2. L’enseignement supérieur et la recherche publique

A. Aspects de l’évolution de l’enseignement supérieur

I. Organisation générale

L’organisation administrative des universités a connu peu de changements notables par rapport aux structures mises en place de 1885 à 1898.

L’une de ces réformes, instituée par décret du 14 mai 1920, a autorisé les écoles supérieures de pharmacie de Paris, Montpellier, Nancy et Strasbourg à prendre le titre de facultés de pharmacie. Ce changement d’appellation a officialisé l’identité des fonctions, de l’organisation administrative et de la composition du personnel des écoles supérieures de pharmacie par rapport à celles des facultés. Il était aussi motivé par le fait que des facultés mixtes de médecine et de pharmacie avaient été créées à Bordeaux, Lyon, Lille et Toulouse, ce qui pouvait laisser penser que ces facultés mixtes dispensaient un enseignement d’un niveau supérieur à celui des écoles. 165

D’une plus grande portée a été la réforme introduite dans l’organisation des universités par le décret du 31 juillet 1920 relatif à la constitution des universités. Ce décret a défini un ressort universitaire, dont les limites coïncidaient avec celles de l’académie. Cette mesure, conçue pour affirmer l’importance du rôle régional des universités, a eu aussi pour effet qu’il ne pouvait pas exister plus d’une université par académie ; cette disposition est restée en vigueur jusqu’en 1968. Le décret du 31 juillet 1920 a rattaché à l’université tous les établissements publics d’enseignement supérieur et les services scientifiques situés dans le ressort de l’université, quelle que fût l’origine de leur financement. En conséquence, les écoles de médecine et de pharmacie et les écoles supérieures des sciences et des lettres, dont le financement était d’origine municipale et qui étaient fréquemment situées hors de la ville siège de l’université, furent rattachées à celle-ci. Ce rattachement a eu essentiellement une valeur institutionnelle, scientifique et pédagogique, en permettant la représentation de ces écoles au conseil de l’université. Une autre mesure a prévu, pour représenter les « grands intérêts de la région », la présence de personnalités extérieures au conseil de l’université. Mais la réforme la plus importante pour notre propos a été celle qui a officialisé la possibilité de créer des instituts de faculté et des instituts d’université. Cette possibilité avait en fait déjà été utilisée par les universités, mais le ministre André Honnorat souhaitait qu’elles en fissent un usage plus fréquent. Ces instituts avaient principalement pour but de conduire des recherches scientifiques et de concevoir des applications pratiques. Ils répondaient donc plus particulièrement à la vocation des facultés des sciences. Les instituts de faculté pouvaient être créés par délibération du conseil de l’université, sur proposition d’une faculté ; cette création devait être approuvée par le ministre. Les instituts d’université pouvaient être créés sur proposition d’une ou de plusieurs facultés. Leur autonomie était plus grande, puisqu’ils disposaient d’un budget spécial et d’une gestion propre, « comme la bibliothèque universitaire ou un observatoire d’université ». Les deux catégories d’instituts pouvaient être dotées d’un conseil d’administration ou de perfectionnement, dans lequel pouvaient siéger des personnalités extérieures. En application de la nouvelle réglementation, les universités étaient invitées à revoir la situation des instituts existants pour les ramener à l’un des deux types prévus par le décret, ce qui montre que des instituts de nature diverse avaient été créés antérieurement à la réforme qui leur donnait une existence officielle.

‘« On prodigue volontiers le nom d’institut. Il s’agit désormais d’en limiter l’usage à des cas précis. Il peut être créé dans les formes régulières deux sortes d’instituts, les instituts de faculté et les instituts d’université. L’institut de faculté est la forme normale : il est exactement et entièrement une partie de la faculté ; c’est une installation ou un groupement intérieur, et la gestion administrative et financière se confond en droit avec celle de la faculté... L’institut d’université a une forme moins dépendante à certains égards... ...l’institut d’université aura sa gestion propre comme la bibliothèque universitaire ou un observatoire d’université. Il aura son conseil particulier. Le budget et le compte administratif seront à part du budget et du compte de la faculté. » 166

L’organisation officielle des universités avait jusqu’alors été la division en facultés ; celles-ci étaient elles-mêmes subdivisées en chaires. Mais l’existence d’instituts dédiés à des activités scientifiques et techniques était déjà une réalité que le décret du 31 juillet 1920 n’avait fait qu’officialiser. Telle était, en particulier, l’opinion de Louis Barbillion, directeur de l’institut polytechnique de Grenoble, qui fonctionnait depuis 1898-1899 et avait été inauguré en 1901. 167

Les ambitions principales du décret du 31 juillet 1920 semblent avoir été de réunir dans une structure commune l’université et les différents établissements d’enseignement supérieur qui fonctionnaient dans chaque académie ; d’ouvrir le conseil de l’université à des personnalités extérieures représentant des intérêts régionaux, en particulier économiques ; et d’assouplir le cadre rigide des facultés en encourageant la création d’instituts. Cette dernière disposition a fourni le cadre administratif dans lequel ont été créés les instituts d’études politiques en 1945 et les instituts universitaires de technologie en 1966. Cette ambition générale de décloisonnement répondait certainement à un besoin, mais n’a sans doute pas obtenu tous les effets qui en étaient attendus. Une autre disposition du décret du 31 juillet 1920 est relative aux bibliothèque universitaires ; elle est analysée dans la suite de ce chapitre.

Notes
165.

Décret du 14 mai 1920 substituant à la dénomination d’écoles supérieures de pharmacie celle de facultés de pharmacie, Bulletin administratif du ministère de l’instruction publique, n° 2426, 29 mai 1920 ; Statut du personnel enseignant et scientifique de l’enseignement supérieur, op. cit., p. 391 ; G. Dillemann, « Les Etablissements d’enseignement pharmaceutique de 1803 à 1994 », Annales pharmaceutiques françaises, t. 53, n° 1, 1995, p. 4.

166.

Décret du 31 juillet 1920 relatif à la constitution des universités et Rapport du 23 juillet 1920 au Président de la République française, Bulletin administratif du ministère de l’instruction publique, n° 2440, 4 septembre 1920 ; circulaire du 10 août 1920 relative à l’exécution du décret du 31 juillet 1920 sur la constitution des universités, ibid. ; Statut du personnel enseignant et scientifique de l’enseignement supérieur, op. cit., p. 393-396.

167.

L. Barbillion, « L’Institut polytechnique de l’université de Grenoble, 1898-1919 », Revue internationale de l’enseignement, t. 74, 1920, p. 195-205 ; L. Barbillion, « Les Instituts d’université et le décret du 31 juillet 1920 », Revue internationale de l’enseignement, t. 75, 1921, p. 175-181.