4- Des concertations collectives exceptionnelles et à l’initiative de l’institutrice

A Tom Pouce, les élèves ne se réunissent pas régulièrement pour discuter des problèmes collectifs (comme on le voit dans les configurations C.Freinet 1236 et de la Maison des Trois Espaces 1237 avec les "conseils" ou les "réunions d’enfants"). L’institutrice regroupe parfois les élèves de sa classe, de manière exceptionnelle, pour régler des “problèmes vraiment graves”, comme ce fut le cas pour l’institutrice de troisième cycle:“Par exemple en cas de conflit, moi ça m’est arrivé qu’il y ait dans la classe des enfants qui aient un langage très vulgaire, très grossier. Donc plusieurs enfants s’étaient plaints, donc j’avais discuté avec l’enfant, j’avais discuté avec la mère et n’arrivant pas à régler le conflit comme ça, j’ai...très solennellement, d’ailleurs, parce que je trouve que c’est important, j’ai réuni tous les enfants pour en parler avec eux et pour leur exposer le problème. Je leur ai dit: <<Je pense qu’il y a un problème dans la classe, il y a plusieurs d’entre vous qui sont venus me voir, pour moi aussi ça me pose problème, donc je vous demande de m’aider à le résoudre, parce que c’est un problème maintenant qui nous concerne tous, qui est trop difficile à résoudre toute seule, je n’y arrive pas, donc je vous demande votre aide à tous et vous êtes concernés, donc on en parle>>“ . L'enseignante explique que pour l'année 1994/95, ils se sont réunis à propos du bruit dans la classe, “Parce que au début de l’année, il y avait énormément de bruit dans la classe, et on n’arrivait pas à travailler dans le calme, ça dérangeait et donc là j’ai décidé, parce que les enfants ils n’arrivent plus, à un moment, la responsabilité, c’est celle de l’enseignant, donc un jour on est allé au gymnase, on avait beaucoup de place, on s’est mis tous en rond, et on a discuté le temps qu’il fallait pour que chacun s’exprime là-dessus. Ca a duré plus d’une heure, et c’est pas moi qui ai mis de l’eau dans le débat! Ils avaient plein de choses à se dire . Donc on a parlé de ce problème de bruit dans la classe, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour le résoudre, chacun a proposé des solutions et on a décidé des solutions qu’on allait mettre en place à la fin. Mais je dois dire qu’il faut vraiment que ce soit un gros problème, sinon j’essaie de régler individuellement, avec chaque enfant, j’estime que ça ne regarde pas tout le monde, alors c’est seulement si c’est un problème général, qui concerne tout le monde et qui concerne la vie de tout le monde dans la classe.”

Dans cette manière de procéder, l’institutrice cherche d’abord à résoudre le problème avec l’enfant, puis les parents et elle ne choisit la réunion collective en dernier recours: la solution est d’abord individuelle (dans l’interaction entre l’institutrice et l’enfant), puis elle devient plus “collective” quand on a épuisé les ressources d’une résolution en tête à tête. Lors de l’entretien avec les enfants, Aliette dira même qu’elle trouve qu'à cette réunion “on perd du temps” mais que la maîtresse est obligée de la faire “quand y’a des enfants qui font trop les imbéciles”. Par ailleurs, c’est la maîtresse qui provoque la réunion, de manière exceptionnelle (ce qui est très différent d’une réunion “institutionnelle” fixée chaque semaine au même jour et à la même heure) et c’est elle qui fixe le contenu de cette réunion quand elle estime qu’il faut une discussion collective (c’est de l’ordre de sa “responsabilité d’enseignante” comme elle dit): les enfants ne préparent pas d’ordre du jour et ils ne peuvent provoquer de discussion collective qu’à condition que l’urgence et la gravité de la situation apparaissent comme telles aux yeux de l’institutrice.

Notes
1236.

Voir supra la partie V,1,c de cette configuration: "Le fonctionnement institutionnel des réunions de coopérative"

1237.

Voir supra la partie III,2 de cette configuration: "La fonction institutionnelle des conseils"