b) L'entretien

L’entretien inaugure la journée des classes primaires de l’école C.Freinet: tous les matins (sauf le samedi), les enfants lorsqu’ils entrent en classe peuvent inscrire leur prénom au tableau et le titre d’une nouvelle qu’ils viennent ensuite présenter à tour de rôle (dans l’ordre où ils se sont inscrits) au tableau, face aux élèves. Les nouvelles peuvent prendre des formes diverses (sur la base d’un texte ou d’une information orale) et traiter de thèmes différents: chants, propositions au groupe, apports sur des savoirs abordés en classe, présentation de livres, de documents (photos, dessins, graphiques...), d’articles de journaux, de lectures, d’informations nationales ou locales, etc... Les élèves et l’enseignant peuvent intervenir pour demander des précisions, faire des remarques, donner leur avis, critiquer ou proposer. Les nouvelles partent toujours des intérêts et des différents moments de la vie de l’enfant, que ce soit sa vie personnelle, familiale ou bien scolaire et “L’entretien est important pour les apprentissages car il est source de stimulation, de motivation, d’investissement pour le groupe et pour chacun, car il crée des situations de vie génératrices de situations d’apprentissage” 1641 . Dans cette conception, l’entretien est considérécomme le moment où “l’enfant acquiert un certain nombre de savoirs et de savoirs être: au niveau du langage (vocabulaire, structures de phrases, ...), être capable de parler aux autres (articuler, répondre aux questions...), etc... L’entretien est un point de départ pour des situations d’apprentissage. Cela correspond à la première phase de notre démarche d’apprentissage: étude de la dentition à propos d’une dent tombée, mise en place d’une situation de division à partir de l’apport d’une collection, étude de la structure interrogative en utilisant un relevé des questions posées, etc... L’entretien est aussi une séquence qui permet des réinvestissements de certains acquis, des nouveaux apports après un apprentissage. C’est la dernière phase de notre démarche d’apprentissage: documents ou objets apportés suite à un travail en éveil, utilisation de structures orales acquises préalablement, etc...” 1642 .

Extrait d’une séance d’entretien CM1 (23.01.96)

