5- L’engagement contractuel dans les relations maître/élèves

De même que les parents peuvent tutoyer la directrice et l’institutrice sans empiéter sur les fonctions de chacun, l’enfant peut se permettre de tutoyer sa maîtresse sans que cela comporte un risque pour les rapports de pouvoir adulte-élève: les relations entre l’enseignant et l’enfant rappellent sans cesse que l’instituteur et la directrice sont partagés entre une fonction “de justice” (ils ne sont que les garants de l’application de principes et de lois impersonnels dans un fonctionnement très institutionnel) et leur subjectivité qui peut s’exprimer dans les relations plus personnelles avec les enfants à condition de ne pas mettre en danger la fonction de justice 1414 . Dans ses relations avec l’élève, l’institutrice de 3ème cycle privilégie la forme contractuelle, dans le sens où elle sollicite l’enfant pour qu’il s’engage par rapport à son évolution personnelle et non pas pour qu’il progresse en vue de faire plaisir à une autre personne, en l'occurrence l'enseignante.

La forme contractuelle des relations entre l’institutrice et ses élèves trouve son expression la plus “évidente” dans le contrat de travail. Le lundi matin, l’élève prépare en classe son plan de travail pour la semaine, qui doit tenir compte des exigences de l’enseignant (par exemple, les enfants du groupe 4 et 5 doivent écrire un texte dans la semaine) et du plan de travail de la semaine précédente (en fonction des feux obtenus, les élèves devront reprendre des notions; en fonction des remarques de l’institutrice, l’enfant devra essayer d’améliorer ses performances, comme par exemple la rapidité ou son attention). Ce plan de travail est commenté et signé par l’enfant, par les parents et par l’enseignant qui est “le garant des exigences contractuelles et de l’information au groupe classe et à la famille. Il propose les possibilités de gestion du temps. Il est responsable de l’identification des savoirs et des compétences à acquérir par l’enfant, de la formulation des besoins et des désirs de l’enfant, et de son engagement professionnel, donc de la nécessité de conduire les enfants là où, lui-même, peut déterminer des besoins spécifiques non conscients, d’importantes lacunes en conjugaison par exemple. Il est responsable également de la mise en oeuvre de moyens adaptés à la réalité de la classe. Il ne se substitue pas à la prise de décision que l’enfant doit établir pour lui-même” 1415 . L’élève s’engage ainsi devant ses parents et son enseignant à respecter un contrat de travail: il se trouve en quelque sorte lié à la personne de l’instituteur mais cette relation n’est pas d’ordre “individuel”, “affectif” (l’élève ne fait pas “plaisir” à l’individu-maître) puisque l’instituteur ne fait que s’acquitter de la mission impartie à son rôle professionnel, celle d’être le responsable pédagogique des apprentissages scolaires. Ceci a pour conséquence que l’élève n’est plus censé travailler parce que le maître lui a demandé personnellement de faire tel exercice, mais il doit travailler, parce que dans le contrat, en accord avec un maître (n’importe lequel, qui assume sa profession d’enseignant de primaire), il a été convenu que pour lui, il valait mieux faire tel exercice pour parvenir à tel apprentissage scolaire.

L’intervention de la directrice est elle aussi d’ordre contractuel lorsqu’elle doit résoudre des cas d’enfants trop difficiles: elle ne convoque pas l’élève seul pour lui parler en tête à tête et essayer de l’impressionner (comme cela se passe par exemple dans les configurations de J.Giono et Guilloux) ou pour tenter de comprendre psychologiquement son comportement (configuration Tom Pouce). Elle agit en tant que garante d’un ordre scolaire qui suit une procédure bien particulière, toujours identique quelque soit le cas personnel de l’enfant. Elle rencontre l’élève (en présence de son instituteur) pour lui signifier qu’il ne respecte pas les lois et qu’un courrier est écrit à ses parents pour les convoquer à un rendez-vous une semaine après (cette convocation des parents peut être considérée comme une forme de sanction). Le rendez-vous réunit tous les protagonistes (directrice, parent, instituteur et enfant) et se conclut toujours par la signature d’un contrat qui engage les différentes parties:

La forme contractuelle de relation concerne aussi les enseignants entre eux (et ainsi ils servent de modèle aux enfants). Un travail collectif réunissant l’équipe enseignante a permis la rédaction de la charte de vie et de la charte pédagogique (en accord avec les instructions officielles mais aussi en reflétant les sensibilités de tous les enseignants) et tout instituteur qui souhaite venir travailler à la Maison des Trois Espaces doit adhérer à ces chartes: “Le document ainsi réalisé devint porteur de toute une dynamique commune: il est la mémoire de notre travail collectif; il est soumis à l’approbation (contrat moral) de chaque enseignant désirant venir travailler avec nous; il est relu chaque année et peut donc être amendé et modifié” .

La forme contractuelle de relation entre les enseignants et les enfants valorise un mode d’être où ce n’est pas tellement la personne qui compte, mais plutôt sa fonction. Lorsqu’on signe un contrat, chacune des parties s’oblige mutuellement à respecter les modalités convenues: dans les engagements auxquels l’élève de la Maison des Trois Espaces doit adhérer, l’enfant n’est pas tellement censé promettre à une personne en tant qu’individu; il doit plutôt s’engager envers lui-même, à travers un document dépersonnalisé (le contrat de travail, mais aussi les lois), à respecter des clauses qui lui seront rappelées par la personne de l’enseignant parce que c’est sa fonction. Or ce mode de relation implique une forme d’autonomie de l’enfant qui doit poursuivre ses engagements en dehors de la présence physique de son instituteur (qui devrait être interchangeable, puisque le contrat est passé par l’enfant dans le cadre d’une fonction remplie par un adulte): les élèves ayant intériorisé le mode d’être relationnel impliqué par la forme contractuelle devraient pouvoir être indépendants de la personne même de l’institutrice. Et pourtant nos observations relatives aux intervenants extérieurs nous amènent à interroger les changements de comportement des élèves en l’absence de leur enseignante ou d’une autorité scolaire “reconnue”. Dans l’objectif de préparer un spectacle pour la fête de fin d’année de la Maison des Trois Espaces, les enfants de la classe de 3ème cycle se sont partagés entre deux ateliers qu’ils avaient choisi tout à fait librement: “danse-voix” ou “décors”. Dans l’atelier “danse”, l’intervenante se trouve seule alors qu’elle rencontre les enfants pour la première fois (l’institutrice est allée aider l’atelier décor) et la séance dégénère rapidement, les élèves se montrant sous un autre visage (très agressif) face à l’intervenante qui doit requérir l’aide de l’enseignante pour faire cesser le chahut.

Classe de CE2/CM1/CM2. Jeudi 13 mai

La description détaillée de cette séance nous permet d’analyser comment se dégrade la situation entre les élèves et l’intervenante, et nous donne l’occasion d’appréhender les limites d’un fonctionnement qui se veut basé sur la “responsabilisation” (donc l’intériorisation des règles de comportement). Précisons dores et déjà qu’on ne peut pas mettre sur le compte d’un éventuel manque d’expérience de l’intervenante les problèmes qu’elle rencontre au cours de la séance, puisqu’elle travaille avec des élèves depuis plus de vingt ans, et souvent avec des publics réputés “difficiles”. Par ailleurs, l’ensemble des moyens qu’elle met en place pour “reprendre la situation en main” confirme que l’intervenante a l’habitude de travailler avec des enfants: faire asseoir en cercle, faire le silence pendant une minute, se présenter l’un après l’autre. Ces techniques sont habituellement utilisées en animation ou par les instituteurs pour “calmer” les enfants, désamorcer leur comportement non maîtrisé et réimposer un ordre (en l'occurrence scolaire). Mais ces “techniques” sont ici sans effet et les élèves ne se calment temporairement que lorsque l’intervenante rompt avec le mode scolaire légitime de relation.

