4- Valoriser les élèves et positiver les situations d'apprentissages

L'enseignante essaie toujours de dédramatiser les situations de contrôle: lorsque le temps imparti est écoulé, il lui arrive de demander aux enfants: "Qui sait la réponse, mais n'a pas encore fini?"en laissant un peu plus de temps aux élèves qui se font connaître et avant de débuter le contrôle, elle tente de rassurer les enfants, en leur disant par exemple:"On se dit qu'on doit être capable de tout faire! Moi j'en suis persuadée" .

Parfois, il lui arrive d'aider un élève dans un devoir noté (même si elle rappelle souvent de manière "responsabilisante" qu'il s'agit pour eux d'évaluer leurs performances afin de s'améliorer):

De la même manière, lorsque l'enseignante questionne les enfants, elle essaie de les rassurer, en leur expliquant par exemple que si elle interroge un enfant, "c'est pas pour le mettre en difficulté, c'est pour savoir s'il sait ou ne sait pas" .

D'une façon générale, l'institutrice tente constamment de "positiver" les apprentissages et les efforts des élèves, comme le symbolise bien cette affiche située sur le mur à gauche du tableau noir:

C'est juste? C'est faux?
tant mieux! tant mieux!
ça fait plaisir on construit sur l'erreur
ça encourage notre savoir va progresser

Autrement dit, quelle que soit l'évaluation de la performance de l'élève, la situation d'apprentissage est considérée comme positive, ce qui est très révélateur des encouragements et de la mise en confiance que l'institutrice cherche à produire chez l'enfant (elle leur répète par exemple que "souvent on a des difficultés à faire des problèmes, c'est pas parce qu'on sait pas faire, mais parce qu'on ne comprend pas").

Les remarques relevées sur le carnet des enfants vont dans le sens de cette "mise en confiance" et de cette valorisation, d'une manière telle que si on ne connaissait pas les résultats de certains élèves, on aurait du mal à croire qu'ils sont en difficultés, comme on peut s'en rendre compte à la lecture des appréciations adressées aux élèves les plus en difficulté dans la classe de CM1/CM2:

(sept/oct): "Ensemble satisfaisant, malgré des difficultés en activités logiques. Beaucoup de sérieux dans le travail, c'est bien" ; (nov/déc): "Bravo Stéphanie! Continue ainsi" ; (janv/fév): "Ensemble moyen. Beaucoup de bonne volonté cependant" ; (mars/avril): "Du travail sérieux. Il faut continuer ainsi et persévérer. Enfant posée et agréable"

(sept/oct): "Ensemble moyen, mais j'attends beaucoup mieux de Myriam! Enfant agréable" ; (nov/déc): "Des progrès, un peu plus d'exigence, il faut continuer ainsi Myriam" ; (janv/fév): "Résultats inquiétants! Allez, Myriam, tu peux mieux faire!" ; (mars/avril): "Résultats en dessous de tes possibilités, Myriam. Ne pas se décourager et se mettre au travail. J'ai confiance en toi"

(sept/oct): "Ensemble satisfaisant, mais Joël ne prend pas toujours le train en marche! Enfant agréable" ; (nov/déc): "Si Joël descendait de son nuage! J'attends mieux de lui" ; (janv/fév): "Ensemble trop moyen. Allons Joël, du courage!" ; (mars/avril): "C'est mieux, Joël! Enfant discret mais intéressé"

(sept/oct): "Résultats très moyens mais beaucoup de bonne volonté et de sérieux dans le travail. Enfant agréable" ; (nov/déc): "Allez Anissa! Il faut te ressaisir et surtout ne pas te décourager" ; (janv/fév): "De la bonne volonté" ; (mars/avril): "Résultats faibles. Allez, Anissa, courage et au travail. Enfant volontaire et agréable"

(sept/oct): "Ensemble moyen; j'attends beaucoup mieux de Béatrice! Enfant agréable" ; (nov/déc): "Ensemble satisfaisant. C'est mieux, Béatrice, il faut continuer ainsi (attention cependant à l'apprentissage des leçons)" ; (janv/fév): "Ensemble moyen. J'attends mieux pour la prochaine période" ; (mars/avril): "C'est mieux, Béatrice. Il faut absolument continuer ainsi. Enfant vive et agréable"

