3- Education par le travail, organisation technique et matérialisme pédagogique

“On croit trop souvent que les techniques Freinet s’accommodent volontiers d’un manque anarchique d’organisation et que l’expression libre est synonyme de licence et de laisser-aller. La réalité est exactement contraire: une classe complexe, qui doit pratiquer simultanément des techniques diverses, et où on essaie d’éviter la brutale autorité, a besoin de beaucoup plus d’ordre et de discipline qu’une classe traditionnelle, où manuels et leçons sont l’essentiel outillage. Mais il ne saurait s’agir là de cet ordre formel qui se traduit, tant que le maître surveille, par du silence et des bras croisés. Nous avons besoin d’un ordre profond, inséré dans le comportement et le travail des élèves; d’une véritable technique de vie motivée, et voulue par les usagers eux-mêmes <...> L’ordre et la discipline de l’Ecole Moderne, c’est l’organisation du travail. Pratiquez les techniques modernes pour du travail vivant, les enfants se disciplineront eux-mêmes parce qu’ils veulent travailler et progresser selon des règles qui leur sont propres. Vous aurez alors dans vos classes l’ordre véritable” 1561 . Contrairement à certains présupposés qui laissent à penser que dans la pédagogie Freinet, les enseignants insistent moins sur le travail 1562 , la conception que Célestin Freinet se fait du travail est très proche des réflexions d’Alain et de Kant sur l’éducation (sauf que ces philosophes excluent l’idée selon laquelle le travail serait “naturellement” présent chez l’enfant): le travail est nécessaire à l’école, on ne peut pas instruire par le jeu; le travail est une éducation morale (notamment à la volonté) et il évite d’avoir recours à une discipline extérieure; enfin, le travail scolaire ne suppose pas les mêmes contraintes que le travail professionnel. Cependant, P.Meirieu perçoit dans l'oeuvre pédagogique de Célestin Freinet une fascination pour l'activité économique qui l'amène à ménager une alternative entre "l'école-atelier" et "l'école-laboratoire": il hésiterait entre "l'économisme radical d'une logique de pure production" et "un fonctionnement beaucoup plus structuré, orienté vers l'acquisition de savoirs" 1563 .

On connaît les positions de Célestin Freinet sur le jeu à l’école:“Le jeu ne prépare que très accidentellement aux activités de la vie, même si, dans certains cas, il exerce quelques aptitudes particulières. Il distrait de la vie: il tend à faire prendre pour la vie ce qui n’en est que l’ersatz et, de ce fait, fausse l’optique des problèmes fondamentaux” 1564 et les critiques qu’il formule à l’égard du matériel et de la méthode Montessori à laquelle il reproche de ne pas assez prendre en compte le travail dans la formation de l’enfant 1565 : “Par le matériel Montessori lui-même, prétendument scientifique, l’enfant enrichit ses relations, met au point son équilibre musculaire, ajuste son coup d’oeil. Nous ne disons pas que cela soit inutile surtout pour les déshérités qui n’ont pu bénéficier du milieu riche et aidant indispensable à leur formation. Mais ce n’est là que prospection et aménagement, adaptés au stade précédent, et plus particulièrement aux anormaux qui s’y sont attardés. L’enfant normal veut et doit, à cet âge, aller plus avant. Il doit -et il veut- s’initier aux gestes essentiels du travail qui, par son action toujours plus différenciée sur le milieu ambiant, crée les éléments nouveaux d’équilibre et de puissance” 1566 .

D’ailleurs la "joie du travail" correspond selon Célestin Freinet à une nécessité organique plus vitale que le jeu “L’animateur de la vie dès le plus jeune âge, le meilleur ferment de satisfaction saine et dynamique dans le cadre normal de la famille et de la communauté, ce n’est pas le jeu, c’est le travail!” 1567 . Le travail libre aurait ainsi, psychologiquement, des vertus de pulsion essentielle, de grande tendance vitale (un peu comme la libido sexuelle chez Freud): “Il y a travail toutes les fois que l’activité -physique ou intellectuelle- que ce travail suppose répond à un besoin naturel de l’individu et procure de ce fait une satisfaction qui est par elle-même une raison d’être” 1568 . Si ces conditions ne sont pas réunies, on ne peut pas parler de travail, mais de besogne et le modèle du travail ouvrier en fabrique ou en atelier est à bannir de la classe. Seul le travail non avilissant correspond à une nécessité vitale: “L’enfant veut travailler comme il veut se nourrir! Et, pour y parvenir, il ne ménage pas sa peine. Expérimentation, création, documentation, sont des activités qui lui sont naturelles, pourvu que, au lieu de nous mettre prétentieusement en travers du mécanisme, nous lui apportions au contraire nourriture et lubrifiant” 1569 .

