cercle des vérités établies, ni marcher dans des routes nouvelles, s’endorment sous le joug de la superstition.’

Mais il ajoute aussitôt qu’« on doit avoir une idée plus juste du philosophe », et se propose d’en préciser le « caractère ». D’une part, le philosophe se définit par des qualités d’« esprit », qui se manifestent par la « réflexion » et le juste « discernement » de l’homme qui fait usage de sa « raison » : car « la raison est à l’égard du philosophe, ce que la grace est à l’égard du chrétien. La grace détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe ». Mais c’est aussi cette « raison » qui d’autre part « exige » du philosophe « qu’il connoisse, qu’il étudie & qu’il travaille à acquérir les qualités sociables ». Jaucourt résume le double aspect de ce « caractère » : « Le philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, & qui joint à un esprit de réflexion & de justesse les moeurs & les qualités sociables ». Et il ajoute : « Entez un souverain sur un philosophe d’une telle trempe, & vous aurez un parfait souverain », suggérant par là l’une des lignes de force du combat que mènent les philosophes au cours de notre période, et qui consiste dans l’alliance avec le pouvoir royal qu’ils souhaitent voir effective.

De telles définitions, lorsqu’elles ne sont pas délibérément orientées dans une perspective polémique, sont donc travaillées par des postulations de nature idéologique. L’opposition ainsi établie entre « philosophes » et « anti-philosophes » recouvre donc celle qui se fait jour, au cours de cette période de crise dans l’histoire des idées, entre les tenants d’un ordre nouveau qui se réclament du progrès, et les tenants d’un ordre ancien qui font figure de représentants de la réaction, ces notions devant être entendues dans un sens idéologique même si, le développement des querelles le fait apparaître, les uns et les autres ne manquent pas de suggérer que les spéculations « philosophiques » ne sont pas sans implications politiques. Nous formulons ainsi l’hypothèse selon laquelle les appellations vagues de « philosophes » et d’« anti-philosophes » désignent en fait deux clans dont l’unité, en soi problématique, est moins à rechercher dans une forte cohérence interne que dans l’effet de coalition qui se manifeste dans un contexte de violente confrontation idéologique, et qui se traduit par d’intenses échanges de pamphlets de part et d’autre.

C’est pourquoi notre investigation s’étend sur cette période de vingt ans, au cours de laquelle l’« esprit philosophique » se fait jour en prenant conscience de lui-même, tente de s’affirmer face à de violentes oppositions, et finit par s’imposer. Il est alors intéressant d’étudier la manière dont cette évolution est scandée, voire influencée par les nombreuses guerres de pamphlets qui éclatent à l’occasion des querelles littéraires mettant aux prises les deux camps en présence. Nous prêterons ainsi attention aux querelles suscitées par la publication de l’Encyclopédie, qui ponctuent à intervalles réguliers toute la première partie de notre période. Sans doute également faudra-t-il prendre en considération les remous occasionnés par la parution de L’Esprit d’Helvétius en 1758. L’année 1760, qui se trouve au centre de notre période, est aussi celle qui correspond au paroxysme de la crise qui oppose « philosophes » et « anti-philosophes », avec successivement les querelles qui ont pour origine le discours prononcé par Jean-Jacques Lefranc de Pompignan lors de sa réception à l’Académie française, le 10 mars 1760, celles suscitées par la représentation de la comédie des Philosophes de Palissot, et par celle de L’Écossaise de Voltaire. Nous nous pencherons également sur les polémiques nées à la suite de la publication du Bélisaire de Marmontel en 1767, qui est l’occasion d’une nouvelle flambée de pamphlets, dont l’enjeu est la question de la tolérance civile. Nous avons enfin décidé d’inclure dans notre corpus les textes relatifs aux querelles suscitées par les écrits de Rousseau. Personnage atypique dans la « société des gens de lettres » des années 1750-1770, l’« homme aux paradoxes » est en effet l’une des cibles privilégiées des « anti-philosophes », mais aussi des « philosophes ». Par la position marginale qu’il occupe, Rousseau nous fournira ainsi un intéressant contrepoint, dans ces confrontations essentiellement régies par une logique de clans.

