5- Un usage modéré du travail de groupe et de l'entraide entre enfants pour permettre la confrontation des idées

L'enseignante ne pratique que modérément le travail de groupe (moins que dans la configuration C.Freinet et celle de la Maison des Trois Espaces) avec toujours la préoccupation que cette collaboration ait une réelle efficacité, ce qui peut expliquer l'apparente ambiguïté de son opinion concernant le travail de groupe. Ainsi, alors qu'elle semble être persuadée "par conviction pédagogique" que "l’idéal serait de passer constamment par le groupe", elle souligne également que "ça prend plus de temps, alors comme on est toujours un p’tit peu à la bourre, y’a des matières où j’fais pas travailler par groupes" et que"à un moment donné, si tu fais pas <une phase de réflexion personnelle>, ben t’as des enfants qui vont pas s’donner...pas s’poser d’questions et alors eux, i’vont pas avancer, parce qu’ils vont tout de suite adhérer à celui qui a trouvé et puis à la limite, c’est pas mieux que quand c’est le maître qui fait la leçon".

C'est pourquoi l'enseignante vérifie toujours que le travail de groupe soit réellement profitable pour les enfants qui doivent jouer un rôle actif avec pour objectif pédagogique de "confronter les points de vue pour faire avancer la réflexion": l'institutrice "guette" particulièrement les élèves qui "se laissent porter par le groupe" sans faire d'effort et elle leur demande clairement de "ne pas mélanger les moments où on travaille seuls et les moments où on est en groupe" (le travail individuel permettant d'évaluer "ce qu'on vaut tout seul"):

  • (18.01.95) L'institutrice demande aux enfants qui a terminé ses exercices de maths: les enfants lèvent le doigt et elle constitue des groupes (2 de 3 enfants) qui vont s'expliquer entre eux leurs propositions. Quand ils trouvent des résultats différents, ils doivent argumenter devant les autres enfants du groupe, "ils font un débat où chacun défend ses idées, mais apprend aussi à écouter celle des autres" .
  • (9.01.95) L'institutrice a donné des exercices de français puis elle termine: "Allez, on va être obligé d'arrêter. Le jeu, c'est qu'on va se mettre à deux pour confronter" . Les enfants comparent leurs grilles et ils doivent expliquer leurs "points de divergence", "justifier leurs réponses". Ils doivent expliquer leurs démarches et écouter celle des autres à chaque fois. Ils ne doivent pas corriger les autres, mais ils peuvent modifier leurs propres réponses. Puis elle demande à la fin: "Alors, est-ce qu'il y a des enfants qui ne sont pas tombés d'accord?" . Elle demande à chaque enfant en désaccord de venir exprimer son point de vue. L'exercice est noté, il sera ramassé à la fin.

Pour la constitution des groupes de travail, l'institutrice a laissé les enfants choisir parmi leurs copains, puis elle a modifié des associations, en cherchant à concilier les caractères et les possibilités de travail réellement efficaces, d'une manière proche de l'enseignante de C.Freinet 986 mais toutefois moins systématique car cette dernière recense par écrit les potentialités de chaque élève. L'institutrice travaille parfois en décloisonnement entre le CM1 et le CM2, lorsqu'elle donne un exercice commun à faire pour les deux niveaux, en signalant toutefois aux CM1 la limite où l'exercice devient trop difficile pour eux et où ils ont l'autorisation de s'arrêter (par exemple, elle donne un article aux élèves et elle leur pose des questions communes, puis des questions obligatoires pour les CM2 et facultatives pour les CM1). Mais il ne s'agit pas ici de décloisonnement comme dans la configuration de la Maison des Trois Espaces 987 où les élèves fonctionnent non pas par "niveau de classe", mais par niveau individuel en fonction des matières (chacun suivant le cours et effectuant les exercices selon ses capacités et non pas son nombre d'années en troisième cycle).

L'entraide scolaire existe relativement peu dans la configuration Guilloux, en tout cas pas sous la forme systématique de la Maison des Trois Espaces 988 et de C.Freinet 989 où des temps sont institués spécifiquement, ni avec la même fréquence que dans la configuration Tom Pouce où les élèves vont souvent aider un élève ou l'évaluer dans son travail à la demande de l'enseignante. Dans sa classe de CM1/CM2, l'institutrice de Guilloux n'utilise que très ponctuellement les aides entre élèves, même si elle se dit persuadée qu'"on a bien compris que lorsqu'on arrive bien à expliquer" (et qu'elle le répète aux enfants).

Notes
986.

Voir supra la partie V,4 de cette configuration: "Le rôle des relations sociales et du travail de groupe dans l'acquisition des connaissances et des compétences scolaires".

987.

Voir supra la partie V de cette configuration: "Réflexivité et souci des techniques d'acquisition"

988.

Voir supra la partie IV,1 de cette configuration: "<<Apprendre ensemble>>"

989.

Voir supra la partie V,4 de cette configuration: "Le rôle des relations sociales et du travail de groupe dans l'acquisition des connaissances et des compétences scolaires"