4- L’ICEM et l’OCCE

L’école C.Freinet est une “école coopérative témoin” de l’OCCE (Office Central de la Coopération à l’Ecole) dans la Drôme: elle accueille des stagiaires et elle conduit des recherches et des observations sur des thèmes en rapport avec la vie coopérative. L’OCCE a été créé le 7 avril 1928 1595 avec comme orientation éducative la coopération scolaire et la volonté d’assumer “selon la formule même de la IIIème République, la formation de l’homme, du citoyen et du travailleur” 1596 . Une première phase de ce mouvement a été dominée par des préoccupations à caractère économique et non pas pédagogique, puisque les coopératives permettaient de faire face aux insuffisances des équipements scolaires, par l’intermédiaire de diverses ressources (fêtes scolaires, tombolas, expositions-ventes). P.Meirieu souligne combien à l'origine "il s'agit seulement d'améliorer des conditions matérielles de l'enseignement en organisant les activités para-scolaires, peu intégrées à la vie de la classe" 1597 . Dans une deuxième phase, la coopérative scolaire a été davantage pensée comme une entreprise pédagogique en rapport avec une organisation institutionnelle au sein de la classe où le maître est un “coopérateur parmi les coopérateurs” 1598 ; selon la définition du congrès de Tours (1948), la coopérative scolaire a pour but “l’éducation morale, civique et intellectuelle des coopérateurs, par la gestion de la société et le travail de ses membres” 1599 . Par la suite, l’OCCE a intégré des éléments de psychosociologie, notamment les études sur les phénomènes de relation et de dynamique de groupes 1600 ; elle insiste aussi sur la “prise en compte de l’individu”, notamment par "l’individualisation des tâches, la reconnaissance des intérêts et des rythmes personnels" 1601 .

Célestin Freinet a participé à l’OCCE, qu’il va abandonner après la seconde guerre mondiale, lui reprochant ses liens trop forts avec l’administration: il crée l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne) 1602 en 1948. La scission entre l'OCCE et l'ICEM s'opère selon P.Meirieu autour du statut des activités coopératives qui ne doivent pas, selon C.Freinet, être un domaine séparé des activités scolaires: l'OCCE "n'envisage pas de modifier l'ensemble de la pédagogie scolaire" alors que l'ICEM "prétend repenser tout le fonctionnement de la classe à partir de l'activité productive" 1603 .

A l’heure actuelle, les deux mouvements se différencient au sens où les adhérents à l’OCCE 1604 ne sont pas forcément des sympathisants de la pédagogie Freinet contrairement à l’ICEM où l’engagement est plus militant, même s’il connaît des degrés d’investissement différents selon les instituteurs (certains se contentent d’utiliser les “techniques Freinet” sans prendre en compte l’orientation pédagogique d’ensemble). Les enseignants de l’école C.Freinet de Valence ne sont pas pour autant “fermés” à l’OCCE: le directeur participe à la fois aux activités de l’OCCE et de l’ICEM et l’institutrice de la classe observée se dit même plus proche des conceptions de l’ICEM que de celles de l’OCCE. Cependant, même si on parle beaucoup des “techniques Freinet”, ces mouvements sont en fin de compte peu suivis et appliqués au niveau des écoles primaires françaises: pour l’année 1995/96, on estimait que cent écoles publiques étaient composées presque intégralement d’enseignants Freinet et cinq cent étaient “à forte dominante Freinet” 1605 . L’ICEM évalue à 600 de nombre de ses adhérents (appartenant essentiellement à l’enseignement public du premier degré) en 1996, mais elle estime que son influence est beaucoup plus large 1606 .

Notes
1595.

D’abord nommé “Office Central des Coopératives Scolaires”, il devient en octobre 1929 “Office Central de la Coopération à l’Ecole” et il est placé sous la présidence de F.Buisson, C.Gide et A.Thomas

1596.

Animation et éducation, OCCE, n°26, octobre 1978, p.3

1597.

Apprendre en groupe? 1- Itinéraire des pédagogies de groupe, Chronique Sociale, Lyon, 1989, p.88

1598.

Animation et éducation, OCCE, n°26, octobre 1978, p.6

1599.

idem, p.21

1600.

La référence est faite par exemple aux travaux de Lewin, Lippitt et White sur les climats pédagogiques.

1601.

Animation et éducation, OCCE, n°26, octobre 1978, p.7

1602.

L’école Freinet A.France de Vaulx en Velin que nous avions observée en 1990/91 adhérait à ce mouvement, et non pas à l’OCCE.

1603.

Apprendre en groupe? 1- Itinéraire des pédagogies de groupe, p.88

1604.

Selon le directeur, sur les 500 classes environ qui adhèrent à l’OCCE/Drôme, les 9/10ème le font pour gérer de l’argent et seul le dixième restant s’intéresse à la pédagogie. Il faut savoir qu'en primaire, le directeur n’a pas le droit de gérer de l’argent, sauf par l’intermédiaire d’une coopérative, ce qui amène beaucoup d’écoles à participer à l’OCCE dans cette perspective.

1605.

D’après Auffrand R. dans Des écoles différentes et des alternatives éducatives. Le guide annuaire, 15ème édition, Ed. Agence Informations Enfance, Paris, 1995, p.197

1606.

Certains militants (évalués à 2500) n’apparaissent pas au niveau de la structure nationale, mais travaillent quand même dans les 78 groupes départementaux ou en commissions élaborant des outils de travail, des documents. Des enseignants, des conseillers pédagogiques, des professeurs en IUFM et d’autres professionnels (l’ensemble étant estimé à 30000 sur la France) seraient concernés également par l’achat du matériel ou l’abonnement à une revue (d’après Le Monde de l’éducation, n°242, novembre 1996, p.31).