L’une des interprétations possibles de ce chahut est à chercher du côté de l’activité même proposée par l’intervenante, avec une forme de danse (et une manière de l’apprendre) qui nous semble entrer en contradiction avec l’ethos des milieux populaires (majoritaires à la Maison des Trois Espaces). La danse contemporaine est associée à une représentation artistique, c’est un spectacle réservé à une élite et en rupture avec les fonctions sociales de danse liées aux fêtes familiales, privées ou bien publiques. Les enfants sont donc placés tout de suite en position d'"artiste" qui doit "représenter" (sans musique, puisqu’elle ne sera introduite que dans les séances suivantes) avec son corps quelque chose qui a du sens (dans sa “fausse question”, l’intervenante sous-entend que danser, ce n’est pas que “bouger”, c’est aussi “représenter”). Or cette idée de représenter avec son corps est plus proche de l’esthétique kantienne telle que la critique P.Bourdieu que de l’esthétique populaire: “Tout se passe comme si l’<<esthétique populaire>> était fondée sur l’affirmation de la continuité de l’art et de la vie, qui implique la subordination de la forme à la fonction, ou, si l’on veut, sur le refus du refus qui est au principe même de l’esthétique savante, c’est-à-dire la coupure tranchée entre les dispositions ordinaires et la disposition proprement esthétique” 1418 . La forme d’expression corporelle valorisée par l’intervenante rompt également avec les conceptions populaires de la gymnastique 1419 : elle insiste davantage sur le plaisir, la relaxation, la créativité, la libération et l’écoute de son corps, toutes formes de valeur qui peuvent paraître éloignées des modèles masculins auxquels aspirent les garçons de milieux populaires. Il est sans doute intéressant de voir que comme pour la pratique des conseils, certains garçons en “réussite scolaire” se font remarquer par leur comportement pénible alors que du côté des filles, aucune des élèves “en réussite scolaire” n’a été perturbante (opposant simplement un refus de mouvoir leur corps).

Cependant, on ne peut pas mettre le chahut entièrement sur le compte du type d’apprentissage proposé par l’intervenante. Nos observations nous amènent à penser que le comportement des élèves relevé face à l’intervenante en danse n’est pas exceptionnel ni spécifique à la personne même de l’intervenante: d’une part, lorsque nous nous trouvions seule dans la classe avec les enfants, les formes de relation entre enfants étaient beaucoup moins “retenues” (le bruit était beaucoup plus important et plusieurs bagarres éclataient) 1420 et d’autre part, les élèves sont également très pénibles avec les autres intervenants extérieurs. La personne travaillant en parallèle avec l’atelier danse (atelier décor) nous a expliqué combien il avait été difficile pour elle de travailler au début avec les enfants et que plusieurs séances (plus de 15 heures au total) avaient été nécessaires, en présence de l’institutrice, pour que les cours se passent dans le calme. Selon l’institutrice, cette situation ne serait pas spécifique à sa classe de module 3 et d’autres collègues rencontreraient les problèmes du même type qu’elle 1421 .

