À la fin des années 1750, après le funeste épisode prussien, et devant l’impossibilité qui lui est signifiée de rentrer à Paris, Voltaire s’installe en territoire français, à la frontière avec la Suisse. Il s’agit là certes d’une position stratégique :
‘S’installant hors du territoire de la « parvulissime », il échappe à sa juridiction. On se rappellera que, jusqu’à la Révolution, le territoire français entourait Genève, pour rejoindre, à l’est, les rives du lac sur un front étroit. Ferney et Tourney sont donc situés dans le royaume de France. Voltaire ainsi ne fera pas figure de réfugié, comme tant d’autres Français, notamment huguenots, qui vivent à Genève. Autre avantage : le roi est loin. Il faut bien des jours pour qu’un rapport atteigne Versailles et qu’éventuellement des ordres en reviennent. Dans l’intervalle le seigneur de Ferney et Tourney aura le temps d’aviser. En quelques quarts d’heure, il se met hors de portée soit à Genève, soit en pays de Vaud, soit à Neuchâtel675.’Voltaire écrit en ce sens à Helvétius, le 19 janvier 1759 (Best. D 8055) : « Ce sont en partie ces tracasseries de messieurs les gens de lettres et encore plus les persécutions, les calomnies, les interprétations odieuses des choses les plus raisonnables, la petite envie, les orages continuels attachés à la littérature qui m’ont fait quitter la France ».
Toutefois, cette situation « avantageuse » n’est qu’un pis aller, et malgré les exhortations réitérées de Voltaire à « cultiver notre jardin », son attention ne cesse d’être focalisée sur la capitale, comme en témoigne l’intensification de sa correspondance, en particulier avec ses destinataires parisiens. Son éloignement par rapport à Paris, s’il lui laisse à bien des égards les mains libres, ne facilite pourtant pas l’action que l’« oracle des nouveaux philosophes » entend continuer à exercer par “ petits pâtés ” interposés. Ce qui explique sans doute que Voltaire ait mis en place et perfectionné un système de relais, via des correspondants “ sûrs ”, pour acheminer ses pamphlets vers la capitale.
Voltaire fait appel à des imprimeurs genevois, d’abord les frères Cramer, puis Grasset. En effet, « les éditions de Genève se répartissent en deux groupes ». D’une part, « celles qui sont connues pour avoir été réalisées par Cramer comprennent presque toutes un certain nombre d’ornementations gravées caractéristiques [...] que l’on peut pour la première fois observer dans leur intégralité dans la Collection complette de 1756 ». À cette catégorie appartiennent « les éditions de 1757 et de 1764 de la Collection, les tout premiers volumes des Nouveaux mélanges (1765-1770), d’autres suppléments à la Collection comme les Facéties parisiennes (1760), la Seconde suite des mélanges (1761), les Contes de Guillaume Vadé (1764) - et, bien entendu, le Candide de 1759 ». D’autre part, « les ouvrages séparés publiés après le milieu des années 1760 présentent d’ordinaire une typographie différente676 », et dans le choix des ornementations, et dans la qualité du papier et des caractères utilisés.
