3- Chez les élèves « en réussite »

Portrait de Lubna

Dans l’ensemble, les élèves “en réussite scolaire” paraissent plus ignorants des lois rédigées pour la classe et le conseil (sur les sept enfants “en réussite” interrogés, un seul est capable de parler d’une loi):

On peut remarquer que pour certains enfants cette question est déstabilisante: Dounia (depuis le CP à la M3E, maghrébine, père sans profession, anciennement ouvrier / mère sans profession) et Daphna (depuis le CE1 à la M3E, israëlienne, père téléviste/mère sans profession), comme nous l’avons vu chez Lubna, sont très angoissées de ne pouvoir répondre à une question de l’entretien; ces filles assimilent certainement (comme les autres enfants) la situation de l’entretien à un questionnement de type scolaire et étant donné qu’elles sont appliquées à toujours bien travailler et à réussir scolairement, elles paniquent quand elles pensent être confrontées à une incompétence de leur part. Au contraire, Bertrand (depuis le CP à la M3E, français, père magasinier/mère secrétaire à Auchan), Raphaël (depuis le CP à la M3E, français, père cadre administratif supérieur/mère gestionnaire de collège) et Martine (depuis la maternelle à la M3E, française, père journaliste/mère institutrice à la M3E) semblent complètement indifférents au jugement susceptible d’être porté sur eux face à leur méconnaissance et ils donnent même l’impression que cette question des lois n’est pas tellement importante. Peut-être que le mode de socialisation scolaire de la Maison des Trois Espaces leur paraît plus “évident” et moins “étranger” qu’à Dounia, Daphna et Lubna et qu’ils se sentent suffisamment “à l’aise” dans cette école, pour ne pas avoir peur d’être jugés sur leur incapacité à expliquer un aspect de l’organisation scolaire.

Par ailleurs, les élèves “en réussite” parlent des tâches organisationnelles scolaires telles que le plan de travail ou les responsabilités, plus en termes de “finalités” (à quoi ça sert, à quoi on veut arriver) qu’en explicitant, dans le détail, les opérations, les précisions techniques d’effectuation et de circonstances (c’est à dire attachées à une situation précise):

Plan de travail

Responsabilités obligatoires de la classe

Notes
1504.

diffusée en mai 1993 à la télévision

1505.

L’institutrice estime que rapidement dans l’année, Lubna a obtenu un niveau 6ème en français, qu’elle fait peu de “fautes de grammaire et d’orthographe” pour un élève de son âge et qu’elle utilise des tournures françaises assez complexes et “fines”.

1506.

B. Lahire a montré combien la réussite scolaire peut dépendre de ressources non-culturelles, non-scolaires: “Tout ce qui se <<transmet>> familialement n’est pas uniquement d’ordre <<culturel>> (si l’on considère comme éléments de la <<transmission culturelle>> l’ensemble des codes culturels), mais conditionne bien souvent les transmissions intergénérationnelles comme l’appropriation de savoirs scolaires. Des dispositions morales, des rapports à l’avenir, à l’organisation, à l’effort, à l’autorité, etc...sont <<transmis>>, souvent sans le savoir, des parents aux enfants dans l’intimité de la vie domestique et déterminent l’attitude des enfants face aux règles de vie scolaires, à l’ascétisme scolaire, aux savoirs scolaires, etc.”(Transmissions familiales de l’écrit et performances scolaires d’élèves de CE2, GRS/Université Lyon 2, septembre 1995, p.325)

1507.

Lubna bénéficie d’une très grande popularité auprès des autres élèves, lorsqu’elle se présente comme responsable (elle a aussi été plusieurs fois responsable de récréation). Plusieurs facteurs semblent jouer en sa faveur: sa sociabilité qui semble assez “ouverte”, sa capacité à s’exprimer correctement et à défendre son point de vue, son sérieux et son très bon niveau scolaire.