L’école républicaine en unifiant les méthodes et les manières de procéder des maîtres et en rationalisant l’obligation scolaire, va “rendre la clôture parfaite” pour reprendre une expression d’E.Plenel. Mais il y a plus que cela selon cet auteur, qui voit dans l’uniformisation et la généralisation de l’institution scolaire la traduction d’un devoir d’Etat et l’inculcation de l’ordre établi et des valeurs étatiques. L’école obligatoire des Républicains n’est pas à interpréter comme une victoire du monde ouvrier pour gagner en autonomie et en démocratie. Elle marque plutôt l’”imbrication de l’école au pouvoir d’Etat” qui “façonne directement les pratiques scolaires”: “le discours pédagogique de l’école obligatoire est à proprement parler une politique, la traduction scolaire d’une méthode de gouvernement” 200 . E.Durkheim est le porte-parole parfait de cette école républicaine qui doit selon lui se préoccuper de “former un bon citoyen” en le disciplinant dans la “vie commune” de la classe, de manière à ce qu’il sache se gouverner dans la société 201 .
Cependant, le processus de rationalisation qui caractérise les relations sociales à l’école doit se comprendre au-delà de la IIIème République et des liaisons particulières qui s’instaurent à cette époque entre le pouvoir d’Etat et l’école. La fin du XIXème siècle voit triompher une nouvelle relation pédagogique qui marque l'aboutissement du passage de l'écolier "dressé" en écolier "raisonnable" et qui suppose un autre rapport aux règles impersonnelles: la règle ne doit plus s'imposer de l'extérieur à tous, elle doit être en chacun la manifestation d'une "Raison universelle". Or selon M. Weber, ce changement est à rapporter à des transformations de nature politique et cette nouvelle relation pédagogique peut se rapprocher du type légal de domination basé sur l'autorité légale-rationnelle qui,"spécifiquement moderne lorsqu'elle atteint son plein développement", "fait partie du processus général de rationalisation qui caractérise les sociétés occidentales depuis le XVIème et le XVIIème siècle" 202 .
Dans cette partie, nous ferons souvent référence aux ouvrages de M.Weber:
Le savant et le politique, Ed. Plon, Paris, 1959, 185p
Economie et société/1. Les catégories de la sociologie, Ed. Plon, coll. Pocket, 1995, 411p.
E.Plenel dans L'Etat et l'école en France. La République inachevée, Ed Payot, Paris, 1985, p.55
Voir infra dans cette première partie, chapitre 1,I: La question durkheimienne de la "moralité"
G.Vincent, L'école primaire française, p.85