Force est pourtant de constater, en lisant la correspondance de Voltaire, que tous les pamphlets qui nous intéressent ici, y compris ceux postérieurs à 1765, sont imprimés à Genève par les frères Cramer. Plusieurs raisons expliquent ce choix, qui sont non seulement géographiques, mais aussi dictées par les « qualités d’éditeur » de Gabriel Cramer :
‘La maison Cramer dispose à travers l’Europe d’un réseau étendu de correspondants. Leur « Grand livre », registre de leurs expéditions (aujourd’hui aux archives d’État de Genève), permet d’en juger677 : ce qu’ils impriment est diffusé dans tous les principaux centres d’Angleterre, des Pays-Bas, d’Allemagne, de Suisse, d’Italie, et de France, malgré les entraves. La publication à l’échelle européenne que Voltaire recherche depuis l’époque des Lettres philosophiques, les Cramer vont la lui assurer avec le maximum d’efficacité. Ainsi l’immense production voltairienne va submerger les obstacles que tente d’opposer en France un régime archaïque de l’édition. À Genève même, il s’en faut que les presses soient totalement libres. Mais Gabriel Cramer n’a cure des enquêtes et saisies que sporadiquement l’autorité tente d’effectuer. Il s’entend à l’endormir ou à la déjouer. [...] Et bientôt cet auteur qui écrit beaucoup et vite ( trop vite ( découvrira l’intérêt d’avoir à portée de main son éditeur : avantage que ne pouvaient lui offrir ni Lambert à Paris, ni Walther à Dresde678.’Une telle proximité se révèle en effet particulièrement appréciable lorsqu’on écrit des textes d’actualité, susceptibles de se périmer rapidement. Dès lors, la disponibilité que témoignent les Cramer, et la rapidité de l’impression qui en résulte, sont des avantages décisifs :
‘[...] Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de la production littéraire de l’écrivain a un caractère d’actualité. Nous n’hésitons pas à le dire : Voltaire a été le plus grand journaliste de l’Ancien Régime. Quand il prend la plume pour défendre un innocent (les Calas, Sirven, le chevalier de la Barre, etc.), pour dénoncer un abus ou pour s’en prendre aux institutions tyranniques ou corrompues, il faut que son texte soit immédiatement composé, imprimé et diffusé. [...]D’autant que Voltaire aime à modifier ses textes sur épreuves. C’est ce qu’il affirme notamment dans une lettre à d’Argental du 30 mai 1766, dans laquelle il s’explique sur son choix des frères Cramer : « sur l’inspection d’une feuille imprimée, je corrige toujours vers et prose. Les caractères imprimés parlent aux yeux bien plus fortement qu’un manuscrit. On voit le péril bien plus clairement, on fait de nouveaux efforts, on corrige, et c’est ma méthode680 ».
Et sa correspondance avec Cramer permet de suivre ce « va-et-vient constant », y compris de pièces fugitives comme les pamphlets. Voltaire donne des instructions681, presse son éditeur pour qu’il lui envoie les épreuves682, signale des fautes d’impression683, dicte ses corrections684.
Car les exigences du Patriarche ont quelque chose de tyrannique, en dépit de la qualité indéniable des impressions des frères Cramer :
‘Si l’on cherche les raisons de cette collaboration de vingt-trois années, nous pensons qu’on les trouve également dans la qualité des impressions des Cramer. Sans avoir jamais été bibliophile, Voltaire était sensible à une typographie claire, correcte, aérée. [...]Car lorsque Voltaire commande à son imprimeur des exemplaires de ses pamphlets686, c’est bien souvent afin de les faire parvenir à ses différents correspondants, pour leur agrément personnel, ou pour les charger de les diffuser autour d’eux. Il convient en effet de distinguer les différents destinataires.
Voltaire adresse d’une part ses textes à des hommes du monde qui fréquentent l’entourage des grands. Ainsi, en France, d’un homme comme Moncrif687, ou encore le comte d’Argental688. De fait, certains hauts personnages en ont vraisemblablement connaissance, même si Voltaire ne les leur envoie pas directement : c’est notamment le cas de Choiseul689. Mais ses envois s’adressent parfois à l’étranger, au comte Francesco Algarotti690, sans oublier Frédéric691. Par ailleurs, il fait parfois mention de l’existence de tel pamphlet dans ses lettres, ce qui tend à prouver que le correspondant connaît le texte, ou en a entendu parler692.
Il s’adresse en outre à ses “ proches ”693, et aux personnes qui gravitent dans le milieu des salons parisiens : Mme du Deffand694, Mme Geoffrin695, ou encore le marquis d’Argence696.