Cette recherche s’est construite à partir d’un travail de documentation, qui s’appuie sur un ensemble de sources de natures diverses. Il nous fallait tout d’abord recenser systématiquement les textes polémiques rédigés dans le cadre des querelles que nous venons de mentionner. Nous avons ainsi consulté un certain nombre de périodiques faisant état de l’existence de ces pamphlets : l’Année littéraire, le Journal encyclopédique, le Mercure de France, les Mémoires secrets dits de Bachaumont, l’Observateur littéraire et surtout la Correspondance littéraire qui, en tant que journal manuscrit, échappe au régime de censure qui caractérise les feuilles revêtues d’un privilège, et nous livre des informations plus précises sur ces textes clandestins. Nous avons en outre cherché à approfondir certaines de ces données par la lecture de correspondances privées, celle de Voltaire certes, mais aussi celle de Diderot et d’Helvétius, et de mémoires comme ceux de Collini, de Longchamp et Wagnière, secrétaires de Voltaire, mais aussi de Marmontel, de Moreau, de Palissot, ou encore de Favart. Ces correspondances privées et ces mémoires émanent en effet d’hommes de lettres qui ont directement pris part aux querelles qui nous intéressent ou qui, par leur position, peuvent être considérés comme “ bien informés ”. Il s’agissait en effet de préciser autant que possible l’identification de chacun des pamphlets recensés, c’est-à-dire, dans l’idéal, connaître son titre, son lieu et sa date d’édition, ainsi que le nom de son auteur.

Sur ce dernier point, nous avons été parfois confronté à de délicats problèmes d’attribution, s’agissant de textes qui paraissent en principe d’une manière anonyme ou dont l’auteur se cache sous un pseudonyme. Même si quelques incertitudes subsistent, les écrits de Voltaire demeurent aisément repérables : étant donné la notoriété dont bénéficie le Patriarche au cours de notre période, ses écrits sont toujours recherchés, ils sont en général entourés d’un « bruit » auquel du reste Voltaire est rarement étranger, et les éditeurs successifs de ses oeuvres complètes se sont employés à retrouver toutes les productions du grand homme, jusques et y compris ses pamphlets. Bref, tout le monde ou presque en parle, ce qui a grandement facilité notre recherche. En revanche tel n’est pas toujours le cas des textes de certains de ses « frères » ou « ennemis ». Comme le signalait Grimm de manière prophétique dès 1760, « cet usage de se cacher sous des noms fictifs ou véritables remplira l’histoire de la littérature d’obscurités et d’embarras20 ». Nous en sommes en effet réduit, à propos de nombreux pamphlets, aux spéculations et aux conjectures, alimentées par des rumeurs diverses, souvent contradictoires, qui circulent au gré des témoignages de l’époque, et qui ont quelquefois été retenues sans discussion par Barbier et par Quérard21.

Nous avons par ailleurs consulté de manière systématique le journal manuscrit de l’inspecteur de la Librairie Joseph d’Hémery, qui nous a été d’une aide précieuse pour le recensement des textes mais aussi pour l’établissement de la date de leur publication. L’inspecteur d’Hémery mentionne en effet chaque semaine les informations qu’il a pu recueillir sur les textes qui paraissent sans avoir été soumis à l’approbation d’un censeur. Or l’établissement d’une chronologie, au moins relative, nous a paru essentielle pour appréhender le mode de développement des querelles de notre corpus. Elle rend compte à la fois du rythme sur lequel ces querelles s’enchaînent et de leur évidente intrication lorsqu’on considère par exemple celles qui interviennent au cours de l’année 1760. Cette chronologie s’avérait d’autant plus nécessaire qu’au cours de chaque querelle, les pamphlets répondent parfois à d’autres pamphlets antérieurement parus22. Ce journal manuscrit, ainsi que d’autres documents manuscrits relatifs à la police de la Librairie23 nous ont aussi permis de préciser certaines des filières suivies pour la diffusion clandestine des textes.