Pour satisfaire ce “besoin de travail” chez l’enfant et l’amener ainsi aux connaissances, Célestin Freinet déploie des techniques et du matériel, qu’il n’a d’ailleurs pas forcément complètement “inventé”. Pour ne prendre qu’un exemple 1570 , l’imprimerie, à laquelle Rousseau avait déjà songé comme technique d’éducation 1571 , aurait été utilisée dans les collèges jésuites selon J.Testanière et Jean Vial énumère plusieurs personnes qui auraient pensé à son emploi: “Louis Dumas, à Paris, vers 1730; Oberlin, dans les Vosges, vers 1800; Robin, à Cempuis, un siècle plus tard...” 1572 . L’originalité de Célestin Freinet vient plutôt de la manière d’utiliser l’imprimerie (en confiant aux enfants la confection du journal avec la rédaction, la correction, l’illustration, l’impression de journaux...) et surtout d’organiser le travail dans la classe 1573 . Certes le pédagogue insiste sur le caractère indispensable d’un matériel adapté, novateur, une base technique qui rend possible le système éducatif conseillé 1574 . Mais ce matériel n’est rien sans son utilisation (un instituteur peut très bien avoir une imprimerie, mais ne pas s’en servir dans “l’esprit” de la pédagogie Freinet 1575 ) et sans l’organisation du travail qui ressort de manière essentielle dans les écrits de Célestin Freinet: “La tâche matérielle de la pédagogie <est de> créer l’atmosphère de travail, et, en même temps, prévoir et mettre au point les techniques qui rendent ce travail accessible aux enfants, productif et formatif”1576;“Le grand problème pédagogique reste incontestablement: par quelle organisation du travail, par quelles techniques, l’école peut toucher au maximum les enfants, afin d’obtenir le maximum d’efficience?” 1577 .

L’organisation du travail dans la classe permet de se dispenser d’exiger du maître qu’il soit un “sur-homme”, avec une maîtrise totale de lui-même. Contrairement aux conceptions pédagogiques de Maria Montessori qui voit dans la maîtresse un exemple vivant pour les enfants de maîtrise de soi et de capacités morales supérieures 1578 , Célestin Freinet pense qu’il est impossible de demander une telle attitude à l’enseignant:“L’école traditionnelle demande beaucoup trop à l’instituteur, moins d’ailleurs -et c’est cela le plus grave- dans le domaine de la technique qu’au point de vue des qualités personnelles et psychiques qu’il ne dépend pas toujours de lui de posséder ou d’acquérir: calme, droiture, autorité personnelle, intuition, patience, maîtrise de soi, abnégation, dévouement...et amour! Et comme les instituteurs sont des hommes, qui donc ne possèdent que très exceptionnellement toutes ces qualités jugées essentielles, c’est tout le système pédagogique qui s’effondre, les instituteurs impuissants qui se lassent et se contentent enfin de s’installer dans la pratique -qui n’est qu’un pis-aller- de la moyenne routine <...> nous avons renversé les données du problème : nous préparons un cadre, un matériel, une technique d’emploi, une organisation du travail qui permettront aux enfants de se réaliser au mieux pour peu que l’instituteur les aide, pourvu même qu’il ne les gêne pas dans leurs essais tâtonnants et dans leurs recherches” 1579 .

