2- Un ordre scolaire collectif

“Le peuple enfant est capable d’aimer
et de respecter; non point d’abord par
des pensées, mais par la puissance de
tous sur chacun; et ces sentiments
collectifs s’impriment si fortement
que, même dans la solitude, il en
restera quelque chose. Seulement il
faut d’abord que cette foule soit en
ordre, et orientée selon le silence et
l’attention. Le silence est contagieux,
aussi bien que le rire. Mais si cette
société d’enfants se dispose mal pour
commencer, tout est perdu, et
souvent sans remède” 654

Chez Alain, la discipline scolaire est très liée à un ordre scolaire collectif en tant qu’elle est “une politesse collective qu’il faut inventer et maintenir. J’attache une extrême importance aux signes collectifs de politesse. Se ranger pour attendre, ou bien se lever. Il faut que le commencement de la classe soit bien marqué (d’où la nécessité de l’exactitude)” 655 . La discipline scolaire demande une certaine organisation qui ne laisse rien au hasard, et qui remplit dans un ordre précis tout le temps scolaire et le comportement de l’enfant: “Il faut un temps rempli et un ordre suivi de façon à éviter l’indécision, l’incertitude, les questions, la confusion. Une cause de désordre: l’approbation <...>, la discussion. Libre à chacun d’exiger l’immobilité, ou l’action d’écrire. D’interroger avec ou sans fantaisie. Sans fantaisie vaut mieux: les leçons récitées. Mais toujours est-il que les fautes, surtout si elles visent au tumulte, à la confusion, doivent être punies” 656 .

Pour maintenir l’ordre, le maître devra également veiller à “ne pas se tromper, se renseigner”, autrement dit avoir une vision lucide et rapide sur la situation, “ne pas s’irriter”, c’est à dire garder le sang-froid et la maîtrise de soi-même, “ne rien dire, mais ne pas oublier”, notamment penser à faire exécuter une punition, aussi petite soit-elle, “ne pas discuter” et ne pas tomber dans le piège tendu par les élèves qui “excellent dans le jeu de diviser les pouvoirs”, ce qui impose de s’unir aux autres personnes qui s’occupent de l’enfant dans l’école. De cet ordre découlera automatiquement le respect du maître par l’élève, respect qui ne tient pas au “prestige personnel”, mais qui est un “prestige inexplicable, propre à la classe, et qui ne ressemble à aucun autre" 657 . La preuve en est, que même des “répétiteurs paresseux”, même des “ivrognes”, peuvent accéder à cette forme de prestige.

Notes
654.

Propos II, texte n°432, p.716

655.

Propos sur l’éducation, vingt-sixième leçon, “La discipline et la politesse”, p.327

656.

Propos sur l’éducation, vingt-septième leçon, “La discipline (suite)”, p.329

657.

Propos sur l’éducation, vingt-septième leçon, “La discipline (suite)”, p.329. Alain qualifie cet ordre de “naturel”: “il convient si bien aux passions de l’enfance, il définit si bien le sérieux auquel elle va sans en être pourtant capable, que le désordre semble alors impossible, et fait scandale”