Les exercices que demande l’intervenante pour “créer” un spectacle de danse contemporaine imposent à l’élève de trouver lui-même les règles de déplacement dans l’espace. Or les enfants de la Maison des Trois Espaces qui devraient être habitués à ces modalités d’usage de la règle s’opposent à l’intervenante en cherchant à se “défouler” et en ne respectant pas les lois relatives au comportement. Les élèves qui ne se caractérisent nullement par un comportement “responsable” et “raisonnable” ne se calment totalement qu’à l’arrivée de l’institutrice (la transformation physique est même étonnante, on peut dire qu’ils retrouvent le “visage” que leur connaît habituellement l'enseignante) qui reporte, selon l’usage des conseils, la résolution du conflit à la prochaine réunion (“il faudra prendre au moins 20 minutes” indique que le problème revêt une certaine gravité). Le travail que nous avions mené à l’école Anatole France 1422 soulignait également un décalage très important entre les objectifs pédagogiques de Célestin Freinet mis en avant par les institutrices (les enfants doivent être “responsables”) et le comportement des élèves en l’absence de l’institutrice: les enfants restés seuls dans une salle avaient rapidement un comportement très agité, ne prouvant pas un sens de la “responsabilité” très élevé. Des entretiens avec le personnel de service (un femme de ménage et deux responsables de la cantine) de l'école primaire d’A.France nous avait confirmé que le comportement des élèves changeait complètement entre l’école et la cantine où les institutrices ne mangeaient plus avec les enfants 1423 .

Il semblerait donc que le comportement “responsable” des enfants ne fonctionne que dans certaines conditions, certaines situations, notamment quand l’institutrice est physiquement présente pour rappeler les contraintes de l’autorité 1424 , ou bien quand l’intervenante a été suffisamment acceptée pour que sa présence soit crédible et efficiente dans le rappel de l’autorité pédagogique, même en l’absence de celle qui l’incarne habituellement. Ainsi, après avoir débuté très difficilement avec les élèves, l’intervenante en danse a vu de nettes améliorations dans le comportement des enfants, qui regrettent à la fin qu’elle doive les quitter! Tout laisse à penser que les capacités d’autocontrôle sont sous-tendues par une autorité d’une autre nature, qu’on pourrait qualifier de “charismatique” au sens wébérien du terme, c’est à dire une relation basée sur la personnalité de l’institutrice ou de l’intervenante et sur les relations émotionnelles entretenues avec elles. Cette “superposition”, cette “juxtaposition” peut paraître paradoxale car les deux formes de domination s’appuient sur un rapport à la règle complètement différent: la domination légale est liée aux règlements et à la croyance en leur légalité alors que la domination charismatique est affranchie des règles. Elle n’est légitime que “dans la mesure où (et aussi longtemps que) <<vaut>> le charisme personnel en vertu de sa confirmation” 1425 . Le recours au charisme dans la relation pédagogique est même condamné par Weber qui critique les professeurs d’université “prophètes” qui usent du privilège de l’absence de contrôle 1426 dans leur salle de cours: “le <<cours>> devrait être autre chose qu’un <<discours>> et la sévérité impartiale, l’objectivité et la lucidité d’une leçon professorale ne <peuvent> que pâtir, du point de vue pédagogique, de l’intervention de la publicité, du genre journalistique par exemple” 1427 .

