a. Suites De Pamphlets

En novembre 1766, Grimm informe ses lecteurs de la parution de la Lettre de M. de Voltaire à M. Hume du 24 octobre 1766 : « M. de Voltaire n’a pas gardé le silence dans la querelle de M. Hume avec M. Rousseau. Il a fait imprimer une petite lettre adressée à M. Hume, où il a, pour ainsi dire, donné le coup de grâce à ce pauvre Jean-Jacques. » Il ajoute alors que « le libraire de Paris a ajouté à son édition la Lettre de M. de Voltaire à Jean-Jacques Pansophe, imprimée depuis plusieurs mois à Londres, mais qui ne s’était pas répandue en France531 ». Dans cet exemple précis, il est presque certain que Voltaire, qui se trouve être l’auteur des deux textes, n’a pas cautionné cette édition, étant donné qu’à de fréquentes reprises il a toujours nié être l’auteur de la Lettre au docteur Pansophe 532. Cette entreprise est donc l’initiative d’un libraire parisien, désireux peut-être d’étoffer sa brochure, et certainement soucieux de saisir l’opportunité de diffuser un texte « qui ne s’était pas répand[u] en France », et par là même assuré de bien se vendre.

En outre, l’exemple des Quand de Voltaire contre Pompignan l’illustre, le succès remporté par un pamphlet encourage parfois les éditeurs à le rééditer533. Or, lors de cette réédition, la brochure ainsi constituée peut inclure d’autres pamphlets, en principe se rapportant à la même querelle. C’est ainsi que paraît la sixième édition des Quand, augmentée des Si et des Pourquoi de l’abbé Morellet, que Voltaire demande à d’Alembert d’envoyer « à l’Arsenal chez l’ami Thieriot » : « Je vous prie de me faire avoir un exemplaire du petit recueil couleur de rose des quand, des si, des pourquoi que je n’ai point vu534 ».

Mais certains pamphlets sont aussi regroupés en recueils de plus vaste envergure, constitués à partir de préoccupations différentes. Il peut en effet s’agir de rassembler en un même volume des écrits du même auteur sur des sujets valant par leur commun centre d’intérêt. C’est ainsi que « les Honnêtetés littéraires [...] sont une brochure de près de deux cents pages où M. de Voltaire passe en revue presque tous ses adversaires535 ». Dans un tel texte, structuré par la succession de vingt-six « honnêtetés », la convergence des objectifs est telle que l’on pourrait presque parler d’un seul pamphlet, visant plusieurs cibles, n’était la taille importante de l’ouvrage.

Notes
531.

 Cor. lit., t. VII, pp. 162-163.

532.

 Sur ce point, voir notre chap. 2, § 1.2.

533.

 Sur cette question des rééditions, voir notre chap. 3, § 2.2.

534.

 31 mai 1760, Best. D 8948. On peut s’interroger sur la réalité de cette dernière assertion, cette édition étant imprimée « à Genève », vraisemblablement par Cramer. Serait-ce alors un de ces effets d’annonce que Voltaire aime à multiplier dans sa correspondance ? (Sur cette question, voir notre chap. 2, § 2.2.)

535.

 Cor. lit., t. VII, p. 282.