L’organisation correcte d’un travail qui intéresse l’enfant 1580 , évite d’avoir recours à la discipline: “Le souci de la discipline est en raison inverse de la perfection dans l’organisation du travail, de l’intérêt dynamique et actif des élèves” 1581 et délivre de toutes les “pratiques désuètes d’autorité et de sanctions”, en suscitant "un nouveau climat de coopération, d’entraide amicale, de travail vivant et d’humanité" 1582 . Le travail permet d’intérioriser l’ordre et la morale, il permet une approche individuelle, personnelle de l’enfant, contrairement à l’éducation apparemment scientifique, de l’extérieur qui n’est qu’un leurre. Célestin Freinet critique d’ailleurs à ce titre le scoutisme de Baden-Powell qui reste une éducation trop superficielle “le but de l’éducation n’est pas seulement de donner de la santé, du muscle, de l’élan, de la décision, ni même de l’audace et de la volonté ...<Il faut> que l’individu ait conscience de la nécessité de leur utilisation favorable pour des fins tout à la fois individuelles et sociales. C’est par le travail qu’on accède à cette fin” 1583 . Les “fondements” de l’éducation doivent se trouver “dans l’individu même” 1584 , ce qui implique de respecter le rythme personnel de chacun: “Ici, chacun travaille à son rythme, à une besogne plus ou moins délicate et selon ses possibilités. L’essentiel, c’est que ça travaille” 1585 .

Célestin Freinet trouve ainsi des vertus morales au travail, très proches des valeurs que lui trouvent des philosophes comme Kant (le travail est une contrainte nécessaire, il permet de se libérer et d’atteindre l’autonomie) ou bien encore Alain (le travail permet de se confronter au monde, il oblige à se dépasser, donc à se libérer): “J’appelle travail cette activité qu’on sent si intimement liée à l’être qu’il en devient comme une fonction dont l’exercice est par lui-même sa propre satisfaction, même s’il nécessite fatigue et souffrance. Fatigue et souffrance ne sont d’ailleurs pas des ennemis irréductibles du bonheur; elles en sont parfois, au contraire, la condition préalable” 1586 . On peut dire que si Célestin Freinet critique l’éducation morale “de l’extérieur”, imposée à l’enfant, il réintroduit la morale “de l’intérieur”, véhiculée par le travail, auprès de chaque enfant, au point d’en faire une “seconde nature”:“Organisons le travail pour que, de bonne heure, l’enfant se familiarise avec ses obligations, mais en ressente aussi les satisfactions incomparables; qu’il centre graduellement sa vie sur cette nécessité fonctionnelle; que sa nature se l’incorpore, à tel point que, malgré les sollicitations, les perversions, les illusoires jouissances que la civilisation lui offrira, il revienne toujours, après ses erreurs, à la seule activité nourricière et salvatrice: le travail” 1587 . Enfin Célestin Freinet est persuadé que les vertus morales transmises à travers les valeurs attachées au travail permettront à terme d’aboutir à l’harmonie et l’équilibre, susciteront une conception nouvelle des rapports sociaux (c’est à dire une nouvelle forme d’ordre social, plus “intériorisé”), “une philosophie et une morale qui ne seront plus intellectuellement abstraites de la condition humaine, mais apparaîtront comme la subtile émanation d’un ordre nouveau fondé sur la dignité et la splendeur du travail <...> Cette conception nouvelle du véritable travail au centre de notre éducation et de notre vie est essentiellement morale” 1588 .

