reponses

aux quand,

aux si,

et

aux pourquoi.

Ce pamphlet se présente explicitement comme une nouvelle « réponse » aux Quand de Voltaire, mais aussi aux Si et aux Pourquoi rédigés par l’abbé Morellet. L’attribution de ces Réponses demeure douteuse : s’il est possible que Pompignan en soit l’auteur, rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Nous reproduisons le texte tel qu’il figure dans le Joli Recueil (Genève, 1760 - Ars., 8°BL 34230(4)).

QUAND on a l’avantage d’être bon Citoyen, on doit saisir les occasions les plus éclatantes pour convaincre le Public qu’il est des Gens de Lettres qui respectent l’autorité, le Gouvernement & la Religion. Démasquer les nouveaux Philosophes, n’est pas insulter l’Académie ni le Public.

QUAND on reproche à certains Philo [91] sophes de porter envie aux gens riches, ce n’est pas leur reprocher leur pauvreté. Sans sçavoir ce que ces Messieurs pensent en secret, on peut tirer de leurs maneges & de leur conduite, les conséquences qui naturellement en résultent.

QUAND on a le malheur de vivre dans un siécle infecté par des écrits téméraires & séditieux ; le décrier, c’est un devoir pour ceux qui font & pour ceux qui ne font pas honneur à leur siécle par leurs Ouvrages.

QUAND on a du mal à dire de sa nation, il vaut mieux la taxer de n’avoir qu’une fausse littérature & une vaine Philosophie, que d’insinuer qu’elle n’a qu’une Religion superstitieuse, un culte faux, un mauvais gouvernement.

QUAND on a composé des Ouvrages suspects, c’est une raison de plus pour ne pas manquer l’occasion de dévoiler ses vrais sentimens. Accuser en général des Philosophes de nos jours d’impiété, c’est rendre hommage à la vérité, à la justice. Quand des Ecrivains de tout rang insultent à toutes les [92] bienséances, en se donnant les airs de parler de Religion, pour la faire mépriser dans toutes sortes de Discours & d’Ouvrages ; on ne doit pas s’étonner qu’un Philosophe Chrétien prenne le parti de sa Religion devant une Académie qui a pour maxime & pour loi de ne couronner aucuns Discours, qu’elle ne soit assurée qu’ils ne contiennent rien de contraire à la Religion, & au respect qu’on lui doit.

QUAND on dit que la Philosophie de nos jours sappe les fondemens du Trône & de l’Autel ; que la haine de l’autorité est le caractere dominant de nos productions, on indique des Ouvrages qui ne sont que trop célèbres, on ne parle qu’après l’autorité qui les a proscrits1707, on n’apprend rien de nouveau aux Princes & aux Ministres.

QUAND un homme n’a pas eu d’autre malheur que celui de substituer (si on veut, ridiculement) une nouvelle preuve de l’existence de Dieu à une plus ancienne, qui n’est pas à beaucoup près la seule évidente, admise & consacrée ; il est à l’abri de tout soupçon d’athéisme ; & on ne voit pas pour [93] quoi il ne seroit pas permis de louer, dans ses Ouvrages, le respect pour la Religion.

QUAND on harangue en France, on n’est pas tenu d’adopter la manière Angloise de raisonner : & si on trouve dans les Philosophes Anglois le modèle & la source de l’impiété qui régne en France, il est beau de s’emporter contr’eux & leurs serviles imitateurs.

QUAND on a de bonnes raisons pour se justifier, qu’on est modéré & modeste, on ne traite pas son Confrere, dans un écrit de dix-huit petites pages, d’infâme délateur, d’odieux imposteur, d’insolent orgueilleux, d’ignorent, de rhéteur emporté, de fanatique, de calomniateur, de déclamateur furieux, de tête chaude, d’homme à talens médiocres, dont l’intérêt guide toutes les démarches, qui a mérité d’être jetté par les fenêtre[s], cui robur & oes triplex, enfin, de faux dévot, politique & persécuteur, dont la secte nouvelle menace également les lettres & la tranquillité publique, & qu’il faut détester, &c. &c. &c. [94]

Notes
1707.

 Le 23 janvier 1759, le parlement de Paris condamnait notamment l’ouvrage d’Helvétius intitulé De l’Esprit, ainsi que l’Encyclopédie. Le 8 mars 1759, un arrêt du Conseil d’État du roi révoquait le privilège accordé à l’Encyclopédie.