Mais pour autant à la Maison des Trois Espaces, cette dimension “charismatique” qui réintroduit un autre type de relation entre l’institutrice et les élèves semble être associée à une forme d’autorité plus “rationnelle”, sans que les deux formes de domination cohabitent ou se succèdent de manière complètement indépendante. On dirait plutôt que certains élèves de la Maison des Trois Espaces obéissent à une autorité légale-rationnelle parce qu’elle est incarnée dans la personne de l’institutrice qui rappelle par sa présence les exigences du principe d’autonomie des comportements: ces enfants souvent issus de milieux populaires semblent privilégier un rapport à l’autorité attaché à une “personne”, un rapport dans lequel “la <<prévention>> des délits ne passe pas par la production d’une autodiscipline mais par l’énoncé de menaces de sanctions”. 1428 L’interprétation que fait J.Testanière du comportement des élèves de milieux populaires scolarisés en primaire souligne combien dans leur relation avec l’enseignant, la personne a son importance:“Qu’il faille, en début d’année, s’imposer brutalement, et une fois pour toutes, à ces élèves <<durs à tenir>>, n’est-ce pas la marque qu’il faut les soumettre avant de leur enseigner quelque chose, et qu’ils se soumettent seulement à la personne dont ils ont reconnu pour l’avoir éprouvé qu’elle a barre sur eux -et non aux règles impersonnelles qui fondent l’ordre scolaire- et dont les instituteurs d’ordinaire obtiennent par délégation leur autorité? Qu’au cours de l’année scolaire il faille les <<tenir>>, sans cesse les rappeler à l’ordre, les inciter au travail, les exhorter à l’effort, leur attitude, que le maître ne peut que qualifier de paresse maligne, n’est-elle pas la marque qu’ils prennent peu d’intérêt à ce qui leur est enseigné, en tout cas qu’ils se plient difficilement aux règles qui définissent cette manière d’enseigner: si ces enfants étaient paresseux à ce point, l’âge suffirait-il à les rendre si courageux et si travailleurs dans leur vie d’adulte?” 1429 . Autrement dit, certains élèves de la Maison des Trois Espaces nous donnent l’impression de réajuster leur relation avec l’institutrice au mieux par rapport aux formes d’exercice du pouvoir valorisées dans leur école qui ont pour conséquence de dépersonnaliser les rapports d’autorité adulte-enfant (avec tout le système de lois, de conseils d’enfants, de responsabilités, de gestion “auto-contrôlée” des comportements): plus que de porter atteinte à cette forme de domination basée sur des règles impersonnelles, on dirait que ces élèves cherchent (à travers leur engagement contractuel avec la maîtresse) à la rendre plus “compatible” avec la forme d’autorité auxquels ils sont accoutumés dans leurs familles.

Notes
1414.

Ainsi on se méfie d’un mode relationnel trop affectif, par exemple dans la composition des classes de 3ème cycle où les enfants ne restent jamais plus de deux ans avec le même adulte, pour “déjouer les relations trop fusionnelles” (Apprendre ensemble, apprendre en cycles, ESF, Paris, 1993, p.92).

1415.

Apprendre ensemble, apprendre en cycles , Ed. ESF, Paris, 1993, p.114

1416.

“Mme Adams” est le personnage d’un feuilleton comique diffusé à l’époque à la télévision: “La famille Adams” qui représente des individus habillés et maquillés comme dans les films d’horreurs.

1417.

Cette institutrice est la seule que nous n'ayons jamais vu s’emporter (parmi tous les enseignants des configurations observées). Elle fait preuve d’une très grande maîtrise d’elle-même dans son intervention suite aux problèmes rencontrés par l’intervenante (elle nous dira pourtant qu’elle était très énervée) comme dans d’autres situations, par exemple:

(13.05.93) L’institutrice commence une dictée de mots par “le verglas”. Mounir lève le doigt: “A. <prénom de l'institutrice>, c’est quoi le verglas?”. Elle répond : “Alors là, je sens que je vais m’énerver...Je vais crier et Conchita va m’entendre jusque dans sa classe! Ca m’énerve, on a vu ces mots déjà je n’sais combien de fois, et tu me demandes seulement aujourd’hui ce que c’est que le verglas?”(le ton de sa voix, même s’il est ferme, ne montre pas qu’elle est énervée, elle parle calmement et ne crie pas)

1418.

La distinction. Critique sociale du jugement, Ed. de Minuit, Paris, 1979, p.33

1419.