Pour finir, il est intéressant de relever combien cette représentation très ascétique et morale du travail dans la pédagogie Freinet n’est pas perçue forcément de cette manière par les parents d’élèves, en particulier ceux de milieux populaires. Ainsi, nous avions relevé que, dans les discours des familles interrogées lors de notre travail 1589 sur l’école A.France de Vaulx-en-Velin pratiquant la pédagogie Freinet, le thème du travail revenait très fortement, souligné soit comme reproche (du côté des familles récalcitrantes), soit comme aspect positif (du côté des familles favorables à la pédagogie). Ainsi pour certains parents, le “problème” de cette école était le “manque de travail”: “Les sorties, ça pose un problème, c’est pas très sérieux. Qu’est-ce qu’ils font à l’école? <...> Y’a beaucoup d’activités. Ils ont une longue récréation, ils s’amusent beaucoup, je trouve”; “Ils n’ont pas le temps d’apprendre avec tout ce qu’ils font à côté <...> Ici, y’a le cinéma, les sorties, Miribel, un jour ci, un jour ça” . A la fin d’une journée de classe, une mère était venue rencontrer l’institutrice pour justifier l’absence de sa fille restée à la maison “pour faire des dictées”, car à l’école “il y a trop de sport et elle a besoin de travailler son orthographe". Or, l'étude du temps consacré aux différents apprentissages hebdomadaires nous a montré que les institutrices de l’école A.France respectaient les horaires imposés par les textes officiels 1590 . Plus intéressant encore, on s’aperçoit que certains parents associaient le “manque” de travail scolaire 1591 donné aux enfants au manque de travail des instituteurs: “Les profs ne travaillent pas assez. Ils ne s’occupent pas des enfants et ne les font pas travailler. D’ailleurs, leur prof a souvent la flemme, il n’a pas envie de travailler(mère "récalcitrante"). Or ce genre d’arguments dans lequel se reconnaissent toutes les familles “récalcitrantes” n’est pas justifié si l’on considère le temps consacré par les institutrices à leur profession, à l’intérieur et en dehors de l’école 1592 . Parmi les parents de familles populaires immigrées d'une classe de CP dont l'institutrice pratiquait la pédagogie Freinet interrogés par G.Chauveau et E.Rogovas-Chauveau, la moitié faisait part de réserves quant au travail pédagogique: "Ils vantaient la gentillesse et le dévouement de la maîtresse, mais ils percevaient mal ses objectifs didactiques. Ils n'avaient pas compris, par exemple, que la lecture figurait dans ses priorités: <<Comment peut-on apprendre sans manuel?>>; <<Au lieu de jouer ou d'aller au marché, elle ferait mieux de leur apprendre à lire et à écrire>>. Un père était même sur le point de changer son fils d'école: <<Je vais l'envoyer à l'école des Français. Là-bas, il fera du travail sérieux: de la lecture, du français, des mathématiques" 1593 .

Ce malentendu très net entre les instituteurs Freinet et les parents d’élèves interrogés récalcitrants à cette forme de pédagogie semble pouvoir s’expliquer par une différence de conceptions sur la manière de se représenter le travail scolaire. J.Testanière voit dans l’attitude des familles populaires (majoritaires à l’école A.France) une “manière de reporter sur le scolaire les catégories de la culture du travail” conduisant les parents à la “réinvention de conduites propices à la réussite à partir de leurs systèmes de valeur et d’attitude” 1594 . En effet, les familles récalcitrantes interrogées à l'école A.France soulignent toutes que le travail scolaire doit être un exercice de contraintes préparatoire à la future vie professionnelle de l’enfant: “Cette manière de travailler comme ça par petits bouts, ça fait vraiment pas sérieux, ça oblige pas l’enfant à se concentrer, et s’il se force pas un peu, il se forcera jamais pour son boulot”; “Je ne veux pas que mon fils arrive à 20 ans sans jamais avoir travaillé, sinon il aura jamais envie de travailler. Il fera quoi? Le chômage? . Par ailleurs toutes les familles populaires interrogées pour ce mémoire décrivent le travail scolaire comme un moment difficile, où l’on souffre, comme l’exprime par exemple cette mère: “C’est sûr que les enfants ont pas envie de travailler au début, c’est normal, mais il faut les forcer”. Or cette représentation est en décalage avec les conceptions pédagogiques de Célestin Freinet pour lequel le travail débute certes par de la souffrance et des efforts, mais pour accéder ensuite à du plaisir. Le discours des parents d’élèves plus aisés s’accorde davantage avec cette conception. L’école A.France y est décrite comme un lieu de plaisir, ce qui est souligné comme une condition positive pour un “véritable apprentissage scolaire”: “C’est une école où les enfants sont heureux d’aller, ça leur manque de ne pas y aller, pendant les vacances”; “Au niveau des loisirs, dans la semaine, ils ont pas grand chose. Enfin ça dépend de ce qu’on appelle loisir, à l’école, c’est déjà un loisir pour eux”. Les familles en accord avec cette pédagogie se rejoignent dans leurs descriptions du travail scolaire comme une “démarche naturelle”, où l’aspect contraignant de l’apprentissage scolaire n’est pas du tout mis en valeur:“Y’a pas besoin de se crisper pour apprendre”; “A l’école A.France, on fait travailler le gamin sans qu’il s’en aperçoive”; “Ma fille connaît ses récitations par coeur, je ne l’ai jamais vue les apprendre, je ne sais pas comment elle fait. Ca se passe comme ça”.

Notes
1561.

Pour l’école du peuple, pp.167 et 168

1562.

