Les pourquoi.

POURQUOI trouve-t-on singulier que les talens de M. le F. lui ayent mérité une place à l’Académie ? C’est qu’il n’est pas du nombre des nouveaux Philosophes : il ose être vertueux & Chrétien.

POURQUOI le zele de M. le F. déplaît-il aux incrédules ? C’est qu’ils en craignent les effets ; c’est qu’ils voyent augmenter tous les jours contr’eux l’indignation du Public.

POURQUOI reprocher d’avoir justifié M. de Maupertuis sur l’article de la Religion ? C’est que le nom célébre de Maupertuis auroit représenté dans la liste infidele qu’ils font des prétendus Membres de leur Secte, & que M. le F. les prive de cet avantage.

POURQUOI veut-on absolument qu’on puisse être Philosophe sans être Chrétien ? C’est que le titre d’Anti-Chrétien est devenu, dans un certain monde synonime à Philosophe. [101]

POURQUOI dit-on que le Discours de M. le F. est fait pour être lu ailleurs qu’à l’Académie1709 ? Pense-t-on qu’à l’Académie on ne puisse parler du respect du à la Religion ? Non, mais on voudroit le faire penser.

POURQUOI dire que M. le F. a insulté les Académiciens chez eux ? C’est qu’on voudroit persuader l’Univers entier que, par-tout où il y a du bon sens, de l’esprit, de la littérature, il n’y a ni religion ni vertu.

POURQUOI faire entendre que l’Académie est peuplée d’incrédules ? C’est que ceux qui le sont ne cessent d’insinuer faussement que tout est infecté de leurs pernicieux dogmes, & que le mépris de la Religion est le caractere distinctif des gens d’esprit, même de ceux qui la prêchent.

POURQUOI les nouveaux Philosophes ont-ils tant de peur qu’on les décrie ? C’est qu’ils sont coupables & qu’ils ne sont pas les plus forts.

POURQUOI cite-t-on Corneille & Bossuet pour de grands modeles ? C’est qu’on n’a pas osé y substituer Did. & l’Ab. de P. 1710 [102]

POURQUOI dit-on que les richesses de M. le F. lui laissent beaucoup de choses à envier aux Gens de Lettres ? C’est pour faire entendre qu’il n’est qu’un ignorant en Philosophie & en Littérature, puisqu’il est Chrétien.

POURQUOI chercheroit-on un appui dans les personnes respectables par la naissance & les dignités contre les incrédules ? On ne les craint pas ; on les méprise.

POURQUOI ce malicieux assemblage de quelques mots épars çà & là dans le Discours de 1756 ? Seroit-ce pour nous convaincre qu’il est encore de vrais Citoyens qui, sans être éblouis de l’éclat du trône, osent découvrir au Monarque toute la misere de son Peuple ? Oh ! non. Seroit-ce pour rendre M. le F. suspect au Gouvernement ? on le voudroit bien. Mais non ; c’est qu’on voudroit, malgré le Discours de 1760, malgré tout ce qu’on dit dans ce Libèlle, grossir la liste des séditieux & des mécontens du nom respectable de M. le F.

POURQUOI a-t-on écrit ce Libelle ? Pour tâcher de soutenir le parti de l’irréligion & [103] de l’impiété qui se voit décheoir tous les jours du haut rang qu’il s’étoit orgueilleusement arrogé dans la république des Lettres ; pour insinuer aux libertins que tout ce qui s’écrit, tout ce qui se dit de favorable à la Religion dans les Chaires, dans les Discours, dans les Ouvrages d’esprit, ne part que d’un zele affecté, intéressé & politique ; pour faire prendre le change, en dénonçant insolemment au Public, comme une Secte nouvelle & qu’il faut détester, la société des Chrétiens persuadés de leur Religion, qui, pleins de vénération pour le culte de leurs peres, ne peuvent lire sans frémir, ne peuvent entendre sans rougir les exécrables maximes que prêche notre nouvelle Secte de Philosophe.

FIN.

Notes
1709.

 Allusion au passage suivant des Pourquoi de l’abbé Morellet : « POURQUOI a-t-il fait une Instruction Chrétienne, au lieu d’une Harangue Académique ? Parce qu’il a composé son Discours, bien moins pour être récité à l’Académie, que pour être lû ailleurs » (Les Pourquoi, p. 86).

1710.

 Diderot et l’abbé de Prades. Le 18 novembre 1751, l’abbé de Prades soutenait avec succès en Sorbonne une thèse de théologie sur le sujet : « Quel est celui sur la face duquel Dieu a répandu le souffle de la vie ». Or, à la suite d’une cabale, qui visait sans doute moins en l’abbé de Prades le docteur en théologie que le collaborateur de l’Encyclopédie, sa thèse, accusée de comporter des propositions anti-chrétiennes, était condamnée, et l’auteur contraint à l’exil.