i. Discréditer Le Texte : Du Bon Usage Du « Digesteur »

Fréron n’est pas en reste. Non content d’être passé maître dans l’art de mettre à mal un texte, il fait profiter de son expérience le Pauvre Diable lorsqu’il s’engage « sous l’espoir d’un salaire, / A travailler à son Hebdomadaire, / Qu’aucuns nommoient alors patibulaire » :

Il m’enseigna comment on dépéçoit
Un Livre entier, comme on le recousoit,
Comme on jugeoit du tout par la Préface,
Comme on louoit un sot Auteur en place,
Comme on fondoit avec lourde roideur
Sur l’Ecrivain pauvre & sans protecteur887.

Ce « dépeçage », que Fréron est accusé de pratiquer sans vergogne dans ses feuilles, les pamphlétaires vont également l’exercer aux dépens de leurs adversaires. Si en effet on juge ordinairement de la qualité d’un auteur par « la progression des idées, la liaison des raisonnements, la force des preuves, la justesse des métaphores, avec l’art de les placer, la noblesse du style, enfin ce mérite si peu connu de flatter le coeur & l’oreille, en éclairant l’esprit », il suffira, pour l’anéantir, de prouver « 1° Que ses principes sont odieux. 2° Que ses raisonnements sont absurdes. 3° Que son style est ridicule888 ». C’est ainsi cette triple démarche qu’il faut mener à bien, en passant au besoin le texte incriminé par le « digesteur889 ».

Notes
887.

 Le Pauvre Diable, p. 60.

888.

 Théorie du libelle, pp. 82-83.

889.

 Ibid., p. 140.