L’ensemble de ces sources manuscrites et imprimées, qui forment l’essentiel de notre base documentaire, nous a également livré de nombreux renseignements relatifs au mode de réception des pamphlets. Nous sommes évidemment conscient des limites que comportent certains des témoignages auxquels nous avons eu accès, à tout le moins de la prudence qu’il convient d’observer à leur égard. Les affirmations contenues dans les correspondances privées ou dans les mémoires n’engagent naturellement que leurs auteurs, lesquels sont souvent de parti pris dans les querelles auxquels ils participent. En outre, les rédacteurs de périodiques ne sont pas non plus exempts de partialité, et il importe dès lors de ne pas perdre de vue, par exemple, les sympathies manifestes de l’auteur de la Correspondance littéraire pour les encyclopédistes, ou encore de celui de l’Année littéraire pour les anti-philosophes. Toutes les fois que cela a été possible, nous nous sommes donc astreint à opérer des recoupements entre les informations, considérant qu’elles pouvaient être tenues pour fiables, dès lors qu’elles étaient corroborées par des témoignages émanant d’auteurs proches de chacun des deux camps en présence. Lorsque, faute de documents, nous n’avons pu effectuer de tels croisements, nous avons pris le parti de faire état des informations qui nous paraissaient intéressantes, en signalant qu’elles pouvaient éventuellement être contestables. D’ailleurs, à condition d’opérer la mise en perspective de rigueur, certains témoignages s’avèrent indispensables dans la mesure où ils traduisent la perception de tel homme de lettres, que l’on peut considérer comme plus ou moins représentatif du clan dans lequel il se place. Nous avons enfin été attentif à la date à laquelle chacun de ces témoignages a été rédigé. Les écrits qui interviennent à une époque tardive valent sans doute moins comme des témoignages éclairant la perception que les uns ou les autres pouvaient avoir de ces querelles dans l’effervescence qui caractérise la rédaction “ à chaud ” des pamphlets, que comme des témoignages significatifs de l’élaboration a posteriori d’une mythologie de l’homme de lettres ou de mythologies personnelles. Ils nous renseignent alors sur la représentation de ces querelles littéraires qui s’est constituée par la suite, et sur la place qui leur est accordée dans l’histoire littéraire. C’est ainsi notamment que l’on voit émerger une histoire littéraire conçue comme une histoire des chefs-d’oeuvre qui, lorsqu’elle mentionne l’existence de ces productions de circonstance que sont les pamphlets, tend à les dénigrer, à tout le moins à en souligner l’indignité. Et cette conception n’est évidemment pas étrangère à l’attitude qui, nous l’avons dit, a longtemps prévalu chez les critiques à l’égard de ces textes.

Une fois établis notre corpus de référence et la base documentaire qui en éclaire le contexte, nous avons défini plusieurs perspectives d’investigation de nature à orienter le projet d’ensemble de cette étude, qui s’intéresse aux modalités du recours au pamphlet dans le cadre des querelles opposant philosophes et anti-philosophes. Ces querelles trouvent leur origine dans des écrits de types divers (dictionnaire encyclopédique, traité théorique, discours académique, pièce de théâtre, conte moral, etc.), perçus par l’adversaire comme polémiques. Mais si la dimension polémique s’accorde fort bien avec les textes pamphlétaires, tout écrit polémique n’est pas pamphlet. Ces querelles sont en outre alimentées par une série de publications qui, elles non plus, ne peuvent pas toutes être qualifiées de pamphlétaires. Le recours au pamphlet peut ainsi être considéré comme une stratégie parmi d’autres du combat d’idées, qui suppose des objectifs et des moyens d’action différents, par exemple, de ceux mis en oeuvre dans ces autres types d’écrits polémiques qui voient le jour au cours de notre période. Le problème central de cette étude consiste donc dans la mise au point d’une définition de ce que l’on entendra par « pamphlet ». Si la simple lecture permet de reconnaître, au moins intuitivement, les traces d’une écriture pamphlétaire, les difficultés surgissent dès lors que l’on tente de dépasser cette seule intuition, et de dégager, par la confrontation des textes et le repérage des constantes, un certain nombre de critères distinctifs nécessaires et, éventuellement, suffisants.

Si, comme l’écrit Marc Angenot, « le pamphlet est une construction qui correspond à des tendances historiquement délimitées24 », il s’agit de déterminer ce qu’il en est de ces tendances, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Outre les considérations d’ordre idéologique dont Marc Angenot a déjà souligné la pertinence, nous formulons l’hypothèse selon laquelle la spécificité du pamphlet, dans les années 1750-1770, est à rechercher à la fois dans le fonctionnement de la vie littéraire, lié à des structures historiquement datées, dans le mode particulier de diffusion de ces textes caractérisés par un régime de clandestinité, et dans une organisation rhétorique singulière. Une telle définition du pamphlet « en tant que type opératoire », selon l’expression de Marc Angenot, participe ainsi d’une tentative de modélisation qui, en tant que telle, comporte une inévitable marge d’erreur que nous nous sommes employé à réduire, faute de pouvoir l’annuler. Cette étude se propose également de confronter à ce “ modèle ” théorique général ce qu’il en est de la pratique voltairienne du pamphlet, afin de déterminer, à la manière d’une sorte de “ fil rouge ”, la place qu’occupe Voltaire dans nos querelles. Si, comme les témoignages des contemporains nous incitent à le penser, il est aisé de reconnaître la “ patte ” du Patriarche, il existerait également un “ modèle ” voltairien du pamphlet qu’il s’agirait de confronter à notre “ modèle ” général, afin de dégager les traits susceptibles de définir en quoi consiste l’“ originalité ” de Voltaire mais aussi peut-être, de manière problématique, dans quelle mesure la pratique voltairienne contribue, au cours des années 1750-1770, à façonner la physionomie du pamphlet.