Enfin, beaucoup d’envois sont destinés aux « frères » : d’Alembert697, Mme d’Épinay698, Borde699, Thieriot700. Mais de nombreux indices prouvent que d’autres « frères » ont eu connaissance de ces textes, tant il est vrai que toute nouvelle production de M. de Voltaire devait circuler intensément dans le milieu des philosophes. Aussi Voltaire écrit-il à Helvétius, le 16 juillet 1760 (Best. 6098) : « Tâchez de vous procurer Le Pauvre Diable, Le Russe à Paris, et L’Épître d’un frère de la doctrine chrétienne ; ce sont des ouvrages très édifiants. Je crois que M. Saurin peut vous les faire tenir. On m’a dit que dans Le Russe à Paris, il y a une note importante qui vous regarde. » Une mention particulière doit être faite pour Damilaville, dont on a déjà pu signaler le rôle fondamental dans la diffusion des Pièces relatives à Bélisaire. René Pomeau signale tout le bénéfice que peut attendre Voltaire d’un « homme aussi dévoué » qui est en outre premier commis du Vingtième :
‘Il en obtiendra pour sa correspondance de précieuses facilités. Il lui expédie au bureau du Vingtième plis et paquets en franchise. En outre son courrier ainsi adressé est mieux protégé contre l’indiscrétion de la police. D’autre part Damilaville est très lié avec Diderot. Il sert d’intermédiaire postal entre le Philosophe et son amie Sophie Volland. [...] Même en dehors des cas de recommandation explicite, Voltaire est persuadé que l’ami commun fera part de ses messages au directeur de l’Encyclopédie 701.’Certes, Voltaire a besoin de disposer de correspondants “ sûrs ”, auxquels il peut sans inquiétude adresser des lettres et des paquets702. Damilaville est de ceux-là, mais aussi Bouret703, le secrétaire du duc d’Orléans704 et, avant qu’il ne lui fasse défection, Villemorien705. Plus généralement, Bernard Gagnebin explique que « pour éviter maints désagréments avec la police ou les douanes, Voltaire [...] adressait ses livres à des amis haut placés, qui se piquaient d’esprit philosophique, comme M. de Sartines, lieutenant de police, M. Janel, intendant des postes et maître des imprimés706, M. de Courteilles, intendant des finances, Marin, secrétaire de la librairie et censeur des imprimés, et qui avait été lui-même embastillé pour avoir omis de censurer quatre vers de Dorat707 ». Même s’il est ici question de « livres », on peut admettre qu’à l’occasion Voltaire use des mêmes canaux pour acheminer ses « rogatons ». Du reste la lecture du journal de l’inspecteur d’Hémery confirme cette pratique voltairienne qui consiste à acheminer ses pamphlets par la poste. Ainsi des Quand, signalés le 17 avril 1760, date à laquelle « il n’y en a jusqu’à présent que quelques exemplaires qui sont venus par la poste708 ».
Mais si Voltaire envoie à ses « frères » ses petites productions, parfois sous forme manuscrite709, le plus souvent déjà imprimées par les frères Cramer, ce n’est plus seulement « pour qu’ils s’en amusent », mais c’est aussi pour qu’ils les diffusent dans leur entourage, voire qu’ils se chargent d’en effectuer une réédition à Paris. S’agissant, par exemple, du Pauvre Diable, puis du Russe à Paris, enfin de La Vanité, les consignes de Voltaire sont très claires. Il commence, le 27 juin 1760, par suggérer au comte d’Argental de « donner un Pauvre Diable à [son] ancien portier, peut-être trouverait-il quelque honnête typographe qui s’en chargerait pour l’édification publique » (Best. D 9010). Le même jour, il écrit à Grimm que « s’il se trouve jamais à Paris quelque honnête libraire qui veuille imprimer le sermon du cousin Vadé il fera une bonne oeuvre » (Best. D 9011). Le 11 juillet, il relance d’Argental (« Il me reste encore un Russe. Je vous l’envoie, mais pourquoi n’imprime-t-on