(sept/oct): "Ensemble très satisfaisant" ; (nov/déc): "Assez bien, mais attention aux bavardages!" ; (janv/fév): "Que t'arrive-t-il Florentine? J'attends mieux pour la prochaine période et surtout ne te décourage pas!" ; (mars/avril): "C'est un peu mieux, Florentine. Courage et au travail! Enfant discrète, mais sérieuse et intéressée"

(sept/oct): "Bon travail, malgré une <<faiblesse>> en activités logiques. Beaucoup de sérieux et de participation" ; (nov/déc): "Ensemble satisfaisant, mais travail irrégulier. J'attends mieux de Fabrice. Enfant agréable" ; (janv/fév): "Assez bon travail, mais je trouve que Fabrice manque de rigueur (attention aux techniques opératoires)" ; (mars/avril): "Ensemble satisfaisant, mais Fabrice travaille trop lentement. Sérieux, minutieux et posé"

(sept/oct): "Ensemble moyen, mais Fathia travaille très sérieusement. Enfant très agréable" ; (nov/déc): "De gros progrès, principalement en maths. C'est bien, Fathia, il faut continuer ainsi!" ; (janv/fév): "C'est très bien, Fathia!" ; (mars/avril): "Ensemble moyen, beaucoup de sérieux dans le travail"

(sept/oct): "Bon travail, mais Erwan perd souvent ses moyens (activités logiques), c'est dommage! Il faudra apprendre à gérer ses émotions!" ; (nov/déc): "Bon travail, mais attention au comportement!" ; (janv/fév): "Très bon travail!" ; (mars/avril): "Bon travail, intéressé et volontaire"

Dans sa manière de décrire les performances scolaires des élèves, on dirait que l'enseignante s'applique à trouver systématiquement des éléments positifs chez les enfants, même pour ceux qui sont confrontés aux plus grandes difficultés: elle souligne des qualités éthiques telles que "de la bonne volonté", "beaucoup de participation", "agréable", "sérieux", "minutieux", "posé", "intéressé", "volontaire", "vif" et elle exhorte constamment les élèves à poursuivre leurs efforts ("il ne faut pas se décourager", "il faut persévérer", "il faut continuer ainsi", "j'attends mieux pour la prochaine période"). Enfin lorsqu'elle aborde le niveau des enfants, elle qualifie peu fréquemment leurs résultats de "faibles", "en dessous des possibilités", plus souvent leurs niveaux de "moyen" (voire "très moyen") et elle souligne systématiquement leurs progrès éventuels.

Par ailleurs, l'enseignante essaie de valoriser dans d'autres domaines les enfants qui ont des difficultés scolaires, ce qui permet d'avoir "un regard positif sur eux": ainsi, elle est toujours présente quand un intervenant extérieur s'occupe du groupe des enfants, pour avoir une autre perception des élèves. Elle se situe même parfois en tant qu'apprenant, au même titre que les enfants, comme par exemple dans les séances de judo: “moi j’faisais judo, j’savais pas faire...c’est important qu’ils se rendent compte, que toi aussi tu te remets en question, pi y’en a qui apprenaient mieux, qui me montraient, qui savaient mieux que moi, alors qu'ils étaient nuls en français ou en maths!”.

Lors de ses interventions en situation d'apprentissage, l'enseignante fait montre de cette attitude positivante et encourageante, comme par exemple au cours de cette séance, en s'efforçant de ne pas prononcer de propos négatifs à l'encontre des élèves:

L'enseignante part du principe qu'on a le droit de ne pas comprendre et qu'elle doit elle-même être en mesure de répéter plusieurs fois ses explications (à la condition indispensable que l'enfant ait écouté).

Par contre, si l'institutrice est persuadée qu'il ne faut pas brusquer les élèves, arriver à leur donner confiance, bien leur expliquer, elle souligne aussi l'indispensable contrainte de l'enseignement pour éviter de "rester dans la complaisance sans rien apprendre" et aboutir finalement à ce que les enfants n'apprennent rien: "à force de demander aux enfants s'ils ont compris, de les reprendre systématiquement, ils ne font plus d'effort". Ainsi, après avoir expliqué plusieurs fois la division aux élèves et constatant que certains ne font aucun effort pour comprendre, elle les menace d'un contrôle immédiat: "Vous savez, là, y'a une petite chose que j'ai trouvé, là, c'est que y'a des enfants qui laissent passer le temps, qui se disent que la maîtresse, elle va reprendre. A un moment, il faut quand même travailler! Quand on est au même point qu'il y a deux semaines et demi, y'a un problème! Qu'on ait des difficultés, on a le droit, mais il faut quand même que je vois des progrès!".