3- L’importance relative des règles écrites dans la gestion de la vie commune scolaire

L’utilisation d’un règlement écrit apparaît en fin de compte de manière peu importante dans les pratiques des institutrices de Tom Pouce. Rappelons tout d’abord que nous n’avons relevé la présence de “règles” écrites que pour deux classes (maternelle grande section/CP et troisième cycle), l’institutrice de la classe de CE1/CE2 nous ayant affirmé avoir un panneau, mais qu’une collègue l’aurait enlevé (ce qui est un signe du faible usage de ce texte affiché). Par ailleurs, l’arrivée du “visiteur” en classe de maternelle grande section/CP permet également de relativiser l’importance de l’usage d’un règlement écrit: si la maîtresse parle abondamment de la “clochette”, elle n’aborde que très rapidement la question des “règles”, et lorsqu’elle le fait, elle parle uniquement de la nécessité de “lever le doigt quand on veut parler” (la seule règle qui ne soit pas inscrite au tableau!). Il est vrai que dans la configuration Tom Pouce, les règles de la classe s’inscrivent selon une autre perspective que dans la configuration de la Maison des Trois Espaces où le règlement affiché est omniprésent, avec les "lois de la classe" et les "lois du conseil" 1233 . Dans la configuration C.Freinet, la présence constante du règlement se traduit par son actualisation hebdomadaire en "décisions-engagements" (rédigées au cours des conseils), sorte de conséquences pratiques des lois orales énoncées par l'enseignante en début d'année 1234 . A l’école Tom Pouce, les règles affichées ne concernent que l’espace de la classe et on se réfère finalement moins au règlement sous sa forme affichée et écrite qu’à ses applications pratiques rappelées oralement 1235 .

Mais absence de règlement affiché ne signifie pas forcément absence de règles et de lois: si nous n’avons pas relevé dans les écrits de Maria Montessori de propos concernant l’affichage d’un “règlement”, la pédagogue utilise beaucoup le mot “règles” et elle incite les maîtresses à contrôler les comportements des élèves par des principes. Par exemple, l’enfant peut se déplacer comme il veut dans la classe, mais en conservant des limites par rapport aux autres, c’est à dire qu’il ne peut pas courir, bousculer son voisin ni pousser des cris. Le rôle de la maîtresse est d’expliquer progressivement les règles qui gouvernent, suivant le principe que l’enfant doit avoir “le premier mouvement d’exploration”. Le but premier de l’action éducative montessorienne étant de faire intérioriser à l’enfant les règles de comportement de manière telle qu’il n’ait même plus besoin qu’on les lui “rappelle” de l’extérieur, on comprend la moindre utilité d’un règlement écrit et affiché. Si cette éducation arrive complètement à ses fins, il est même absurde de penser à une réglementation matérialisée, puisque les règles devraient être tellement présentes, incorporées très jeune par les enfants, qu’il n’est plus nécessaire de les rappeler.

Notes
1233.

Voir supra la partie III,1 de cette configuration: "Le mode d'élaboration des lois communes sur la base d'une négociation raisonnée"

1234.

Voir supra la partie V,1 de cette configuration: "Une présence renforcée des règles par leur actualisation constante dans les décisions-engagements et à travers l'émergence des situations conflictuelles en réunion de coopérative"

1235.

Par comparaison, les élèves des configurations de la Maison des Trois Espaces et de C.Freinet sont amenés à relire les lois écrites lors des conseils notamment pour se les remémorer exactement pour le cas où ils doivent discuter d’une sanction à prendre contre l’enfant fautif.