  • (8h30) Début de l’entretien. Pendant toute la séance, des élèves entrent et sortent de la classe pour se rendre à la BCD. Une fille parle d’un loto auquel elle a participé récemment. Une autre explique que son grand-père parle patois, et qu’il lui a appris des mots. Les autres élèves réagissent, en parlant de leurs ancêtres qui connaissent le patois. Une fille vient raconter l’histoire d’un livre et elle lit un passage.
  • Une fille vient chanter “Merry Christmas” et l’institutrice explique la signification des mots anglais <...>
  • L’institutrice propose à celle qui s’occupe du Journal Scolaire de passer auprès des enfants pour recueillir leurs souhaits d’articles. Une fille vient présenter un texte sur la création de l’univers. L’institutrice trouve que cela répond bien à la question que la classe s’était posée dans la séance d’éveil sur l’astronomie: “Comment se sont formées les étoiles?”. Elle propose d’afficher le texte, et même de le photocopier aux enfants pour qu’ils le mettent dans leur classeur d’éveil.
  • Suite à la réunion de coopérative du vendredi, une fille vient lire la lettre 1643 à Seignobos, qu’elle a rédigée avec une autre élève. L’institutrice: “Alors qu’est-ce qu’on leur dit?”Des enfants: “Bravo!” . L’institutrice: “Mais non, pas ça...Est-ce qu’on leur dit qu’elles peuvent taper le texte tout à l’heure à l’informatique?”(les enfants acquiescent).
  • Filiz vient parler du massacre des Arméniens 1644 en avril 1915, elle explique la diaspora (suite à laquelle beaucoup d’Arméniens sont venus à Valence) et elle montre la photo d’une statue qui représente la diaspora. Elle propose d’apporter une cassette vidéo sur l’histoire de la diaspora, mais l’institutrice qui connaît cette émission enregistrée à la télévision, refuse que les enfants la regardent: “C’est déjà dur pour moi, j’ai pas supporté, alors pour des enfants!”Elle propose par contre d’aller rencontrer le grand-père arménien d’une des filles de la classe, qui a sculpté une statue représentant la diaspora à Valence: “on pourrait aller en train à Romans, on a encore de l’argent dans la caisse de la classe...Qu’est-ce que vous en pensez?”(les enfants acquiescent) <...>
  • L’institutrice prend la parole en faisant des propositions (elle s'est inscrite à la rubrique “propositions” dans l’ordre du jour de l’entretien): “Une dame qui travaille dans la formation veut voir une séance de travail à Grenoble et le déplacement en train serait payé”. Les enfants demandent si cela sera gratuit, l’institutrice confirme. Les enfants sont d’accord. L’institutrice propose d’en profiter pour aller au musée d’art moderne de Grenoble, et les enfants acceptent. Puis elle demande aux enfants qui veut continuer son livre et qui veut terminer son travail en art pour cet après-midi. Les enfants lèvent le doigt et elle compte le nombre d’élèves à chaque fois.
  • Pendant que l’institutrice fait ses propositions, une fille dessine un rébus au tableau (camp-pas-nul=campanule) et lorsque c’est son tour, elle demande aux enfants de trouver la signification. L’enseignante: “Qui sait ce que c’est, un rébus? <les enfants expliquent> Est-ce que tu veux le dessiner pour le prochain JS? <la fille acquiesce> Dans ce cas, il faudra bien expliquer que c’est une fleur” <...>
  • Deux filles viennent proposer une musique (celle du film “Pocahontas” de Walt Disney) pour le spectacle de danse <...> Un garçon vient expliquer qu’à Valence pour 50f, on peut aller au cinéma, au théâtre et à l’opéra 1645 . Ludovic est le suivant à intervenir: “Ma maman m’a acheté un ballon” . L’institutrice: “Et pourquoi elle t’achète des cadeaux en ce moment, ta maman? Parce que tu travailles bien en ce moment! Moi j’arrête pas de lui dire, il fait plus l’imbécile et en plus il parle à l’entretien. Qu’est-ce que vous en pensez? " <elle s’adresse aux autres élèves de la classe, qui abondent dans son sens>. Une fille vient montrer des photos d’astronomie, puis deux filles interviennent pour se plaindre d’avoir trouvé la veille des livres d’astronomie non rangés dans la BCD, et qu’elles ont dû les ranger. Elles accusent deux garçons qui nient vigoureusement avoir utilisé ces livres. Une polémique s’en suit, interrompue par l’institutrice: “Dans ce cas-là, vous faites appel aux responsables de la BCD ou à moi, mais vous les laissez pas traîner”. Un garçon vient dire des mots en allemand et en espagnol. L’institutrice: “Y’avait un petit problème de prononciation, mais c’était bien, sinon!” . Florentine vient parler du rallye Monte Carlo, elle explique qu’un garçon a failli se faire écraser et elle en profite pour demander au garçon qui précédait: “Who ist das Museum bitte?”(question à laquelle il ne comprend rien) Une fille vient dire qu’elle a un petit chat qui remplace celui qui est mort <...>
  • L’institutrice clôt l’entretien (la liste des sujets à aborder est épuisée): “Alors qu’est-ce qu’on choisit comme nouvelle?”. Les enfants choisissent la proposition de l’enseignante concernant le voyage à Grenoble. L’enseignante écrit au tableau: “Mardi 23 janvier. Le voyage du 15 février”. Elle explique que c’est le CRDP de Grenoble qui les invite. Une fille propose d’écrire: “Ce matin, Mme C. <nom de l'institutrice> nous a annoncé une bonne nouvelle” . L’institutrice: “Alors vous voyez, après je vais mettre un signe de ponctuation qui explique, c’est le point virgule”. La fille continue: “Nous sommes invités à Grenoble...”et l’institutrice complète la phrase de la fille tout en écrivant: “...par des personnes responsables de la formation des enseignants. Nous allons échanger aussi avec d’autres enfants” . Un enfant demande: “Alors on devra apporter notre pique-nique?”et l’institutrice répond: “Voilà. Et votre tenue de danse!”(des enfants crient qu’ils n’en n’ont pas et l’enseignante leur demande alors de venir en jogging). Elle continue à expliquer qu’ils montreront une séance de travail, pour faire voir plusieurs démarches qui servent à faire travailler des enfants en danse. Ils seront au “Cargo” et des personnes viendront les regarder.