Ces perspectives d’investigation orientent ainsi la démarche que nous avons suivie dans cette étude. Nous commencerons en effet par une première recherche d’une définition du texte pamphlétaire, d’autant plus délicate que le terme même de « pamphlet », s’il est attesté en langue depuis le milieu du XVIIe siècle, n’est guère usité, dans les textes de notre corpus ou dans les écrits contemporains portant sur ces mêmes textes, qu’à la fin de notre période. Il s’agit donc, à partir d’une étude lexicologique, de mettre un peu d’ordre dans cette constellation de mots employés pour désigner la chose. Il n’est pas non plus inutile de s’arrêter sur les “ genres périphériques ”, afin notamment de mettre en évidence certains critères permettant de distinguer ce que nous nommons par nécessité le « pamphlet », en recourant à un hyperonyme, de la « satire » et de ses variantes (la « comédie satirique » en particulier), mais aussi de l’« épigramme », de la « réfutation » ou encore de la « polémique ». Au terme de cette approche préliminaire pour ainsi dire externe, puisqu’elle s’intéresse essentiellement au discours tenu sur les textes, nous espérons dégager certaines constantes qui fournissent sans doute moins des critères universels caractéristiques de ce type de textes que des pistes d’interrogation problématique, de nature à gouverner la suite de notre étude. Nous nous efforcerons alors de situer les querelles littéraires de notre corpus au sein de ces “ traditions polémiques ” qui participent du fonctionnement de la « République des lettres », en tenant compte de son évolution éventuelle au cours des années 1750-1770. Il s’agira ainsi, à partir de l’analyse de ces querelles, de mettre en évidence la place qu’occupe le recours au pamphlet dans leur développement. Dans cette perspective, il ne nous apparaît pas possible de faire l’économie d’un examen des données éditoriales qui caractérisent le pamphlet, ne serait-ce que parce que définissant la forme matérielle sous laquelle se présente le texte, elles ne sont pas sans incidences sur sa diffusion, mais aussi sur les modalités de sa réception et sur la délimitation du « public » qu’il est susceptible d’atteindre. En outre, et d’abord parce que cet aspect a été particulièrement négligé par la critique qui s’est intéressée au pamphlet, il semble déterminant de prêter attention à l’organisation rhétorique des textes pamphlétaires, rhétorique qui serait à définir comme une agonistique particulière, qui n’est pas celle, par exemple, des autres types d’écrits polémiques. Enfin, un tel dispositif rhétorique contribuant à faire du pamphlet une arme en vue d’une utilisation polémique, il faudra nous interroger sur les objectifs assignés à ces pamphlets des années 1750-1770, sur les fins au service desquelles ces moyens sont mobilisés. Car le pamphlet apparaît avant tout comme un texte d’action, dont la dimension pragmatique est essentielle. Or cette action, qui consiste d’abord dans l’agression qui accompagne le geste pamphlétaire, est peut-être aussi à rechercher dans l’idéologie dont est pétri le texte pamphlétaire.

Notes
1.

 La Guerre civile de Genève, chant quatrième, pp. 47-49. Dans les notes en bas de page, nous ne faisons figurer que le titre de l’ouvrage et la référence de la page correspondant au passage cité dans l’édition que nous avons consultée, précédés éventuellement du nom de l’auteur. On trouvera dans la bibliographie générale les indications complémentaires précisant le lieu et la date d’édition du texte.

2.

 Monsieur de Voltaire, peint par lui-même, lettre V, p. 10.

3.

 M. Péronnet, « Réactions d’un historien », dans Le Pamphlet en France au XVI e  siècle, pp. 118-120. En ce qui concerne les travaux des historiens dont le nom est mentionné dans le développement qui suit, on trouvera dans la bibliographie générale le titre des principaux ouvrages consultés pour réaliser cette étude.

