b. Recueils Constitués

S’agissant toujours de Voltaire, on recense, pour notre période, quatre recueils imprimés536 pour l’année 1760, une série de recueils de Nouvelles Pièces fugitives de M. de Voltaire pour les années 1762-1765, enfin un recueil de Pièces nouvelles de Monsieur de Voltaire, en 1769. Pour ne pas s’en tenir aux seuls textes de Voltaire, il faudrait ajouter à ces recueils ceux qui ont paru notamment à l’occasion de la querelle de Bélisaire : on signalera ainsi les cinq cahiers de Pièces relatives à Bélisaire, imprimés à Genève en 1767.

La composition de ce corpus révèle d’ores et déjà une forte disparité, mettant en évidence l’importance de l’année 1760, au cours de laquelle ne paraissent pas moins de quatre recueils imprimés, ce qui est en accord avec la flambée de l’activité pamphlétaire que nous avons signalée. Reste que l’examen du contenu de ces quatre recueils révèle que le nombre de pièces réimprimées est somme toute assez limité, tant il est vrai que l’on retrouve souvent les mêmes pamphlets d’un recueil à l’autre. Ce phénomène nous amène à une double interrogation. Il s’agit, dans un premier temps, de faire le point sur le choix des pièces réimprimées, ce qui revient à nous interroger sur les raisons qui ont amené les éditeurs à rassembler ces pièces. Il faudra d’autre part nous pencher sur la présentation dont ces pièces font l’objet dans ces recueils (existence d’avertissements, de notes nouvelles, etc.537), réflexion à prolonger par l’étude de la présentation dont ces mêmes pièces font l’objet dans les oeuvres complètes.

Le choix de réimprimer tel ou tel pamphlet se justifie par le succès qu’il a remporté lors de son édition originale, et dont témoignent en outre les rééditions dont il a pu faire l’objet face à une demande pressante. L’exemple des Quand adressés par Voltaire à Lefranc de Pompignan, signalé plus haut, apparaît de ce point de vue particulièrement significatif. On trouve de surcroît ce pamphlet dans les quatre recueils imprimés qui paraissent en 1760.

Dans de tels recueils, le principe du regroupement des textes repose sur des considérations d’ordre chronologique. Le Recueil des facéties parisiennes l’illustre, il s’agit en effet de rassembler des pamphlets parus dans « les six premiers mois de l’an 1760 », à l’occasion des différentes querelles qui sont intervenues cette année-là. Comme l’écrit Grimm dans la Correspondance littéraire du 15 octobre 1760, « M. de Voltaire a fait ramasser tous les petits écrits occasionnés par le discours de M. Le Franc de Pompignan et par la comédie des Philosophes, et dont la plupart le reconnaissent pour leur père538 ». Et de fait, outre la proximité chronologique, on observe que les textes recueillis émanent pour la plupart du même auteur (en l’occurrence, de Voltaire) mais, contrairement aux oeuvres complètes, on trouve également des textes d’auteurs différents : les Si, les Pourquoi et la Vision de l’abbé Morellet, la Lettre du S r  Palissot... au public, ou encore les Quand adressés au S r  Palissot par La Condamine. L’ordre dans lequel figurent ces pièces paraît d’ailleurs relativement indifférent, si l’on en croit cette lettre que Voltaire envoie à Gabriel Cramer en juillet-août 1760 (Best. D 9105), dans laquelle il évoque les Pour, les Que, les Qui, les Quoi, les Oui et les Non contre Pompignan, rassemblés, dans le Recueil des facéties parisiennes sous le titre de L’Assemblée des monosyllabes :

‘Je ne sais si vous avez toute l’assemblée des monosyllabes. L’ordre n’y fait rien, ce qui est écrit est écrit, ce qui est imprimé est imprimé. Il n’importe de la préséance des lettres alphabétiques. Faites comme il vous plaira, ma diligenza, el’ nome di Pompignan tout au long.’