pas à Paris ces choses honnêtes tandis qu’on imprime des fréronades et des pompignades ? » - Best. D 9052), puis Grimm, en indiquant cette fois-ci le nom de celui qui pourrait être cet « honnête libraire » : « Cependant il serait utile et honnête, que Robin mouton imprimât Le Pauvre Diable, Le Russe à Paris et la lettre du frère de la charité. Comme dans tout cela on n’attaque aucune belle femme710, ces petits ouvrages ne seront point censurés par la Sorbonne » (Best. D 9057). Enfin, dans un souci de perfection, il écrit à Thieriot, le 18 juillet : « Mlle Vadé veut absolument mettre un Pauvre Diable dans mon paquet afin que si quelque bonne âme veut le mettre en lumière, il soit imprimé plus correctement » (Best. D 9074). Il ne doit d’ailleurs pas s’agir du premier envoi de corrections, puisque l’inspecteur d’Hémery note dans son journal dès le 3 juillet 1760 qu’« on ne peut pas douter que cet ouvrage ne soit par M. de Voltaire parce qu’il en a envoyé quelques exemplaires à des amis avec des corrections de sa main ». Les voeux de Voltaire ont visiblement été suivis d’effets, puisque l’inspecteur, après avoir signalé le 24 juillet 1760 la réimpression sans permission du Russe à Paris, mentionne, le 31 juillet, celle du Pauvre Diable, de La Vanité et de la Requête de Jérôme Carré, cette fois-ci avec une espèce de tolérance711. Enfin, lorsque la campagne contre Pompignan est relancée, en 1761, Voltaire sollicite à nouveau ses « frères », à présent d’Alembert et Damilaville. Il écrit notamment à ce dernier, le 20 octobre 1761 :
‘Lisez, je vous prie, les Car qu’on m’a envoyés et que j’envoie à M. d’Alembert. Ils sont dans son paquet. Vous cachèterez le tout proprement. Au nom des frères répandez les Car. Ils ôteront, à la cour, le crédit dont Pompignan veut accabler nos chers frères. Unissons-nous tous contre les barbares. La paix soit avec nous. Mais que jamais on ne sache que j’ai envoyé ces Car à moi parvenus par un frère de province712.’Quant à Jean-Georges Lefranc de Pompignan, il n’échappe pas au sort qu’a connu son frère. Ce sont à présent Merlin ou Cailleau qui seraient susceptibles de réimprimer la Lettre d’un quakre à J.-G. Lefranc de Pompignan : le 1er décembre 1763, Voltaire demande en effet à Damilaville s’il ne pourrait pas « faire tenir adroitement un quakre à Merlin ou à Cailleau ? Il pourrait imprimer icelui. Il est sûr qu’il faut écraser l’infâme mais sans se compromettre » (Best. D 11523).
L’originalité de la diffusion des pamphlets voltairiens résulte de la situation particulière de leur auteur « enfermé », comme il le dit, « dans un fromage suisse ». Il est alors amené à mettre en place tout un circuit privé, qui repose sur sa correspondance avec ses amis parisiens, les « rogatons » de quelques pages pouvant circuler facilement par la poste sans éveiller trop de soupçons. Au besoin il dispose du reste d’adresses “ sûres ” auxquelles faire parvenir les paquets plus volumineux. Alors, une fois à Paris, par l’intermédiaire des « frères », les pamphlets rejoignent les circuits d’impression “ habituels ”, non sans avoir auparavant été diffusés, à une échelle plus restreinte, dans le “ milieu ” des philosophes, dans les salons, et vraisemblablement aussi, dans certaines des “ sphères ” du gouvernement. Contrairement à l’auteur du Contrepoison des feuilles, qui se bornait, à vrai dire un peu au hasard, à exhorter « très sérieusement tous les Libraires de Paris & des Provinces, à qui les ridicules jugemens de cet Homme ne laissent pas que de faire un certain tort, de faire passer cette Lettre par-tout713 », Voltaire s’assure les moyens de cette diffusion, en mettant en place une logistique rigoureuse fondée sur une solidarité de clan.
