Chapitre 2
L'institution des bibliothèques universitaires (1873-1898)

Introduction

Entre les premières années de la Troisième République et les dernières années du XIXe siècle, un ensemble de textes a défini l'organisation administrative, les modalités de financement et l'organisation technique des bibliothèques universitaires. Ces mesures ont été prises au cours d'une période de vingt-cinq ans, de 1873 à 1898, et se décomposent en plusieurs phases.

De 1873 à 1882, les bibliothèques universitaires (qui se sont appelées ainsi bien avant qu'il n'y eût officiellement des universités) ont été organisées dans le cadre alors existant des facultés isolées. Plusieurs mesures importantes de cette période se sont situées explicitement dans le prolongement de l'arrêté du 18 mars 1855, analysé au chapitre précédent, et dont le caractère fondateur se trouve ainsi confirmé.

La période 1885-1886 a vu l'application aux bibliothèques universitaires des modifications introduites dans l'organisation de l'enseignement supérieur, en particulier l'institution et la définition des attributions du conseil général des facultés, organe de coordination entre les facultés d'un même ressort académique, placé sous la présidence du recteur.

De 1893 à 1898, l'attribution de la personnalité civile aux ‘« corps formés par la réunion de plusieurs facultés de l'Etat dans un même ressort académique »’ et la loi qui a conféré à ces corps de facultés le nom d'universités ont conduit à des réaménagements de la réglementation applicable aux bibliothèques universitaires. 37

La première période de 1873 à 1882, en particulier les années de 1878 à 1882, a vu se développer une intense activité pour organiser administrativement, financièrement et techniquement les bibliothèques universitaires, et peut donc être considérée à bon droit comme une période fondatrice. 38

Notes
37.

Certains recueils de textes spécifiques aux bibliothèques ne couvrent que le début de la première des trois périodes définies ci-dessus. C'est notamment le cas du Recueil des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, circulaires, etc. concernant les bibliothèques publiques, communales, universitaires, scolaires et populaires publié par U. Robert (Paris, 1883) et des Documents relatifs aux bibliothèques universitaires ou des facultés, suivis de l'instruction générale concernant le service de ces bibliothèques (Paris, s.d. [1880]). Il est donc nécessaire de consulter les textes cités dans un recueil plus général, comme le Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur d'A. Marais de Beauchamp et A. Générès (Paris, 1880-1915, 7 vol.)

38.

Les mesures d'organisation administrative et technique ont été précédées par la publication d'un rapport sur les bibliothèques des universités allemandes, rédigé par Jules de Chantepie du Dézert, bibliothécaire de l'Ecole normale supérieure, dans le Bulletin administratif du ministère de l'instruction publique, nouvelle série, t. 17, n° 331, 1874, p. 250-263. Il s'agit d'un rapport de mission publié à la suite de la visite de cinq bibliothèques universitaires allemandes en 1873 : Rostock, Marburg, Königsberg, Leipzig et Göttingen. Sa conclusion en trois lignes en condense le contenu : « Pour résumer ce qui précède, argent, travail, autonomie, discipline, c'est ce qu'on voit dans les bibliothèques académiques d'Allemagne, et ce qui est la condition de leur prospérité ». Cette conclusion a été citée dans un livre de Jules Laude, bibliothécaire de la bibliothèque municipale et universitaire de Clermont, Les Bibliothèques universitaires allemandes et leur organisation (Paris, 1900), dans laquelle s'exprime aussi l'admiration des bibliothécaires français pour le modèle allemand des bibliothèques universitaires. Celles-ci ne semblent pourtant avoir constitué, dans les faits, qu'une référence assez lointaine pour l'organisation des bibliothèques universitaires françaises. L'écart constaté en 1873 entre les collections, les ressources et la qualité de l'organisation des bibliothèques universitaires des deux pays n'avait que faiblement été réduit vingt-cinq ans plus tard, cf. notes 36 et 37.