Cette description appelle principalement quatre remarques (valables aussi pour les autres séances d’entretiens observées). Premièrement, tous les problèmes peuvent être abordés dans le cadre de l’entretien, qui possède ainsi des “vertus d’expression”, d’”épanouissement” de l’enfant envers le groupe (en contrepartie, celui-ci doit écouter l’élève s’exprimant au tableau 1646 ). Cette implication de soi de la part des enfants, favorisée par l’institutrice qui essaie constamment de positiver les interventions et d’encourager l’expression de chacun, n’est pas sans danger: “durant l’entretien, la classe n’a pas la médiation d’un contenu scolaire, elle se trouve en situation vraie, naturelle; chaque élève a, à ce moment-là, le désir d’aller vers les autres. C’est à la fois intense et délicat à vivre pour le groupe” 1647 . L’institutrice nous explique ainsi que le fait de favoriser l’expression des enfants peut avoir des effets “explosifs”: par exemple un garçon a perdu sa mère en début d’année, et il s’est plaint en entretien de la maltraitance infligée au lapin par certains élèves, puis il a rajouté (provoquant un grand silence dans la classe) qu’il savait très bien que le lapin n’est pas sa mère.

Deuxièmement, la diversité des thèmes abordés peut donner l’impression d’un enchevêtrement confus entre plusieurs types d’expressions et d’informations. On y trouve des témoignages très forts de la vie personnelle et affective des enfants 1648 , des expériences, des événements de la vie quotidienne (un loto, le rallye Monte Carlo, le patois des grands-parents, la photo d’un chien qui circule, l’acquisition d’un chat qui vient remplacer le précédent qui est mort, les incidents à Fontbarlette 1649 ), des chansons, des rébus, des informations locales, des apports de connaissances (des mots en langues étrangère, des questions sont posées à partir d’un fichier “Les Incollables” 1650 , un texte est présenté sur la formation de l’univers, des photos d’astronomie sont montrées), une régulation de la vie collective et “coopérative” (les responsables des “textes libres” ou des correspondants viennent rappeler les échéances et parfois donnent les noms des retardataires 1651 ; les responsables du Journal Scolaire recueillent les souhaits d’articles; l’enseignante propose une sortie à Grenoble; une fille vient lire la lettre qu’elle a écrite pour l’école Seignobos suite à la réunion de conseil; une autre vient proposer une musique pour la danse de fin d’année). Un élève est même félicité pour sa bonne conduite (il ne “fait plus l’imbécile”) par l’institutrice qui demande l’avis de la classe. Certaines nouvelles relèvent ainsi plutôt de la réunion de coopération, mais sont énoncées en entretien, car elle ne peuvent pas attendre (par exemple, la polémique sur le rangement des livres en BCD que l’institutrice arrive à apaiser), en sachant que seule la réunion de coopérative a un pouvoir décisionnel. Ceci a pour conséquence qu’il est moins important que tout le groupe d’enfants soit attentif et présent du début à la fin: l’entretien est plus “de l’ordre d’un échange <...> le groupe ne va pas prendre de décisions pendant l’entretien, c’est pas institutionnel”(institutrice). Ainsi en entretien, les enfants ont le droit de circuler dans la classe et de sortir pour aller à la BCD. L’entretien est aussi l’occasion de communiquer avec les autres classes, soit pour aller diffuser une information, soit pour recevoir des délégués d’une autre classe (qui peuvent interrompre la séance à tout moment) 1652 .

Troisièmement, derrière cette apparente “confusion des genres” (où on relève l’intrication étroite entre les disciplines et la discipline scolaires) se trouve en fait un “cadrage” étroit de la situation: sur le plan “institutionnel” 1653 , tous les entretiens des classes primaires de C.Freinet doivent commencer à 8h30 et finir à 9h (si jamais l'entretien est reporté, par exemple pour aller au gymnase, la durée d'une demi-heure doit être maintenue). Le non respect de la durée entraîne d’ailleurs des inquiétudes chez l’institutrice, qui restreint souvent les enfants dans leurs interventions: selon elle, “si on laissait faire”, l’entretien pourrait durer une matinée, voire une journée. Ce problème de “contrôle du temps” va faire l’objet d’un exercice de mathématiques sur la notion de partage et l’institutrice se livre un jour à un calcul de la durée impartie à chaque intervention avant de commencer l’entretien:

