iii. L’insertion Des Pamphlets Dans Les Oeuvres Complètes

L’étude de l’inscription des textes pamphlétaires dans les éditions successives des oeuvres complètes d’un écrivain apparaît indispensable pour rendre compte du devenir éditorial d’un type de texte par principe éphémère, que sa présence dans des oeuvres complètes a entre autres effets de pérenniser. Dans le cadre de notre corpus, la recherche se limitera aux seuls textes voltairiens. D’abord, certes, pour des raisons de commodité, les éditions successives des oeuvres complètes de Voltaire étant très bien répertoriées et précisément décrites dans le catalogue imprimé de la Bibliothèque Nationale de France. Mais aussi, de manière plus décisive, parce qu’une telle étude s’avèrerait peu significative si nous nous intéressions aux autres écrivains dont nous rencontrons les textes dans notre corpus. À la différence de ces derniers, Voltaire apparaît en effet omniprésent (ou presque) dans les querelles qui nous intéressent, ce qui nous permet de travailler sur un échantillon assez large de textes pamphlétaires. Tel ne serait évidemment pas le cas si nous considérions les textes d’écrivains qui n’interviennent que dans le cadre d’une querelle particulière, en produisant donc un nombre de pamphlets très limité, dont l’insertion dans d’éventuelles oeuvres complètes n’appellerait dès lors pas de conclusions vraiment pertinentes. Ces écrivains “ mineurs ” n’ont d’ailleurs pas connu une réédition de leurs oeuvres aussi riche que Voltaire, dont les écrits n’ont cessé d’être réédités de son vivant (la première édition de ses oeuvres complètes significative dans notre corpus est celle que réalisent les frères Cramer en 1756) jusqu’à nos jours (la dernière édition de référence étant celle des Oeuvres complètes d’Oxford556).

Une nuance s’impose néanmoins : si, contrairement à ce que nous avons pu observer dans le cas de certains recueils imprimés, la particularité, par exemple, des volumes de mélanges repose sur l’identité de l’auteur des textes qui y sont rassemblés, une telle règle souffre quelques exceptions. C’est ainsi qu’avant de reprendre, avec quelques variantes peu significatives, le texte qui avait déjà été placé dans le Recueil des facéties parisiennes, l’avertissement des Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques, critiques édités par les frères Cramer en 1765 précise que les pièces qui suivent, « qui eurent beaucoup de vogue en leur tems, ne sont pas toutes du même auteur. Il est même difficile de discerner ceux à qui elles appartiennent557 ». Et de fait, parmi ces pièces contre Pompignan figurent notamment les Si qui ont été rédigés par l’abbé Morellet558. On perçoit à cette occasion la prégnance de la notion de querelle qui, au cours de notre période tout au moins, peut parfois prévaloir sur celle d’auteur. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de l’édition Dalibon, Delangle frères et Marius Amyot (Paris, 1824-1832) que le texte des Si disparaît des oeuvres complètes de Voltaire559.

L’étude de ces éditions successives des oeuvres complètes de Voltaire nous amène à plusieurs séries de considérations, les unes relatives au choix des textes pamphlétaires que l’on décide d’adjoindre aux oeuvres complètes, les autres relatives au principe de classement de ces textes.

Notes
556.

 Aucun volume de mélanges regroupant des pamphlets n’est paru à ce jour. Signalons toutefois que le volume 50, réalisé par Jean Balcou, rassemble, à la suite du texte de L’Écossaise, certains textes polémiques parus à l’occasion de la querelle avec Fréron, et notamment la Requête... aux Parisiens et les Fr... Le volume 63A rassemble, quant à lui, les écrits datant de 1767, et en particulier les pamphlets voltairiens rédigés à l’occasion de la querelle de Bélisaire.

557.

 Nouveaux Mélanges..., p. 197.

558.

 Signalons que réciproquement, après un avertissement qui reprend dans sa quasi-intégralité celui-là même qui figurait dans le Recueil des facéties parisiennes, les Mélanges de littérature et de philosophie du dix-huitième siècle de l’abbé Morellet reproduisent successivement les Quand, les Si, les Pourquoi et la Prière universelle de Pope, non sans signaler, en note, que « les Quand sont de Voltaire ; on les a insérés ici parce qu’ils furent le signal de cette guerre littéraire, où l’on fit passer M. de Pompignan par les particules, pour avoir insulté dans son discours de réception à l’Académie plusieurs des hommes de lettres dont il avait ambitionné de devenir le confrère. Les Si et les Pourquoi sont de l’auteur de ce recueil, ainsi que le commentaire sur la Prière universelle ; et c’est Voltaire qui fit imprimer ces trois pièces à Genève, par les frères Cramer » (p. 13).

559.

 Comme on peut le voir dans les tableaux reproduits dans l’Annexe 1, les Si figurent encore dans les éditions Panckoucke in-12 de 1771 et de 1772-1777, mais aussi dans l’édition de Kehl (1784-1789) et dans les éditions Renouard et Lequien qui reprennent le contenu de son volume de « Facéties ».