Nous Avons Choisi De Développer L’exemple De Voltaire, Car La Lecture De Sa Correspondance Nous Fournit De Nombreux Éléments D’analyse Permettant De Reconstituer D’une Manière Assez Précise Les Rouages De Ce Circuit Privé. Voltaire Est Également L’auteur D’une Quantité Appréciable Des Pamphlets Qui Nous Intéressent Dans Cette Étude, Et Surtout Il Est L’auteur Qui A Mis En Place De La Manière La Plus Rationnelle Ce Va-Et-Vient Des Textes Par L’intermédiaire De Correspondants Privés. Il Ne Faudrait Pas Pour Autant En Conclure Que Voltaire Est Le Seul À Recourir À Une Diffusion Privée : Nous Venons De Voir, À Travers L’exemple Des pièces Relatives À bélisaire, Qu’une Telle Pratique Pouvait Également Être Le Fait D’autres Auteurs. Mais Cette Pratique N’est Pas Non Plus L’apanage Des Philosophes. Comme En Témoigne Notamment Jacques Spica (r. Pomeau Et Ch. Mervaud, Dir., de La Cour Au Jardin, 1750-1759, Chap. Xiii, « Les Délices, Ou “ Prétendues Délices ” », P. 256), Si Voltaire Peut Diffuser Ses Textes En Prenant Appui Sur Un Réseau De Correspondants, Soit Amis Personnels, Soit Acquis À Sa Cause, Ses Adversaires Peuvent Également Compter Sur Des Relais. Ainsi, La Diffusion De la Pucelle, Préfacée Par La Beaumelle, Est Assurée Entre Autres Par Baculard D’arnaud, Mais Aussi Par La Comtesse De La Marck Et Par Mme Geoffrin.
R. Pomeau et Ch. Mervaud, dir., De la Cour au jardin, 1750-1759, chap. XVIII, « Il faut cultiver notre jardin », p. 352.
A. Brown et U. Kölving, « Voltaire and Cramer ? », dans Le Siècle de Voltaire, t. I, p. 150 (nous traduisons).
En ce qui concerne la France, ce « Grand livre » porte notamment la trace du commerce que la maison Cramer entretenait avec des libraires parisiens ou de province. On voit par exemple apparaître certains des noms que nous avons pu rencontrer dans cette étude : Antoine Briasson, André Cailleau, Guy Duchesne, Michel Lambert, Joseph Merlin, ou encore Robin, libraires à Paris ; Jean-Marie Bruyzet et Jean-Baptiste Reguillat, libraires à Lyon ; la veuve Panckoucke, libraire à Lille. Pour le détail, voir G. Barber, « The Cramer of Geneva and their trade in Europe between 1755 and 1766 », S.V.E.C., vol. 30, 1964, pp. 377-413.
R. Pomeau et Ch. Mervaud, dir., De la Cour au jardin, 1750-1759, chap. XII, « Tenir à la liberté de tous les côtés », p. 224.
B. Gagnebin, « La diffusion clandestine des oeuvres de Voltaire par les frères Cramer », dans Cinq siècles d’imprimerie à Genève, 1478-1978, Genève, 1978, p. 184.
Cité par B. Gagnebin, « La diffusion clandestine des oeuvres de Voltaire par les frères Cramer », p. 176.
« Il faut absolument que les rimes des pour et des que soient pleines. Des rimes en points... font vomir. Il faut du Pompignan tout du long. Voilà une plaisante délicatesse » (août 1760, Best. D 9150).
Ainsi du Pauvre Diable (Best. D 9067), mais aussi, s’agissant de la Lettre d’un quakre à J.-G. Lefranc de Pompignan : « Gardez-vous bien, je vous prie, d’envoyer aucune lettre du quakre, avant que j’aie revu la seconde épreuve, et que j’aie corrigé trois ou quatre mots qui sont essentiels » (vers le 20 novembre 1763 ( Best. D 11511).
« Il n’y a qu’une faute au Quand », note-t-il, par exemple, vers le 1er avril 1760 (Best. D 8835).
À propos du Pauvre Diable (Best. D 8971 et D 8978).