  • “Si nous sommes huit à l’entretien, on peut parler combien de minutes chacun, pour arriver à moins de 30 minutes en tout?” . Elle se réfère à l’exercice de mathématiques de la semaine dernière sur les partages, où elle leur avait soumis le problème. Les enfants font leurs propositions et elle en conclut que chacun peut parler plus de 3 minutes (parce que 8x3=24) mais un peu moins de 4 minutes (parce que 8x4=32 ) <...>

Le lendemain, elle restreint le nombre d’enfants qui viennent s’inscrire au tableau: au bout de quinze, elle dit qu’il faut “être réaliste”, qu’ils ne pourront pas “faire plus aujourd’hui. Ca fait déjà que deux minutes chacun!” . Elle place un réveil sur le haut du tableau et demande à un enfant de contrôler le temps. Par ailleurs, la séance de l’entretien suit un “ordre” qui n’est pas imposé par l’enseignante, mais dont elle est en quelque sorte la “garante” puisqu’elle appelle les élèves à partir de la liste rédigée au tableau 1654 . Cette liste permet au groupe des enfants d'avoir ainsi connaissance de l’ensemble des interventions: “la gestion de l’entretien est socialisée et facilitée” 1655 . L'institutrice enseignante se “sert” d’une certaine manière de cet ordre de passage pour “rappeler à l’ordre” les enfants lorsqu'ils sont trop agités, en interpellant doucement les élèves qui viennent ensuite sur la liste, ce qui capte l'attention de tous vers le tableau et l’enseignante. L’institutrice contrôle aussi le contenu des interventions: tout ne peut pas être dit (elle arrête un garçon qui raconte une blague raciste), tout ne peut pas être montré (le film sur la diaspora arménienne est jugé trop “dur” pour les enfants). Le “foisonnement expressif” apparent de l’entretien n’est donc pas complètement laissé au hasard: il se fait dans un cadre ordonné, où le contenu est surveillé, le temps contrôlé dans sa durée et sa régularité.

Quatrièmement, l’institutrice fait un travail constant d’explicitation, de transformation des nouvelles en “savoirs”, elle reprend la signification des mots, la tournure des phrases, elle explique ce qu’elle suppose être non compris. L’enseignante récupère les récits pour les transformer en connaissances scolairement utilisables. Par exemple Ludovic, Vivian et Arnaud viennent au tableau raconter qu’ils sont allés au rallye Monte-Carlo et l’institutrice leur demande de montrer sur une carte de France le parcours du rallye: “Est-ce que tu peux nous faire voir sur une carte de France le parcours du rallye?” (les enfants se préparent à côté et viennent le montrer ensuite). Filiz vient expliquer que son frère a joué au hockey et qu’un des joueurs est allé en prison. L’institutrice demande:“Personne ne s’inquiète de la prison? Qu’est-ce que ça veut dire la prison? C’est une vraie?” . Filiz explique que dans le règlement du hockey, le joueur fautif est exclu 14 minutes. Jérémy vient expliquer que ses deux chiens jouent au basket. Un garçon réplique que c’est pas possible, car les chiens percent les ballons avec leurs dents. L’institutrices intervient: “Pour les chiens, on dit croc, C.R.O.C”. Comme pour le texte libre, les enfants peuvent intervenir au même titre que l'institutrice par des remarques sur les nouvelles des autres élèves. Par exemple, Juliette critique l’intervention de Florentine (qui a résumé un roman): “Tu dis toujours et puis après...et puis après” . L’institutrice va dans le sens de cette intervention: “Vous vous rappelez, quand on avait fait le résumé, on s’était dit qu’on chercherait tous les mots qui montrent le temps qui passe et on a oublié de le faire!” . Elle prévoit au planning une séance qui traitera de ce point et elle demande à Florentine de continuer, en essayant de ne plus dire “et puis après”.

