ii. De La « Gaieté »

C’est donc bien la « gaieté » des pamphlets qui en assure d’abord le succès et, par voie de conséquence, l’efficacité. Voltaire, qui fait allusion aux querelles de Rousseau, écrit ainsi à la marquise du Deffand, le 21 novembre 1766 (Best. D 13684) :

‘Il faut avouer en général que le ton de la plaisanterie est de toutes les clefs de la musique française celle qui se chante le plus aisément. On doit être sûr du succès quand on se moque gaiement de son prochain, et je m’étonne qu’il y ait à présent si peu de bons plaisants dans un pays où l’on tourne tout en raillerie.’

Mais dans cette sorte d’écrits plus que dans tout autre, le mécanisme est à double tranchant, s’il est vrai qu’« il n’est pas permis d’être ennuyeux dans des Ouvrages courts1270 ». Car, « dans un pays où l’on tourne tout en raillerie », il ne faut surtout pas décevoir les attentes du public. Ce que Palissot ne s’est pas gardé de faire avec sa Dunciade, que Voltaire présente à Damilaville le 16 mars 1764 (Best. D 11783) comme une « plate et ennuyeuse satire », que « Mme Denis qui a voulu la lire n’a jamais pu [...] achever ». Or « le public [...] veut être amusé, et il est ennuyé : c’est ce qui ne se pardonne jamais ».

On comprend dès lors que les pamphlétaires se trouvent engagés dans une délicate dialectique de l’innovation et de la répétition, à laquelle, il faut bien le reconnaître, ils s’exercent avec un inégal bonheur.

Notes
1270.

 Lettre à l’éditeur des Pièces fugitives en vers et en prose, p. 4.