c) Voisinage et placement des enfants: des relations anticipées

Dans la classe de CE2/CM1/CM2 (1994/95), les enfants sont installés en trois groupes: CE2, CM1 (placés chacun en face d'un tableau) et CM2 (qui utilisent parfois le tableau des CE2) 1107 . C’est l’institutrice qui décide de l’emplacement des tables et des chaises, selon un agencement qu’elle souhaite à la fois “sympa” et “pas trop bruyant”, mais qui reste difficile à trouver puisqu’en janvier 1995, elle avait changé déjà trois fois de disposition, ne trouvant jamais la solution la moins bruyante possible et la plus conciliante pour que les enfants ne se gênent pas trop entre eux. L’organisation spatiale de la classe est donc préparée entièrement par la maîtresse qui décide aussi du placement des élèves, hormis la première installation au début de l’année où les enfants décident de s’asseoir où ils veulent “à condition de travailler”: “Je préviens les enfants que si on n’arrive pas à travailler en étant installé de cette façon, pour différentes raisons, qu’il y en a un qui embête l’autre, qu’on discute trop, et bien moi je proposerai 1108une autre place”.

Par la suite, la maîtresse indique aux élèves quelle va être leur place, en fonction de ce qu’elle a observé chez eux, de leur niveau scolaire, de leur sexe, des relations qu’ils entretiennent avec leurs camarades, si bien qu’elle provoque de la sorte des échanges qui auraient pu ne pas avoir lieu: “Après on change, parce que c’est pas toujours intéressant de se retrouver à côté de quelqu’un qui est super bon, ou toujours à côté de quelqu’un qui a beaucoup de difficultés. Il faut arriver à la fois à être à côté des bons et puis des moins bons pour à la fois aider et être aidé. Donc on varie beaucoup dans l’année. En général, on essaie de changer après chaque vacances, donc ça fait des périodes de deux mois, et puis on apprend aussi à se connaître, aussi bien les petites filles que les petits garçons. Une fois aussi j’ai mis Etienne à côté de Flora <tous les deux CE2,> qui ont tout les deux des difficultés donc j’ai pensé aussi que là ça pouvait faire quelque chose d’intéressant. Donc on essaie de varier, parce que ça peut créer des tandems, soit de bons élèves, soit d’élèves en difficultés, mais pouvant s’entraider, soit au contraire un moins bon qui se fait aider par quelqu’un de meilleur. Donc j’essaie de varier, de changer, de façon à ce que les enfants puissent aussi découvrir d’autres enfants, changer de copains, se faire d’autres copains, c’est intéressant” . Cette manière de procéder ressemble à celle observée dans la configuration J.Giono 1109 , mais diffère du mode de placement dans les configurations C.Freinet 1110 , Guilloux 1111 et de la Maison des Trois Espaces 1112 où le choix des enfants est davantage pris en compte par une négociation avec l'enseignante. Ici, c’est la maîtresse qui décide du voisinage de l’élève et de son environnement relationnel scolaire.

Notes
1107.

On peut penser que s’il y avait la place et l’aménagement adéquat, les CM2 bénéficieraient eux-aussi d’un tableau.

1108.

Cette tournure de phrase très euphémisée est tout à fait caractéristique de la manière de procéder dans la pédagogie Montessori où il s’agit de suggérer, d’indiquer la voie à l’enfant, sans avoir l’air de lui imposer des décisions.

1109.

Voir infra la partie II,2,b de cette configuration: "Un ordre hiérarchique inscrit dans la distribution spatiale"

1110.

Voir supra la partie V,4 de cette configuration: "Le rôle des relations sociales et du travail de groupe dans l'acquisition des connaissances et des compétences scolaires"

1111.

Voir infra la partie IV,1 de cette configuration: "Faire réfléchir sur les règles à respecter"

1112.

Voir supra la partie III,3 de cette configuration: "L'incorporation des règles inscrites dans la matérialité de l'espace: placements et déplacements"