1. Les résistances à la création des bibliothèques universitaires

Précédemment, au cours de la période de 1855 à 1879, nous avons pu constater le peu d'empressement avec lequel les facultés avaient appliqué l'arrêté du 18 mars 1855 qui prescrivait de réunir en une seule bibliothèque les bibliothèques particulières des différentes facultés ayant leur siège au chef-lieu de l'académie. Ces réticences avaient eu pour effet que cinq bibliothèques académiques seulement avaient été constituées à partir de 1866, à Bordeaux, Grenoble, Lyon, Rennes et Strasbourg. A côté des quatre bibliothèques unifiées, en totalité ou en partie, qui subsistaient après l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne, on comptait encore en 1876 trente-huit bibliothèques de facultés placées sous l'autorité des doyens de ces facultés. 88

Par une décision spéciale, prise à la demande de la faculté de médecine de Montpellier, la bibliothèque de cette faculté avait été dispensée, en raison de son importance exceptionnelle, de l'application de cette mesure d'unification. Enfin une conception restrictive de l'unification des bibliothèques des facultés avait prévalu, selon laquelle cette unification administrative, qui avait pour conséquence le passage de la bibliothèque sous l'autorité du recteur, n'avait été appliquée que là où il avait été matériellement possible de réunir plusieurs bibliothèques dans un même local. Ces lenteurs et ces réticences peuvent, dans certains cas, s'expliquer par des difficultés matérielles ; mais elles traduisent aussi certainement, de la part de certains doyens et professeurs des facultés, une opposition à ces mesures d'unification.

A partir de l'arrêté du 23 août 1879 portant règlement pour les bibliothèques universitaires, le changement d’organisation administrative fut complet puisque toutes les bibliothèques, unifiées ou isolées, furent placées sous l'autorité des recteurs et échappèrent donc à celle des facultés. Le caractère général de cette mesure avait mis fin aux différences de régime que le gouvernement avait laissé subsister jusqu'alors en dépit de sa volonté de poursuivre dans la voie de l'unification des bibliothèques. Cela plaçait les facultés devant une situation nouvelle, à laquelle certaines d'entre elles ont d'abord réagi en tentant de faire modifier la nouvelle réglementation.

Les tentatives de modification de la réglementation relative aux bibliothèques universitaires se sont déroulées en deux phases, en 1884-1885 et en 1897. Au cours de l'année 1884, des oppositions à la structure mise en place en 1879, et surtout à la perte de contrôle des facultés sur les bibliothèques, se sont manifestées dans le cadre des réponses de certaines facultés à l'enquête diligentée par le gouvernement pour connaître leur position quant à la perspective de constituer des universités régionales. En 1885, ces oppositions sont réapparues au Conseil supérieur de l'instruction publique à l'occasion de l'examen du projet de décret du 28 décembre 1885 relatif à l'organisation des facultés et des écoles d'enseignement supérieur. Une fin de non recevoir assez ferme ayant été opposée par le gouvernement à ces tentatives, une question liée au financement des bibliothèques universitaires et à la répartition du produit du droit de bibliothèque entre les facultés resurgit douze ans plus tard, en 1897, au moment de l'examen du projet de décret du 21 juillet 1897 portant règlement pour les conseils des universités.

Notes
88.

Statistique de l'enseignement supérieur, 1876-1878 (Paris, 1878), p. 617-639.