P.Bourdieu analyse ainsi les oppositions entre l’exercice physique et l’expression corporelle:“A l’ascétisme de la gymnastique traditionnelle qui, dans sa forme vécue, mesure la valeur d’un exercice à son coût, son effort, voire en souffrance -selon le dicton, <<il faut souffrir pour être belle>>-, qui, exaltant la discipline, fait de l’exercice physique une <<école de la volonté>> et peut même trouver une forme de plaisir dans l’expérience de la tension, la nouvelle gymnastique, qui se désigne parfois elle-même comme une anti-gymnastique, oppose un système de préceptes tout aussi impératifs, qui en est le contre-pied: entendant substituer la relaxation à la tension, le plaisir à l’effort, la <<créativité>> et la <<liberté>> à la discipline, la communication à la solitude, elle traite le corps comme le psychanalyste traite l’âme, se mettant <<à l’écoute>> d’un corps (<<écouter nos muscles>>) qu’il s’agit de <<dénouer>>, de libérer ou, plus simplement, de retrouver et d’assumer (<<se sentir bien dans sa peau>>). Cette psychologisation du rapport au corps est inséparable d’une exaltation du moi, mais d’un moi qui ne s’accomplit vraiment (<<s’épanouir>>) que dans la communication avec les autres (<<partager les expériences>>) par l’intermédiaire du corps traité comme une signe et non comme un instrument (par où peut se glisser toute une politique du rapport au corps <<aliéné>>)” ,La distinction, p.426

1420.

Pour donner un exemple, avant que la classe ne commence en début de matinée ou en début d’après-midi, les enfants couraient, parlaient forts et avaient un contact corporel très rapproché, mais dès que l’institutrice rentrait, tout revenait “dans l’ordre”, sans qu’elle soit obligée de leur dire quelque chose.

1421.

Concernant l’instituteur dont la salle est immédiatement voisine de sa classe, l’enseignante explique: “Quand y’a un intervenant ou un remplaçant...Tout est oublié, c’est la loi de la jungle, c’est la loi du plus fort”

1422.

mémoire de maîtrise en sociologie, La pédagogie Freinet, une "école pour le peuple"?, Université Lyon II, 1990/91, sous la direction de R.Bernard, B.Lahire et D.Thin

1423.

“Quand il y avait les instituteurs, ils réagissaient autrement: il se tenaient à carreau. Maintenant, on ne peut rien leur dire, ils ne nous écoutent pas alors qu’à l’école, l’autre fois j’y suis allée, il suffit que la maîtresse leur dise de s’asseoir, ils le font tous!” (femme de ménage)

1424.

Les élèves disent souvent, lorsque d’autres enfants se bagarrent ou font quelque chose d’interdit en l’absence de l’institutrice, qu’ils vont “le dire à A. <prénom de l'institutrice>” ou que cela va “mal se passer si A. le sait”: ils font alors directement référence à la personne de l’institutrice (et non pas aux interdits du règlement).

1425.

Economie et société. Les catégories de la sociologie, Ed. Plon, coll. Pocket, 1995, p.324

1426.

“C’est quand même une situation sans précédent, de voir de nombreux prophètes accrédités par l’Etat, qui, au lieu de prêcher leur doctrine dans la rue, dans les églises et autres endroits publics ou bien, en privé, dans des conventicules de croyants choisis personnellement et qui se reconnaissent comme tels, s’arrogent le droit de débiter du haut d’une chaire, au <<nom de la science>>, des verdicts décisifs sur des questions touchant la conception du monde, en profitant de ce que, par un privilège de l’Etat, la salle de cours leur garantit un silence soi-disant objectif, incontrôlable, qui les met soigneusement à l’abri de la discussion et par suite de la contradiction” (Essais sur la théorie de la science, Ed. Agora, coll. Presses Pocket, 1992, p.371)

1427.

Essais sur la théorie de la science, Ed. Agora, coll. Presses Pocket, 1992, p.371

1428.

Les relations entre enseignants, travailleurs sociaux et familles populaires urbaines: une confrontation inégale, thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de G.Vincent, Université Lyon II, juin 1994, p.239. C’est cette “absence relative d’idée d’autocontrainte ou d’autodiscipline” dans les milieux populaires qui explique que pour les parents, “l’autorité ne peut être efficiente que par la présence directe de l’adulte ou par la crainte des sanctions que l’enfant encourt”(p.239)

1429.

Les enfants de milieux populaires et l’école. Une pédagogie populaire est-elle possible?, thèse de doctorat ès lettres et sciences humaines, sous la direction de R.Boudon, 1981, Université Paris IV-Sorbonne, pp.126 et 127