Présupposés qu’on peut trouver chez certains instituteurs, comme l’indique par exemple l’histoire de ce maître relatée par le directeur de C.Freinet: “une année un collègue, bon, il a passé un an mais...on a été obligé de lui dire qu’il se trompait et puis comme lui son problème c’était plutôt euh...que le travail, ça lui faisait un peu peur, il est parti de lui-même, y’avait trop de travail, de réunions et tout”.

1563.

Apprendre en groupe? 1-Itinéraire des pédagogies de groupe, Chronique Sociale, Lyon, 1989, p.59

1564.

La santé mentale de l’enfant, p.136

1565.

L’analyse de la configuration Tom Pouce souligne combien ces critiques de Célestin Freinet paraissent en partie injustifiées: la notion de “travail” est fondamentale dans les conceptions pédagogiques de Maria Montessori et elle apparaît jusque dans l’activité de “jeu” (voir la partie IV,1,b de la configuration Tom Pouce: "Du matériel didactique spécifique")

1566.

Pour l’école du peuple, p.36

1567.

L’éducation du travail, p.125

1568.

L’éducation du travail, p.210

1569.

idem, p.224

1570.

On aurait pu citer aussi la coopérative scolaire, dont on trouve les premières formes en 1842 en Grande-Bretagne. Après la première guerre mondiale, l’inspecteur Benjamin Profit crée plus de 100 coopératives scolaires dans sa circonscription de Saint-Jean-d’Angély, sur le modèle des coopératives beurrières. La coopération scolaire sera pensée de manière plus systématique à travers le mouvement de l’OCCE qui débute en 1923 (voir supra dans cette configuration la partie I,4 sur l’ICEM et l’OCCE).

1571.

dans L’Emile, livre II

1572.

Actualité de la pédagogie Freinet, sous la direction de Clanché P. et Testanière J., Presses Universitaires de Bordeaux, 1989, p.16

1573.

Pour autant, nous trouvons qu’il est un peu exagéré de parler comme le fait J.Testanière du “génie pédagogique” de Célestin Freinet, ayant consisté à “mettre en place une organisation scolaire autre, qui libère l’école, les enfants et le maître” . Plus loin, l’auteur nous semble encore aller trop vite lorsqu’il affirme que “Les actes intellectuels n’étant plus coupés de leur fonction dans la vie, les manières d’apprendre n’ayant plus la rigidité qu’elles ont dans l’école traditionnelle, alors l’école retrouve son rôle, qui est de préparer efficacement à la vie: les enfants des milieux populaires peuvent enfin en tirer profit”(Les enfants de milieux populaires et l'école. Une pédagogie populaire est-elle possible?, thèse de doctorat ès lettres et sciences humaines, 1981, Université Paris VI-Sorbonne, sous la direction de R.Boudon, pp.599, 600 et 601)

1574.

“Si vous n’avez pas un matériel d’imprimerie répondant avec une perfection suffisante aux buts auxquels on le destine, il ne faut pas penser prévoir la rédaction d’un livre de vie et la diffusion d’un journal scolaire <...> Bon gré, mal gré, vous devrez en rester au Moyen Age de l’Ecole, le seul progrès étant que la plume d’acier a remplacé la plume d’oie. Si vous n’avez pas de Bibliothèque de travail, si vous n’avez pas un fichier assez riche permettant aux élèves de trouver rapidement les documents concernant les sujets à étudier, il est superflu de s’attaquer à notre complexe. Les élèves se décourageraient devant leur impuissance technique; vous vous énerveriez avec eux; vous feriez en définitive de la très mauvaise besogne. Mieux vaut vous en tenir à la pratique du manuel scolaire ou tenter les centres d’intérêts pour la réalisation desquels cette impuissance technique sera un obstacle que les initiateurs de la méthode ont tous sous-estimé”(Pour l’école du peuple, p.95). Célestin Freinet soulignera par ailleurs l’indispensable adaptation de ce matériel aux progrès de l’époque; dans les écoles Freinet actuelles, certaines techniques sont restées telles quelles avec des réactualisations (par exemple les collections de bibliothèque du travail, BT ou bien les fichiers de travail individuel autocorrectifs), d’autres ont été modifiées (l’ordinateur est venu remplacer le matériel d’imprimerie).

1575.