L’abondance des querelles qui agitent la République des lettres en 1760 ne doit pourtant pas nous faire ignorer l’existence de recueils dont l’unité se trouve dans une querelle particulière, les textes pamphlétaires étant accompagnés d’une série de pièces justificatives. Déjà, dans le Recueil de pièces curieuses et intéressantes, les pamphlets voltairiens se trouvent encadrés par le Discours de M. Le Franc de Pompignan qui est à l’origine de leur rédaction, et par le Mémoire présenté au Roi par M. de Pompignan qui constitue le point de départ d’une deuxième vague de pamphlets, contre le même539. Les recueils font en outre parfois paraître, à côté des pamphlets, les réponses qui leur sont adressées : on a déjà pu mentionner la présence, dans le Recueil des facéties parisiennes, de la Lettre du S r  Palissot... au public, qui répond à la Vision de Morellet ; le Recueil des pièces intéressantes rapproche de même le Pauvre Diable de Voltaire et l’Épître du diable à Voltaire qui lui répond. Cette structuration des recueils imprimés autour d’une querelle précise apparaît enfin avec encore plus de netteté en 1767, lors de l’affaire de Bélisaire. Les cinq cahiers de Pièces relatives à Bélisaire rassemblent, outre certains des pamphlets rédigés pour la circonstance540, des documents relatifs à cette querelle, et notamment des extraits de correspondance541, de mémoires542, ou encore un essai de réflexion générale à l’occasion de cette querelle543.

La constitution de recueils imprimés semble dès lors répondre à plusieurs objectifs. En reprenant des pamphlets qui ont déjà pu connaître leur heure de gloire, ils tendent ainsi à en prolonger le retentissement, donc l’impact dans le contexte polémique qui leur a donné naissance. Cette fonction polémique des recueils est d’autant plus marquée lorsque le regroupement des textes s’effectue autour de la notion de querelle. C’est ainsi que l’on a pu signaler l’importance tactique de la publication des Pièces relatives à Bélisaire dans un contexte où la Sorbonne fait attendre la Censure qu’elle prépare de l’ouvrage de Marmontel. Il s’agit dès lors de profiter de ce retard, d’“ occuper le terrain ” de la polémique, en prolongeant les effets produits par les pamphlets séparés qui ont paru dans les mois qui précèdent, et qui ont tourné à l’avantage du parti philosophique. John Renwick explique ainsi qu’en septembre, un partisan des Lumières « émit l’idée de publier en recueil tous les pamphlets mettant au jour des lettres et des documents concernant l’affaire Bélisaire ». Si la raison exacte de cette démarche nous échappe, elle semble en tout état de cause dictée, à ce moment de la querelle, par le souci « de profiter de l’embarras et du désarroi de la Sorbonne, d’entraver toute publication de la censure ou, à défaut, de couper l’herbe sous le pied de la Sorbonne avant qu’elle ait eu le temps de statuer sur la question544 ».

Mais il arrive également qu’aucun principe clair ne gouverne le regroupement des différentes pièces. Les Choses utiles et agréables, dont Grimm signale le deuxième volume paru545 le 1er avril 1770, ne présentent en effet ni une unité de cible, ni une unité d’auteur :

‘Il nous est venu de la manufacture de Ferney un volume in-8° de près de quatre cents pages, intitulé les Choses utiles et agréables, tome second. Jusqu’à présent, personne ne connaît ici le premier tome, le second est un composé de plusieurs choses en effet utiles et agréables, mais dont la plus grande partie vous est connue. Tout n’y est pas non plus du patriarche, et il y a plusieurs morceaux de différentes mains546.’

Le troisième volume paraît en décembre 1770 :

‘Les libraires de Genève ont donné un troisième volume aux Choses utiles et agréables, dans lequel on ne trouve rien, ni de fort utile ni de fort agréable.’