4.

 AJOUT1

5.

 G. Desnoiresterres, Voltaire et la société au XVIII e  siècle, t. V, p. 418.

6.

 Notre période est couverte par les tomes III et IV : voir R. Pomeau et Ch. Mervaud (dir.), De la Cour au jardin, 1750-1759 et R. Pomeau (dir.), « Écraser l’infâme », 1759-1770.

7.

 Les références de ces travaux figurent dans notre bibliographie générale.

8.

 Le Pamphlet jusqu’à la Révolution, C.A.I.E.F., n° 36 (mai 1984).

9.

 Voir, en particulier, les Cahiers V.-L. Saunier, nos 1 et 2, intitulés respectivement Le Pamphlet en France au XVI e  siècle et Traditions polémiques.

10.

 Voir Ch. Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots et H. Carrier, La Presse de la Fronde (1648-1653) : les Mazarinades, le tome I s’intéressant à « la conquête de l’opinion », et le tome II aux « hommes du livre ».

11.

 Ch. Thomas, Le personnage de Marie-Antoinette dans les pamphlets : éléments d’une mythologie, thèse dactylographiée soutenue à l’Université Lumière-Lyon 2 en octobre 1991, sous la direction de Pierre Rétat.

12.

 On consultera notamment, dans La Révolution du journal, les articles de Vivian R. Gruder (« Les pamphlets “ pré-révolutionnaires ”. Réseau d’éducation politique et précurseurs des polémiques révolutionnaires », pp. 13-24), de Chantal Thomas (« L’architigresse d’Autriche. La métaphore animale dans les pamphlets contre Marie-Antoinette », pp. 229-234), d’Antoine de Baecque (« Le récit fantastique de la Révolution. Les monstres aristocratiques des pamphlets de 1789 », pp. 235-246) et de Jacques Guilhaumou (« Les Journaux parisiens dans les luttes révolutionnaires en 1793. Presse d’opinion, presse de salut public et presse pamphlétaire », pp. 275-284). Dans The Press in the French Revolution, on se reportera aux articles de Pierre Rétat (« Pamphlet numéroté et journal en 1789 », pp. 71-82) et d’Antoine de Baecque (« La dénonciation publique dans la presse et le pamphlet (1789-1791) », pp. 261-279). Nous avons tenté d’élaborer une réflexion générale sur « Pamphlet et information politique », dans la communication que nous avons proposée au colloque international sur Les Gazettes européennes et l’information politique de l’Ancien Régime (Lyon, 5-7 juin 1997).

13.

 M. Angenot, La Parole pamphlétaire. Contribution à la typologie des discours modernes, p. 9.

14.

 Ibid., pp. 11, 38 et 37.

15.

 Ibid., p. 12.

16.

 Ibid., pp. 13-14.

17.

 Nous justifions ce parti pris dans le deuxième chapitre de notre deuxième partie, consacré entièrement à la définition de notre corpus.

18.

 Avant cette date, tardive dans notre corpus, Palissot était considéré comme un « anti-philosophe », ainsi qu’en témoigne, par exemple, le compte rendu que livre Bachaumont, le 30 mars 1762, d’une Réponse aux Épîtres du Diable, attribuée à Voltaire : « Outre les victimes ordinaires que s’immole le Poëte des délices, il a fait choix d’une nouvelle, le Sr. Palissot, & tout le monde applaudit à ce qu’il dit de cet Anti-Philosophe » (Mémoires secrets, t. I, p. 64).

19.

 Mémoires sur la Librairie et sur la liberté de la presse, p. 375, n. 1.

20.

 Cor. lit., t. IV, p. 261.

21.

 À titre d’exemple, nous avons montré que c’est manifestement à tort que, dans son Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, Barbier attribue à l’abbé Morellet le pamphlet intitulé Les Quand, ou Avis salutaires à un pêcheur notoire de fait & de droit qui tend à l’impénitence finale. Voir, sur ce point, notre Annexe 2.

22.

 On trouvera le résultat de cette recherche dans la partie de notre bibliographie consacrée aux textes polémiques rédigés dans le cadre des querelles de notre corpus : voir le § 3.

23.

 Ces documents, ainsi que le journal de l’inspecteur d’Hémery, se trouvent dans le département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France : leurs références sont précisées dans notre bibliographie, § 2.

24.

 M. Angenot, La Parole pamphlétaire, p. 320.