Le directeur de l’école C.Freinet nous explique ainsi que “tout dépend comment on fait le journal scolaire, quelles sont ils implications des enfants dedans, est-ce qu’ils peuvent gérer le contenu, de quelle façon, est-ce que c’est pas un peu le journal de l’instituteur pour lui faire plaisir...”

1576.

L’éducation du travail, p.197

1577.

dans l’”Educateur prolétarien” (nov. 1961) cité par Elise dans L’itinéraire de Célestin Freinet, p.128

1578.

Voir infra dans la configuration Tom Pouce la partie V,3: "L'exemple de la maîtresse"

1579.

Pour l’école du peuple, pp.98 et 99

1580.

“Il est un fait aujourd’hui indiscuté: quand les élèves se livrent à des travaux qui les intéressent profondément parce que répondant à leurs besoins fonctionnels, la discipline se réduit à l’organisation de ces travaux et ne nécessite qu’un minimum de surveillance qui devient la plupart du temps le fait de l’équipe ou du groupe” (Pour l’école du peuple, pp. 56 et 57); “Le problème de la discipline nous paraît se poser de la façon suivante: l’enfant qui participe à une activité qui le passionne se discipline lui-même, à moins que le travail ne le discipline automatiquement <...> Le seul critère sera alors, non pas: ces enfants sont-ils sages, obéissants, tranquilles, mais: travaillent-ils avec enthousiasme et entrain?”(C.Freinet, cité par Elise dans L’itinéraire de Célestin Freinet, pp. 70,71)

1581.

L’éducation du travail, p.267

1582.

La santé mentale de l’enfant, p.20

1583.

L’éducation du travail, p.200

1584.

idem, p.96

1585.

ibid, p.269

1586.

ibid, p. 125

1587.

ibid, p.205

1588.

L'éducation du travail, pp.201 et 203

1589.

La pédagogie Freinet, une <<école pour le peuple>>?, mémoire de maîtrise de sociologie, Université Lyon II, sous la direction de R.Bernard, B.Lahire, D.Thin, 1990/91

1590.

En sachant que les autres écoles ne respectent pas toujours le nombre d’heures consacrées à certaines matières comme le sport, si bien que certains parents, en comparaison avec d’autres établissements peuvent en déduire que l’école A.France “abuse” du temps consacré à cette activité.

1591.

Par exemple, beaucoup de familles se plaignaient de la durée trop faible (1/4 d’heure) des devoirs à faire le soir. Les institutrices rétorquent que les devoirs écrits sont interdits depuis 1956. D.Thin a montré combien les familles ouvrières peuvent avoir des pratiques de surscolarisation, exigeant de leurs enfants beaucoup d’heures de devoirs le soir, parfois contre l’avis de l’enseignant (Les relations entre enseignants, travailleurs sociaux et familles populaires urbaines: une confrontation inégale, thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de G.Vincent, Lyon II, 1994, p.310 et suite).

1592.

Parmi les configurations observées, les enseignants qui s'investissent dans des pédagogies novatrices sont sans doute ceux qui consacrent le plus temps en formation, en préparation, en réunions. C'est une des raisons pour laquelle l'institutrice de CM1 à C.Freinet Valence quittera l'école l'année suivante, après plusieurs années de pédagogie Freinet

1593.

Revue française de pédagogie, n°100, juillet-août-septembre 1992, p.15

1594.

Les enfants de milieux populaires et la pédagogie Freinet. Une pédagogie populaire est-elle possible?, thèse de doctorat ès lettres et sciences humaines, Université Paris IV-Sorbonne, 1981, sous la direction de R.Boudon, p.160. D.Thin va dans le sens de cette interprétation, lorsqu’il analyse par exemple la manière dont certains parents de milieux populaires assimilent les “notes” à la “paie”: “De manière significative, un père emploie d’ailleurs le mot <<paie>> à la place du mot <<notes>> pour parler des résultats scolaires de son fils, sans que l’on sache s’il s’agit d’un lapsus ou d’une métaphore. Dans tous les cas, il indique bien ainsi que les notes sont perçues comme la récompense ou le salaire du travail effectué par l’élève”(Les relations entre enseignants, travailleurs sociaux et familles populaires urbaines: une confrontation inégale, thèse de doctorat en sociologie, Université Lyon II, 1994, sous la direction de G.Vincent, p.288)