3. Evolution générale de l’enseignement supérieur et des bibliothèques universitaires

A. L’enseignement supérieur

De 1898 à 1914, le nombre des étudiants a crû assez régulièrement, passant de 28.543 au 15 janvier 1898 à 42.037 au 15 janvier 1914. La moyenne de la croissance annuelle s'est élevée à 793 ; elle a donc été moins rapide que de 1890 à 1898, période pendant laquelle elle avait été de 1.330. 148

A partir de 1900, les statistiques indiquent le nombre des étudiantes, qui a évolué de 965 en 1900 (3,3 pour cent de l'effectif global) à 4.254 en 1914 (10,1 pour cent de l'effectif global). Les effectifs par facultés ont évolué comme suit (tableau 3 A).

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Tableau 3 ARépartition des étudiants par facultés de 1898 à 1914
[Note: SOURCE : Annuaire statistique de la France, t. 66, nouvelle série, n° 8, rétrospectif (Paris, 1961), p. 67.]

Les étudiants en droit sont devenus plus nombreux que les étudiants en médecine et en pharmacie à partir de 1905. Les effectifs des facultés des sciences et des lettres se situaient loin derrière ceux des facultés professionnelles, mais progressaient régulièrement. La guerre de 1914-1918 interrompit évidemment la progression des effectifs, surtout celle des effectifs masculins qui passèrent de 37.783 en janvier 1914 à 8.585 en juillet 1915 et ne recommencèrent à augmenter que lentement. Mais les effectifs de juillet 1920 ont été supérieurs à ceux de 1914, et la croissance du nombre des étudiants a repris après la fin des hostilités.

Ces évolutions quantitatives ont été accompagnées d'une diversification des enseignements universitaires. Les grades (diplômes officiels) délivrés par les facultés se sont spécialisés. En lettres, depuis 1880, la licence comprenait des épreuves communes et des épreuves spéciales de trois ordres : lettres, philosophie et histoire. Un quatrième ordre d'épreuves fut introduit en 1885 pour les langues vivantes (allemand et anglais). Le choix des langues fut étendu à l'espagnol et à l'italien en 1894, mais toutes les facultés ne préparaient pas à toutes les licences de langues vivantes ; elles étaient spécialisées en fonction d'affinités régionales, l'italien à Grenoble et l'espagnol à Toulouse et Bordeaux, par exemple. Enfin les licences ès lettres furent organisées en quatre « séries » en 1907 : philosophie, histoire et géographie, langues et littératures classiques, langues et littératures étrangères vivantes. 149

En sciences, depuis 1877, la licence était organisée en trois mentions : sciences mathématiques, sciences physiques et sciences naturelles. En 1896 ont été institués des certificats d'études supérieures qui donnaient aux cursus davantage de souplesse, en augmentant les possibilités de combinaisons de certificats différents. Il fallait obtenir trois certificats pour être licencié. 150

Les études de droit et de médecine étaient organisées par années : trois pour obtenir la licence en droit et quatre pour le doctorat en médecine. 151

La possibilité donnée aux universités en 1897 d'instituer des « titres d'ordre exclusivement scientifique » (diplômes propres), qui ne conféraient pas les droits des diplômes officiels et ne pouvaient être déclarés équivalents à ceux-ci, a aussi été un élement de diversification des enseignements universitaires. Ces diplômes étaient créés par délibération des conseils des universités, qui devaient être approuvées par arrêté ministériel après avis du Conseil supérieur de l'instruction publique. Ils ont pris une grande extension puisque plus de cent ont été créés de 1898 à 1909 : ce sont des doctorats d'université, parmi lesquels des doctorats nouveaux (en sciences économiques à Lille, par exemple), des diplômes d'ingénieur (ingénieur papetier à Grenoble, ingénieur chimiste à Toulouse, Montpellier et Bordeaux), des diplômes sanctionnant des études qui ne correspondaient pas à des cursus officiels (études russes à Lille et à Dijon, études chinoises à Lyon), ou encore des certificats d'études françaises pour les étudiants étrangers et, à Lyon, un certificat d'études supérieures pour jeunes filles. 152

Notes
148.

Annuaire statistique de la France, t. 66, nouvelle série, n° 8, rétrospectif (Paris, 1961), p. 67 ; M.-R. Mouton, « L'Enseignement supérieur en France de 1890 à nos jours, étude statistique » dans La Scolarisation en France depuis un siècle, colloque tenu à Grenoble en mai 1968 (Paris ; La Haye, 1974), p. 178-183. Les nombres cités comprennent les étudiants des écoles de plein exercice de médecine et de pharmacie et des écoles préparatoires (médecine-pharmacie, sciences et lettres), que les statistiques ne permettent pas de distinguer à partir de 1900.

149.

Décret du 25 décembre 1880 portant modification des épreuves de la licence ès lettres, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 3, p. 525-534 ; décret du 28 juillet 1885 instituant pour les langues vivantes un quatrième ordre d'épreuves à la licence ès lettres, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 4, p. 118-120 ; décret du 31 décembre 1894 relatif à la licence ès lettres dans Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 5, p. 434-437 ; décret du 8 juillet 1907 relatif à la licence ès lettres, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 6, p. 1007-1011 ; A. Prost, Histoire de l'enseignement en France, 1800-1967 (Paris, 1968), p. 232-233.

150.

Décret du 15 juillet 1877 déterminant les conditions d'étude pour l'obtention des grades de licencié et de docteur dans les facultés des sciences, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 3, p. 157-159 ; décret du 28 juillet 1885 relatif à la licence ès sciences, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 4, p. 114-118 ; décret du 22 janvier 1896 sur la licence ès sciences, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 5, p. 558-562.

151.

Décret du 30 avril 1895 sur la licence en droit, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 5, p. 477-480 ; décret du 31 juillet 1893 portant réorganisation des études médicales, ibid., p. 284-286.

152.

Décret du 21 juillet 1897 portant règlement pour les conseils des universités (art. 15), Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 5, p. 694-699 ; Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, op. cit., t. 6, passim et table, s.v. « Titres universitaires », p. 1370-1384.