A la fin de l’entretien, les élèves écrivent sur leur cahier de vie un texte dont le contenu est décidé par la classe: les entretiens auxquels nous avons assisté en CM1 se terminaient toujours par le vote d’une nouvelle à rédiger collectivement au tableau (puis copiée individuellement sur le cahier par les enfants). Mais selon les classes, ce texte peut prendre des formes différentes (copie, dictée, texte individuel) et ce qu’il contient peut correspondre à la nouvelle la plus importante pour la classe ou pour chaque enfant, à un résumé de l’entretien ou encore à une mise au point par rapport à la vie de la classe. A partir du texte, le travail est défini avec les élèves. L’institutrice a une attitude plutôt “directive” dans le choix des exercices à mener sur ces textes:“là il se trouve qu’on est vraiment en train de faire le point sur le groupe sujet-verbe-complément, y’a des moments où ça pourrait être sur le temps des verbes où on remarque ce qui se passe sur le type de phrase, sur le niveau de langage”. Chez Célestin Freinet, l’utilisation des textes était systématiquement tournée vers plusieurs types d’apprentissages, recensés avec les élèves (et pas seulement vers un exercice de français comme le fait souvent l’institutrice de CM1). Par exemple, un texte relate une histoire où deux enfants s’arrosent avec un tuyau. A partir de là, Célestin Freinet définit plusieurs thèmes avec les enfants qui tournent autour de l’activité du cultivateur et la domination de la nature, puis ils définissent des travaux d’atelier à effectuer (fabrication de bombardes, d’une pompe, d’un téléphone à ficelle pour faire l’expérience de la vitesse du son, expérience des vases communicants et leurs applications) et d’activités intellectuelles (recherches dans le fichier des documents se rapportant à l’irrigation à travers les âges, découverte de la pression de l’eau et de l’air, renseignements sur le téléphone et le télégraphe à travers les âges).

Chez l’institutrice de CM1 observée, le texte écrit en fin d’entretien est surtout le “support d’une réflexion sur la langue”: “on essaie de faire que cette phrase soit un petit peu manipulée par les enfants comme un matériau de la langue, qu’ils connaissent bien et sur lequel ils peuvent agir”.

CM1 (22.01.96)

  • A la suite de l’entretien, pendant qu’une fille distribue les cahiers aux enfants, l’institutrice fait voter la classe pour savoir quelle nouvelle va être choisie pour être transformée en texte: “Qui est pour le rallye de Monte-Carlo? Qui est pour le chien d’Arnaud?” . Finalement, le texte est rédigé à partir de l’histoire du rallye de Monte Carlo. Un enfant propose de mettre en titre “Les portraits des z’héros” et l’institutrice lui explique pourquoi on ne prononce pas “z’héros”, mais “héros”. Les élèves discutent sur le choix des prénoms à inscrire dans une phrase pour indiquer quels enfants étaient présents lors du rallye. L’institutrice leur signale que s’ils veulent mettre “moi” il faut le placer en fin d’énumération. Les enfants proposent des phrases et c’est l’institutrice qui écrit au fur et à mesure au tableau: “Ludovic, Juliette, Vivian, Bertrand sont allés voir le fameux rallye. Ils nous ont présenté des revues...” ...“Qu’est-ce qu’on peut mettre comme complément du verbe?”puis elle complète la phrase par “sur les voitures, des cartes qui montrent l’itinéraire et des portraits des pilotes”. Les enfants posent des questions: “pourquoi est-ce qu’il y a un <<x>> à fameux?”, “pourquoi on dit Rallye de Monte Carlo, alors que d’habitude, tout le monde dit <<Rallye Monte Carlo>>?“L’institutrice explique que grammaticalement, Monte Carlo est le complément de nom de “rallye” et il doit être relié par “de” <...>
  • Le texte est terminé. L’institutrice demande aux enfants de “venir faire les groupes” (c‘est à dire entourer des groupes grammaticaux avec des craies de couleurs différentes: bleu pour le groupe sujet, rouge pour le groupe verbal, vert pour le complément de verbe, etc... ). Les enfants lèvent le doigt et viennent entourer les groupes de mots au tableau. L’institutrice complète en faisant des flèches qui relient les groupes. A la fin, les enfants recopient dans leurs cahiers le texte avec les groupes de couleurs.

Le travail effectué sur ce texte revient à un exercice scolaire de repérage des groupes grammaticaux et de leurs liens par des couleurs comme on peut l'observer dans d'autres classes, à la différence près que le texte n’a pas été imposé aux élèves; ils l’ont rédigé eux-mêmes avec l’aide de l’institutrice, ils ont travaillé sur les formes d’expression écrite sur la base d’une nouvelle relatée par l’un des pairs et choisie par vote.

