II. Evolution des effectifs universitaires

De 1920 à 1939, le nombre des étudiants a évolué globalement de 45.100 à près de 79.000, soit un accroissement de 33.900 en dix-neuf ans, ou de 1.780 par an en moyenne. Pour cette période, l’augmentation a donc été de 75 pour cent, augmentation assez forte pour justifier l’expression de « crise de croissance » qui a été employée par plusieurs contemporains. Cette progression moyenne recouvre des évolutions différenciées. De 1920 à 1925, la croissance a été, en rythme annuel, de 1.600 environ, correspondant, pour les étudiants masculins, à celle d’avant 1914. De 1925 à 1934, la croissance a été rapide, près de 3.800 par an environ, malgré les débuts de la crise économique en France. A partir de 1935, les effectifs ont diminué : on est passé de 87.200, nombre maximum atteint en 1934, à 79.000 en 1939, soit une baisse de 8.200 en cinq ans, ou de 1.640 par an en moyenne. Le maximum de 1934 ne devait être atteint à nouveau qu’en 1942.

La diminution du nombre des étudiants à partir de 1935 a été due principalement au phénomène des classes creuses nées entre 1915 et 1919, car elle a été accompagnée par l’augmentation du taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur : le nombre d’étudiants par rapport à la population scolarisable de vingt à vingt-quatre ans est en effet passé de 164 pour 10.000 en 1921 à 249 pour 10.000 en 1936. 168

La féminisation de l’enseignement supérieur universitaire s’est fortement accrue. Il y avait en 1920 un peu plus de 13 pour cent d’étudiantes ; cette proportion est passée à près de 24 pour cent en 1929, et à plus de 30 pour cent en 1939. Les facultés les plus féminisées étaient celles des lettres et de pharmacie. La répartition des étudiants entre les facultés montre que les facultés les plus fréquentées étaient celles de droit et de médecine, dont les effectifs cumulés représentaient près de 60 pour cent de la population étudiante totale en 1920, mais un peu moins de 50 pour cent en 1929 et en 1939 (tableau 4 A). 169

message URL FIG009.gif
Tableau 4 ANombre d’étudiants par facultés
[Note: SOURCE : Annuaire statistique de la France, t. 66, nouvelle série, n° 8, rétrospectif (Paris, 1961), p. 67.]

L’université de Paris concentrait alors environ 40 pour cent des étudiants inscrits à l’université, soit entre 20.000 et 32.000 étudiants entre 1920 et 1939. Les universités de province les plus importantes accueillaient alors de 4.000 à 5.000 étudiants ; les plus petites en réunissaient moins de mille. On ne dispose pas d’indications précises sur le nombre des étudiants qui fréquentaient les bibliothèques universitaires. Selon l’opinion de certains professionnels, la pauvreté des bibliothèques universitaires de province était l’une des raisons qui incitaient de nombreux étudiants à poursuivre des études universitaires à Paris plutôt que dans leur ville d’origine. 170

Les événements de l’année 1940 ont perturbé fortement les effectifs universitaires, surtout masculins, mais la croissance a repris en 1941 et 1942 ; le nombre des étudiants a dépassé 100.000 en 1943, puis est revenu entre 90.000 et 100.000 en 1944 et 1945. Les étudiantes représentaient alors 35 pour cent de la population étudiante totale (tableau 4 B).

message URL FIG010.gif
Tableau 4 BNombre d’étudiants et taux de féminisation
[Note: SOURCE : Annuaire statistique de la France, t. 66, nouvelle série, n° 8, rétrospectif (Paris, 1961), p. 67.]

Notes
168.

M.-R. Mouton, « L’Enseignement supérieur en France de 1890 à nos jours, étude statistique » dans La Scolarisation en France depuis un siècle, colloque tenu à Grenoble en mai 1968 (Paris ; La Haye, 1974), p. 183-185 ; données chiffrées extraites de l’Annuaire statistique de la France, t. 66, nouvelle série, n° 8, rétrospectif (Paris, 1961), p. 67.

169.

Données sur la population étudiante féminine dans M.-R. Mouton, « L’Enseignement supérieur en France de 1890 à nos jours, étude statistique », op. cit., p. 180-182.

170.

Les statistiques sur la population étudiante des années 1930 à 1937 publiées dans L. Febvre, « L’Enseignement supérieur » dans Encyclopédie française, t. 15 Education et instruction dirigé par C. Bouglé (Paris, 1939), p. 15’08.12 font apparaître un pourcentage d’étudiants à l’université de Paris supérieur à 40 pour cent (maximum de 44,1 pour cent en 1936).