Au milieu de textes de théâtre, on trouve dans ce volume la réimpression du « procès de Jean-Jacques Rousseau avec David Hume », ainsi que celle d’« une lettre détestable de M. le marquis de Ximenès [...] sur la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques547 ». Les remarques de Grimm soulignent que le principe d’organisation du recueil réside uniquement, comme le titre l’indique, dans le caractère « utile » et « agréable » des textes qui s’y trouvent rassemblés. Ce principe étant très subjectif, encore est-il permis de contester l’« utilité » et l’« agrément » de ces pièces ! La fonction d’un tel recueil paraît dès lors résider dans la réalisation d’une “ collection curieuse ”, destinée à répondre au goût du public pour ces pièces “ piquantes ” mais toujours susceptibles de se perdre. C’est aussi la vocation des Pièces fugitives de Mr de Voltaire, si l’on en croit un avertissement que les éditeurs insèrent à la suite de la table des matières du Quatrième Recueil :

‘Le Public a acueilli les premiers tomes de ce Recueil d’une maniere trop flateuse, pour qu’on ne devroit [sic] pas prendre tous les soins imaginables pour le perfectionner. C’est pourquoi qu’on [sic] se propose d’y inserer successivement toutes les Pieçes de Mr. de V. qui ne sont pas dans la grande Collection de ses Oeuvres ; de sorte que ce Recueil en formera une Espece de supplement, d’autant plus agréable, qu’il contient plusieurs pieçes, qui vraisemblablement n’entreront jamais dans aucune Edition des Oeuvres de Mr. de V.548

Au-delà de l’intérêt polémique du moment, on voit donc se dessiner une autre fonction de ces recueils imprimés, qui vise à sauver du néant certaines pièces qui valent aussi par leur agrément. C’est également le souhait qu’émet Grimm lorsqu’il déplore, en juin 1768, que les « feuilles » de la « manufacture de Ferney »,

‘qui se succèdent avec tant de rapidité, restent d’une rareté si excessive à Paris. À peine trouve-t-on le moyen de satisfaire sa curiosité par une lecture rapide, et leur multiplicité fait qu’on a tant de lièvres à courir à la fois qu’on n’en attrape aucun. Il faut espérer que toutes ces feuilles seront réunies avec soin par M. Cramer pour former des volumes de mélanges, et que nous n’en perdrons aucune, malgré l’impossibilité où nous sommes de nous les procurer à présent549.’

En outre, c’est en 1828, soit quelque soixante-dix ans après la parution des textes originaux, que resurgit l’histoire des Cacouacs. La Société catholique des bons livres réédite en effet successivement le Mémoire pour servir à l’histoire des Cacouacs, le Premier Mémoire sur les Cacouacs et le Catéchisme à l’usage des Cacouacs, auquel les éditeurs ajoutent un Petit supplément à l’histoire des Cacouacs, depuis la fin du XVIII e  siècle jusqu’à présent, par un Membre de la Direction de la Société Catholique des Bons livres. Mais la préface de l’éditeur justifie à présent la réimpression de ces textes par leur caractère « peu commun » :

‘On a cru que la réimpression de ces écrits, aujourd’hui peu communs, ne seroit pas inutile. On ne sauroit trop multiplier les ouvrages qui présentent sous son véritable jour cette philosophie du dernier siècle, que ses tristes admirateurs propagent avec plus d’ardeur que jamais. Mais, parmi les livres qui peuvent éclairer les diverses classes de la société, et les préserver d’une illusion funeste, celui que nous publions mérite d’être distingué, parce qu’il donne à un sujet rebutant par lui-même l’attrait d’une forme piquante. La philosophie qu’il démasque a quelque chose de si hideux que peu de personnes pourroient se résoudre à y arrêter leurs regards, si l’on ne tempéroit l’horreur par le ridicule. Toute doctrine perverse est d’ailleurs à la fois un crime et une sottise, et l’on doit joindre le rire moqueur à l’indignation, pour lui rendre une justice complète550.’

Une telle réimpression, qui répond à des motivations d’ordre idéologique551, est en outre justifiée par la « forme piquante552 » qui confère un certain « attrait » à ces textes.

Si une présentation en “ feuilles ” voue ainsi le pamphlet à une consommation immédiate, et à la durée de vie éphémère de la “ feuille de chou ” que l’on lit avant de s’en débarrasser, qu’on la transmette ou qu’on la jette, une présentation en recueil tend en revanche à pérenniser le pamphlet, ne serait-ce que parce qu’il est réédité. Dans sa Dissertation sur les libelles diffamatoires, Bayle remarque ainsi que les « Satires » de son temps « ne seront pas moins actives dans les siecles à venir », et qu’« il ne faut pas s’imaginer sous prétexte qu’elles disparoissent dans les boutiques des Libraires au bout de deux ou trois mois qu’elles n’auront pas une longue vie. Elles se conserveront dans les plus fameuses Bibliotheques, où l’on a eu soin de les recueillir553 ».