B. Gagnebin, « La diffusion clandestine des oeuvres de Voltaire par les frères Cramer », pp. 182-183.
Prenons l’exemple de la Relation... du jésuite Berthier : Voltaire demande d’abord à Cramer « un exemplaire pour l’envoyer à Luc » (entendons : Frédéric II ( Best. D 8509), puis « une douzaine d’exemplaires » (Best. D 8539). Il souhaite ensuite que le pamphlet soit réimprimé (« Utrum velis restamper la maladie, la mort et l’apparition de fra buggerone, car tout le monde en demande, et cela se dévorerait in omnibus provinciis ( et riderem et interim vale. » ( Best. D 8727), en réclame l’envoi (Best. D 8741), passe enfin commande d’« une douzaine d’exemplaires [...], petit caractère, pour l’édification des fidèles » (Best. D 9509).
Voltaire écrit à Mme d’Épinay, le 25 octobre 1761 (Best. D 10094) : « J’envoie aussi [en plus de la Vanité] des Car à notre ami de Saint-Cloud [Moncrif] ; il faut bien le dédommager un peu de son ennui, car j’imagine qu’il réside toujours auprès des grands ».
Il reçoit, entre autres, la Relation... du jésuite Berthier (Best. D 8633), le Pauvre Diable (Best. D 9007), les Lettres sur la Nouvelle Héloïse (Best. D 9633), les Car, les Ah ! Ah ! et la chanson Moïse Aaron (Best. D 10145).
Voltaire écrit en effet au comte d’Argental, qui lui sert d’intermédiaire avec Choiseul : « Mon divin ange, M. le duc de Choiseul m’a mandé qu’il avait vu Le Pauvre Diable. Vous devez l’avoir chez vous. Mais en voici je crois une meilleure édition que la cousine Catherine Vadé m’a envoyée et que je remets dans vos mains pour vous amuser, car il faut s’amuser » (23 juin 1760 ( Best. D 9007). Choiseul écrit également à Voltaire, le 13 juillet 1760 : « Le Russe m’a fait plaisir, mais j’ose le dire ; La Vanité est charmante » (cité par P. Calmettes, Choiseul et Voltaire, p. 111). En revanche, s’il a bien envoyé à Choiseul « Le Marseillais de Saint-Didier », il avoue n’avoir pas « osé risquer Les Trois Empereurs de l’abbé Caille à cause des notes » (le 26 décembre 1768, à Pierre-Jacques-Claude Dupuits ( Best. D 15388).
Notamment Le Pauvre Diable (Best. D 9146).
Il reçoit la Relation... du jésuite Berthier (Best. D 8509), les Anecdotes sur Bélisaire (Best. D 14087), ou encore, par l’intermédiaire de Thieriot, les Trois Empereurs en Sorbonne (Best. D 15495).
Alors qu’il est en train de composer l’Histoire de Pierre le Grand, il écrit à Ivan Ivanovitch Schouvalov, le 8 juin 1761 (Best. D 9813) : « Le bien que vous faites aux lettres dans votre patrie me la rend chère. Quelqu’un a fait Le Russe à Paris. Je me regarde comme un Français en Russie ». Quelques mois plus tard, le 11 décembre 1761, au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov (Best. D 10203) : « Mon plaisir est toujours égal à mon étonnement, quand je songe que c’est à Pétersbourg qu’est né un de nos meilleurs juges. Auriez-vous, par hasard, connu M. Ivan Alétof, qu’on appelait le Russe à Paris ? Il était un peu malin, mais il n’avait pas votre esprit et vos grâces ».
Il envoie les Lettres sur la Nouvelle Héloïse à Mme de Fontaine (Best. D 9655 et D 9717), et à Mme Denis, alors éloignée des Délices, les Trois Empereurs en Sorbonne (Best. D 15369).
Notamment Le Pauvre Diable, Le Russe à Paris (Best. D 9063) et les Trois Empereurs en Sorbonne (Best. D 15355).
Le Russe à Paris (Best. D 9072a).
Les Anecdotes sur Bélisaire (Best. D 14059).
Les Car (Best. D 10080), les Trois Empereurs en Sorbonne (Best. D 15281).
