Iii. Textes Polémiques

Nous regroupons sous cette rubrique l’ensemble des textes polémiques qui constituent le corpus de référence de notre étude. Il nous apparaît en effet nécessaire de ne pas séparer les pamphlets proprement dits des textes périphériques qui les accompagnent, et qui permettent de les situer dans le contexte qui détermine les circonstances de leur rédaction, leur portée, ainsi que les modalités de leur réception. En particulier, il importe de mentionner les textes, au sens large, qui sont à l’origine des querelles que nous avons étudiées. Lorsqu’il s’agit d’un discours ou d’une pièce de théâtre, nous en avons mentionné le titre respectivement à la date à laquelle il a été prononcé ou à la date à laquelle elle a été représentée pour la première fois, lorsque cette date est antérieure à la publication du texte du discours ou de la pièce. Nous avons ainsi pensé que le critère décisif était celui de la “ publicité ” du texte en question, autrement dit que l’élément essentiel demeurait la date à laquelle le texte a été porté à la connaissance du public. Il n’est pas en effet nécessaire que le texte d’un discours prononcé ou d’une pièce de théâtre représentée soit imprimé pour qu’il donne lieu, par exemple, à la rédaction de pamphlets. Précisons enfin que les pamphlets qui sont parus entre 1750 et 1770, mais qui ne se rattachent pas aux querelles que nous avons définies, ne figurent évidemment pas dans la liste qui suit.

Une fois précisée la nature des textes que nous répertorions, il importe de déterminer un principe de classement. Nous avons choisi de présenter ces textes dans un ordre chronologique plutôt que thématique. Il eût été possible en effet de regrouper les textes polémiques en fonction de la querelle à laquelle ils se rattachent. Mais il était alors malaisé de classer certains textes - et c’est là une donnée structurelle importante que nous avons étudiée1577 - qui font référence à plusieurs de nos querelles. Enfin, ces querelles étant elles-mêmes assez clairement délimitées dans le temps, le choix de l’ordre chronologique ne bouleverse pas considérablement le regroupement des pamphlets par querelles. Il offre enfin l’avantage non négligeable de permettre de rendre compte du développement de ces polémiques, de suivre pour ainsi dire au jour le jour les péripéties qui marquent la vie littéraire au cours de notre période : on sera sensible à leurs rebondissements (c’est notamment le cas de la querelle de l’Encyclopédie, qui se caractérise par une succession de périodes de crise et d’accalmie) ; on observera aussi la précipitation de l’antagonisme entre philosophes et anti-philosophes au cours de l’année 1760, avec l’intrication des différentes querelles qui interviennent cette année-là, génératrice d’une confusion qu’il est important de prendre en considération pour espérer percevoir l’effervescence dans laquelle écrivent les uns et les autres.

Nous n’ignorons pas les difficultés que présente tout classement chronologique de textes négligés, à tort ou à raison, et de surcroît plus ou moins clandestins. Cette chronologie n’a pu être établie qu’à partir de multiples recoupements prenant en compte des informations issues de sources diverses, qu’il convient de préciser. Nous avons choisi de classer les textes dans l’ordre chronologique de leur mention dans le journal manuscrit de l’inspecteur de la Librairie Joseph d’Hémery : la date à laquelle chaque texte est répertorié par d’Hémery est indiquée entre crochets et en italiques1578. Ce journal, que d’Hémery tenait tous les jeudis, nous a en effet paru, en raison de cette périodicité, pouvoir être considéré comme un document de référence, permettant de préciser l’ordre chronologique (relatif, sinon absolu) de parution de ces textes polémiques qui, dans le meilleur des cas, ne précisent que l’année de leur publication. Nous ne nous sommes affranchis de cet ordre que lorsque des raisons importantes nous l’imposaient, et nous nous en sommes alors expliqué en note. Tout d’abord, malgré l’efficacité avérée du réseau de renseignements dont dispose d’Hémery, on constate que certains textes échappent à sa vigilance, et ne sont pas mentionnés dans son journal. Il faut dès lors recourir à d’autres sources, en particulier à celles dont nous nous sommes servi pour constituer notre base documentaire (L’Année littéraire de Fréron, la Correspondance littéraire de Grimm, les correspondances privées, etc. - voir, pour le détail, la suite de notre bibliographie). La consultation de ces sources permet en outre parfois d’affiner la chronologie tirée du journal d’Hémery, dans les cas, peu nombreux il est vrai, où l’inspecteur apprend avec un retard inhabituel la parution de tel pamphlet, ou lorsqu’un pamphlet, diffusé tardivement sous forme imprimée, précède la rédaction d’un autre pamphlet, répandu plus vite. Ce sont enfin des raisons de critique interne qui ont pu nous amener à ignorer la chronologie de l’inspecteur, et tout particulièrement la présence, dans tel pamphlet, d’allusions directes ou indirectes à un autre pamphlet qui dès lors ne peut être qu’antérieur. Un tel travail de recoupement s’avère, on le comprend, particulièrement important et délicat au cours de l’année 1760, en raison précisément de l’abondante production pamphlétaire qui la caractérise.

Nous sommes conscient que lorsqu’on s’intéresse à des textes de cette nature, a fortiori anciens, tout effort de précision chronologique rencontre inévitablement ses limites. Nous livrons donc cette chronologie dans l’état où nous avons pu la mener à bien, en sachant pertinemment qu’elle comporte des imperfections (espérons-le, limitées), que des recherches bibliographiques ultérieures plus poussées pourraient éventuellement corriger.

Notes
1577.

 Voir notre quatrième partie, chap. 3.

1578.

 Parmi les informations supplémentaires que nous livre le journal de l’inspecteur d’Hémery, nous avons cru devoir préciser, entre parenthèses, le type de permission qu’a reçu le texte mentionné. Ces données ont été exploitées dans le deuxième chapitre de notre troisième partie.