Dans ces rééditions des pamphlets en recueils imprimés, on observe en outre la mise en place d’un début d’appareil critique, qui trouve son prolongement et son achèvement dans les éditions de volumes d’oeuvres complètes, jusqu’à l’édition la plus récente des Oeuvres complètes d’Oxford. Même si, dans les premières éditions en recueils imprimés, cette présentation des pamphlets n’atteint pas la rigueur des éditions contemporaines, il n’est pas indifférent que les éditeurs ressentent le besoin de replacer ces textes en contexte, par le biais des avertissements et des notes, mais aussi, avons-nous vu, en associant ces pamphlets à des textes non-pamphlétaires, qui éclairent le lecteur sur le contexte de la polémique. Une telle présentation serait à rapprocher de la démarche adoptée par les frères Cramer dans leur édition des oeuvres complètes de 1756, et qui consiste à publier des textes comme la Henriade, ou encore les ouvrages dramatiques « avec les pièces relatives » à chacun d’eux. C’est d’ailleurs un phénomène que l’on retrouve, par exemple, chez Palissot, lorsque les éditeurs impriment, à la suite de la Dunciade, une série de « Pièces relatives », dont ils justifient ainsi l’insertion :

‘La plûpart des pièces suivantes nous ont été envoyées de Paris, ou nous sont parvenuës de Lorraine par quelques Amis de l’Auteur, qui n’ont pas crû déroger à sa confiance en nous les communiquant. Elles contiennent ou des faits dignes d’être connus, ou des observations intéressantes sur quelques parties de la Littérature, ou même des Ouvrages dont la réputation est déjà faite par les suffrages distingués qu’ils ont obtenus. Il nous a semblé qu’elles rendraient nôtre Edition d’autant plus complette, qu’elles achèvent de satisfaire la curiosité du Public sur le Poëme de la Dunciade, & sur son auteur554.’

Ce souci de pleine lisibilité que manifeste l’adjonction d’un appareil critique, même rudimentaire, ne signifierait-il pas que les textes réédités dans ces recueils imprimés se voient conférer une “ dignité ” littéraire comparable à celle des textes insérés dans les oeuvres complètes ? C’est ainsi que La Vision de Charles Palissot se retrouve, en 1760, dans le Recueil des facéties parisiennes édité par Voltaire mais aussi, près de soixante ans plus tard, dans les Mélanges de littérature et de philosophie du XVIII e  siècle de l’abbé Morellet, publiés en 1818, et à une place de choix puisque c’est cette pièce qui ouvre le volume. Dans l’avertissement qui précède le texte, les éditeurs justifient d’ailleurs son insertion par le retentissement qui a été le sien, attesté, comme nous l’avons dit, par les témoignages de l’époque, mais aussi par la consécration que lui a conférée son insertion dans le Recueil des facéties parisiennes :

‘L’AUTEUR met la pièce suivante au nombre des Delicta juventutis ; et, par cette raison même, il l’aurait retranchée de ce recueil, si elle ne faisait pas partie de l’histoire littéraire du dix-huitième siècle, et si elle n’avait pas été conservée avec des pièces de Voltaire du même temps, dans le recueil intitulé les Facéties parisiennes ; de sorte qu’elle a été trop répandue pour qu’on puisse espérer de la supprimer tout-à-fait555.’

La distance temporelle fait dès lors surgir avec une particulière acuité l’évolution de la perception du texte concerné qui, de pièce de circonstance au moment de sa première publication, est ici présenté comme « faisant partie de l’histoire littéraire du dix-huitième siècle », ce qui lui confère sinon la dignité d’une oeuvre littéraire, du moins le statut d’un texte faisant date dans l’histoire de la littérature. Changement de statut comparable en somme à celui des pamphlets dont le devenir éditorial passe par leur inscription dans les oeuvres complètes de l’écrivain qui les a produits.