Le Pauvre Diable, La Vanité (Best. D 9014), les Lettres sur la Nouvelle Héloïse (Best. D 9636).
Les Anecdotes sur Bélisaire (Best. D 14068), les Trois Empereurs en Sorbonne (Best. D 15322).
Les Que (Best. D 8936), les Car et les Ah ! Ah ! (Best. D 10146).
R. Pomeau, dir., « Écraser l’infâme », 1759-1770, chap. XIV, « Ecrlinf », p. 231.
Plus rarement, il sollicite certains de ses visiteurs pour qu’ils acheminent certaines pièces vers la capitale dans leurs bagages. C’est ainsi, par exemple, que la Seconde Anecdote sur Bélisaire atteint Paris : « Le texte est sorti de Ferney parmi les affaires personnelles de Necker le 3 mai (Best. D 14157), et était destiné à d’Alembert. Celui-ci, en retour, en accusa réception à Voltaire le 23 mai ; et dans sa correspondance, à la date du 15 juin, Grimm indique que l’anecdote avait entre temps été diffusée auprès du public » (J. Renwick, « Marmontel, Voltaire and the Bélisaire affair », p. 241, nous traduisons).
Entre autres « grâces », il demande par exemple à Mme d’Épinay, le 7 décembre 1759 (Best. D 8637) : « c’est de vouloir bien m’envoyer un second exemplaire de la mort et de l’apparition de mon cher frère Berthier. [...] Le paquet Berthier pourrait être contresigné Bouret, car ce cher et bienfaisant Bouret a la bonté de me contresigner tout ce que je veux ». Le 13 août 1760, il précise à Marmontel que « M. Bouret ne [lui] a offert ses bons offices que pour de gros paquets » (Best. D 9142).
Le 30 juin 1760, il demande à Mme d’Épinay « si le prophète a reçu le paquet adressé au secrétaire de Mgr le duc d’Orléans au Palais-Royal » (Best. D 9014). Le « prophète » désigne Grimm, auteur en 1753 d’un pamphlet intitulé Le Petit Prophète de Boemischbroda, dans le cadre de la querelle des Bouffons.
Cette défection semble contrarier Voltaire, qui écrit à Thieriot, le 22 juillet 1760 (Best. D 9081) : « J’avais envoyé pour vous un gros paquet à M. de Villemorien il y a environ huit jours, et M. de Villemorien m’écrit qu’il ne peut plus servir à la correspondance, et il me signifie cet arrêt sans me parler du paquet, et comme je ne me souviens plus de la date, je ne sais s’il m’écrit avant ou après l’avoir reçu, et cela me fait de la peine, et c’est à vous à savoir si vous avez mon paquet, et à le demander si vous ne l’avez pas, et à me dire d’où vient ce changement extrême.
Et vous noterez que dans ce paquet était entre autres ma lettre au Palissot, laquelle vous vouliez lire, et faire lire ».
À Damilaville, qui lui signale qu’un paquet contenant, entre autres « rogatons », les Car et les Ah ! Ah !, tarde à arriver, Voltaire répond le 12 novembre 1761 : « Peut-être trouva-t-on le paquet trop gros à la poste de Paris ; peut-être M. Jannel en a fait rire le roi » (Best. D 10148). À l’évidence, la perspective de voir son paquet intercepté par M. Janel ne semble pas émouvoir Voltaire outre mesure.
B. Gagnebin, « La diffusion clandestine des oeuvres de Voltaire par les frères Cramer », p. 189.
B.N.F., ms. fr. 22161, f° 90.
Par exemple le 7 juin 1760, dans une lettre adressée à Helvétius (Best. D 8965), il reproduit le texte des Que contre Pompignan.
Allusion à la Vision de Morellet qui, comme on l’a vu, a été poursuivi parce que ce pamphlet mettait notamment en cause la princesse de Robecq, protectrice de Palissot.
B.N.F., ms. fr. 22161, ffos 102 verso, 106 et 109.
Best. D 10083.
Le Contrepoison des feuilles, p. 19.