On le voit, le rôle de l’enseignante est primordial pour réguler ces entretiens. En même temps, cette intervention est délicate “entre un <<laisser faire>> qui n’a pas sa place en milieu scolaire” et “une utilisation scolaire systématique de tout ce qui se passe durant l’entretien”:“L’enseignant doit différencier ses interventions; il réagit de manière diverse selon que l’enfant présente peu de nouvelles ou beaucoup, selon la réaction du groupe, selon le contenu de la nouvelle et son éventuelle liaison avec un apprentissage ultérieur ou précédent, selon l’impact de la nouvelle sur la vie de la classe. Il est le garant et le responsable du contenu et de la pertinence de l’entretien. Ses interventions peuvent être ressenties comme une valorisation de la nouvelle présentée et donc de son auteur. Il doit à ce moment-là agir avec tact afin de ne pas apparaître comme partial. Cela est d’autant plus important que chaque enseignant est influencé par sa propre personnalité qui intervient sur ses réactions, ses propos. Il a un rôle important par rapport à l’ambiance dans laquelle se déroule l’entretien. Il doit établir une relation de confiance à l’intérieur du groupe, favoriser une chaleur humaine indispensable aux échanges. C’est le régulateur des discussions, c’est aussi l’animateur qui facilite la communication et la compréhension. Il a la responsabilité de la gestion du temps et de l’écoute. Il stimule tout en laissant la libre intervention de chacun. Le rôle de l’enseignant dépasse la demi-heure journalière; en effet en dehors du temps scolaire il prépare cette séquence en réfléchissant à son mode d’intervention, aux conditions matérielles de l’entretien et surtout en créant un milieu scolaire de classe et d’école riche et stimulant pour tous les élèves. Il permet ainsi à certains de trouver des motivations, des sollicitations, des idées pour intervenir lors de l’entretien” 1656 .

Notes
1641.

Pédagogie coopérative. L’entretien, document réalisé par les enseignants de l’école Célestin Freinet en 1990-91, distribué aux parents et nouveaux enseignants.

1642.

idem

1643.

Lettre qui dit en substance que: le terrain doit être dégagé à l’heure et que les élèves de Seignobos doivent respecter les horaires; la classe veut rencontrer les instituteurs de Seignobos; la classe veut rencontrer aussi les enfants pour leur parler de leur exposition sur Freinet.

1644.

Valence compte beaucoup d’Arméniens et dans la classe de CM1 observée, quatre enfants sont d’origine arménienne.

1645.

Offre ponctuelle de la municipalité, qui vise à inciter les jeunes à fréquenter ces lieux culturels.

1646.

Un jour à l’entretien, l’institutrice reprend une fille qui n’arrête pas de discuter avec sa copine: Je me demande bien ce que tu peux raconter, et je trouve que si tu veux dire quelque chose, il faut venir le dire à l’entretien, c’est l’occasion” .

1647.

Pédagogie coopérative. L'entretien, école C.Freinet, 1990/91

1648.

C’est parmi les configurations celle où l’expérience affective, personnelle nous parait le plus incitée à être exprimée.

1649.

quartier réputé difficile à Valence

1650.

fiches avec des questions-réponses sur différents thèmes, souvent d’ordre scolaire

1651.

Certains enfants peuvent venir rappeler des obligations par rapport au groupe d’enfants, mais sans qu’ils soient responsables (par exemple les filles viennent rappeler aux garçons qu’ils n’ont toujours pas apporté de propositions de costumes pour la danse de fin d’année).

1652.

Par exemple un jour, deux filles de CP interrompent l’entretien pour dire qu’elles ont besoin du faire-part pour leur conte: “La princesse va se marier et nous avons besoin d’un faire-part”. L’institutrice demande aux deux petites ce qu’est un faire-part, puis elle demande aux CM1 et enfin elle répond aux élèves de CP que sa classe va travailler sur les faire-parts <...>

1653.

“Sa régularité et sa place en début de journée sont importantes; elles donnent aux enfants un repère temporel et elles favorisent un lien naturel entre le vécu familial et scolaire” (Pédagogie coopérative. L'entretien, école C.Freinet 1990/91 )

1654.

Au CP, les enfants qui veulent intervenir à l’entretien viennent placer l’étiquette de leur prénom sur le banc proche du tableau.

1655.

Pédagogie coopérative. L'entretien , école C.Freinet, 1990/91

1656.

Pédagogie coopérative. L’entretien, école C.Freinet, 1990/91