c) La maîtrise de la temporalité: plan et guide de travail

Le plan et le guide de travail se trouvent dès la maternelle grande section/CP et au CE1/CE2 (1993/94) 1145 . Les classes de CM1/CM2 (1993/94) et de CE2/CM1/CM2 (1994/95) n’avaient pas ces pratiques 1146 et les écrits de Maria Montessori n’y font pas référence. Le plan et le guide de travail impliquent une attitude “autogestionnaire” du temps d’apprentissage, “autogestion” qui reste quand même limitée dans ce que nous avons pu observer dans les deux classes. En effet, le plan de travail revient à ce que la maîtresse précise quel exercice l’enfant devra effectuer pendant le temps réservé à une discipline (par exemple, mathématiques, français ou éveil) pour tous les élèves du même niveau. Les exercices donnés sont adaptés au niveau de l’enfant et à ses difficultés: ainsi, l’élève trisomique en CP connaît des aménagements de ses apprentissages par rapport aux autres enfants. Avec le plan de travail tel qu’il est ici conçu, l’enfant n’a donc pas à organiser l’ordre dans lequel il va effectuer ses exercices scolaires. Cette manière de procéder diffère des configurations de C.Freinet, de la Maison des Trois Espaces ou de l'école Anatole France à Vaulx-en-Velin 1147 : dans cette dernière, il était prévu trois temps de “travail personnel” par semaine et l’enfant travaillait les exercices écrits sur son plan de travail dans l’ordre qu’il voulait, en commençant par la matière qu’il souhaitait.

La marge de liberté laissée par le guide de travail est elle aussi relativement limitée, puisque les maîtresses demandent en fait aux enfants non pas de choisir un travail dans le guide, mais de “continuer le guide”, en précisant si c’est en français, en mathématiques ou en éveil. Il n'y a donc pas de gestion autonome de l'ordre dans lequel doivent être effectués les différents travaux scolaires (c’est à dire, pouvoir se dire: “je vais faire tel travail, puis après tel autre”) et l'organisation est imposée dans le sens où c’est la “suite logique” du même guide pour tous les enfants, suivant une progression identique. Ainsi, pour chaque travail du guide, l’enfant doit lire l’énoncé (accompagné éventuellement d’un schéma ou d’une photo) puis il doit chercher le matériel adéquat, faire tout seul un travail (éventuellement avec un autre enfant), vérifier s’il est juste (quand il y a des fiches d’auto-correction ou des moyens permettant de voir si l’exercice est juste ou non), enfin l’élève doit le montrer tel quel à la maîtresse qui le corrige et indique sur le guide de travail si l’exercice est fait. En somme, on retrouve à travers ce guide et ce plan de travail une dimension d’apprentissage à l’autonomie, à savoir le fait que l’enfant doit pouvoir gérer seul une situation liée à l’apprentissage scolaire. Mais cette autonomie est limitée à l'application d'un certain nombre de consignes relatives à la lecture, la compréhension de l'énoncé et la recherche du matériel approprié. On ne demande pas à l’élève de prendre en charge l’ordre de succession et le rythme de ses apprentissages scolaires, l’institutrice gérant indirectement ces deux dimensions.

Notes
1145.

On peut consulter le guide de travail en CP en annexe I3, le guide de travail en CE1/CE2 en annexe I4 et le plan de travail en annexe I5.

1146.

Par contre on trouve un planning hebdomadaire dont il n’est jamais fait référence pendant nos observations. Cette absence du guide et du plan de travail peut s’expliquer en partie par le fait que la maîtresse de 3ème cycle veut “bien préparer” les élèves à leur entrée en 6ème, pour qu’ils ne soient pas “perdus” face à des pratiques scolaires qui leur seraient inconnues: par exemple, elle insiste beaucoup sur l’utilisation du cahier de texte pour les devoirs.

1147.

Nous avons étudié les pratiques de cet établissement dans le cadre de notre mémoire de maîtrise: La pédagogie Freinet, une "école pour le peuple?", Université Lyon II, 1990, sous la direction de R.Bernard, B.Lahire et D.Thin.