Notes
536.

 S’agissant des textes de Voltaire, on se reportera aux tableaux chronologiques que nous avons dressés dans notre Annexe 1, qui mettent en regard les différents recueils imprimés contenant des pamphlets de Voltaire, et les éditions successives des volumes de mélanges à adjoindre aux éditions des oeuvres complètes.

537.

 Sur cette question, voir plus loin, § 4.2. et 4.3.

538.

 Cor. lit., t. IV, p. 303. Grimm ne mentionne pas la querelle de l’Écossaise, bien que le recueil comprenne aussi la Requête à messieurs les Parisiens signée Jérôme Carré, ainsi que les Fr...

539.

 Dans le Troisième Recueil de nouvelles pièces fugitives de Mr. de Voltaire, une note, placée au début du Discours de Mr. Le Franc de Pompignan précise qu’« on trouve dans ce Recueil plusieurs pieçes de Mr. de V. contre le discours de Mr. l. Fr. C’est pourquoi l’éditeur a jugé à propos d’y inserer aussi le dit discours sans lequel on ne saurait entendre les dites pieçes. » (p. LXXI)

540.

 L’Honnêteté théologique attribuée à Damilaville, les XXXVII Vérités opposées aux XXXVII Impiétés de Bélisaire, par un bachelier ubiquiste.

541.

 La Réponse de M. Marmontel à une lettre de Monsieur l’Abbé Riballier, Syndic de la Faculté de Théologie de Paris, une Lettre de M. de Voltaire à Marmontel datée du 7 août 1767, une Lettre de M. de Voltaire à M. le Prince de Gallitzin du 14 août 1767, un Billet de M. de V. adressé à M. D.

542.

 Extraits d’un Mémoire rédigé par Marmontel.

543.

 Exposé des motifs qui m’empêchent de souscrire à l’intolérance civile.

544.

 J. Renwick, « Marmontel, Voltaire and the Bélisaire affair », p. 283 (nous traduisons).

545.

 Ce volume comprend, entre autres, les Anecdotes sur Fréron, initialement parues en 1760, soit dix ans auparavant.

546.

 Cor. lit., t. VIII, p. 492.

547.

 Ibid., t. IX, pp. 177-178.

548.

 Quatrième Recueil de pièces fugitives de Mr de Voltaire, p. CXXIX.

549.

 Cor. lit., t. VIII, p. 99.

550.

 Préface de l’éditeur, pp. I-II.

551.

 Après avoir brossé une peinture, “ version cacouac ” de la Révolution et du début du XIXe siècle, l’auteur termine par une conclusion rédigée au présent de généralité qui, au-delà des générations successives de Cacouacs, dégage les caractéristiques typiques de cette funeste engeance, tout en invitant son lecteur à opérer les applications qui s’imposent : « C’est en eux un besoin invincible. Leur nature est de pervertir le monde et de le troubler. On connoît à présent leurs moeurs farouches et leur hypocrisie cruelle. Si l’on se laisse encore vaincre par eux, c’est qu’on l’aura bien voulu. On a vu sous le règne du grand Cacouac, qu’ils ne demandent qu’à trembler. Ils sont fiers lorsqu’on cède à leurs volontés ; et plus on leur accorde de choses pour les adoucir, plus ils deviennent furieux et intraitables. Voilà pourquoi les gens qui ont appris à connoître ces moeurs des Cacouacs, s’étonnent qu’elles ne servent pas à éclairer l’État qui est chargé de les réprimer. Il ne faut pas avoir une grande force d’esprit pour comprendre tout ce qu’il y a à faire pour les ramener à des habitudes de politesse et de soumission, et s’ils redeviennent les maîtres dans le pays, ils devront bien rire de ceux qui les auront laissé faire » (p. 110).

552.

 Sur l’importance du “ piquant ” du texte pamphlétaire, voir notre quatrième partie, chap. 4.

553.

 Bayle, Dissertation sur les libelles diffamatoires, p. 587, n.

554.

 La Dunciade, p. 198.

555.

 Morellet, Mélanges de littérature et de philosophie du XVIII e  siècle, p. 1.