II. Les journées d’étude organisées par la bibliothèque de l’université de Liège en 1949

Les journées d’étude organisées par la bibliothèque de l’université de Liège en octobre 1949 ont fait une large place à la question de la collaboration entre bibliothèques universitaires « centrales » et bibliothèques d’instituts. Un exposé de Germain Calmette a examiné la part respective que ces deux catégories de bibliothèques devaient prendre dans la collecte et la diffusion de documents spécialisés. Refusant la conception selon laquelle il appartiendrait aux bibliothèques spécialisées des instituts de constituer des collections de documents spécialisés, et à la bibliothèque universitaire de se cantonner aux généralités, aux ouvrages de grande synthèse et de vulgarisation, il défendait une idée du rôle de la bibliothèque centrale comme le point de rencontre et de recoupement de toutes les disciplines, alors que par leur nature même et par leur multiplicité, les bibliothèques d’instituts ne pouvaient présenter qu’une image morcelée du savoir. Ce qui caractérisait principalement les bibliothèques d’instituts, d’après G. Calmette, c’étaient les limites que comportaient la définition de leur spécialité et la quantité des documents qu’elles pouvaient gérer. Ces limites leur permettaient de jouer un rôle utile, qui ne dépassait pas celui d’un appoint de la bibliothèque centrale. Si elles s’étaient développées au-delà des limites normales d’une bibliothèque d’institut, elles auraient eu vocation à se transformer en une section spécialisée de la bibliothèque universitaire. Constatant, en France, l’absence de toute référence aux bibliothèques d’instituts dans des textes réglementaires (à l’exception de la circulaire du 10 janvier 1923 relative aux bibliothèques de laboratoires et à leurs relations avec les bibliothèques universitaires), il en concluait que ces bibliothèques n’avaient jamais été mises sur le même pied que les bibliothèques universitaires.

Seuls quelques rares instituts recevaient directement des subventions de l’Etat, et parmi ceux-ci aucun ne bénéficiait d’une dotation spécifique pour sa bibliothèque. Une disposition réglementaire avait stipulé que les bibliothèques des instituts faisaient partie de la bibliothèque universitaire de Paris (décret du 30 mars 1930), mais cette disposition, d’ailleurs reprise dans le décret du 9 novembre 1946, était restée une simple clause de style. L’université de Strasbourg, avec vingt-trois bibliothèques d’instituts totalisant 110.000 volumes, constituait un cas particulier. Mais selon les règles en vigueur dans les universités allemandes, dont l’organisation de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg s’était inspirée, les documents de ces bibliothèques d’instituts se trouvaient aussi fréquemment à la bibliothèque centrale. A date récente, cependant, de nombreux périodiques que les bibliothèques d’instituts avaient cessé de recevoir avaient été repris par la bibliothèque centrale. En conclusion, G. Calmette estimait que même dans les universités françaises où les bibliothèques d’instituts avaient connu le plus grand développement, celui-ci n’avait pas empêché la bibliothèque universitaire centrale de constituer des collections spécialisées. Selon ses propres termes, un partage s’opérait tout naturellement entre ces deux catégories de bibliothèques, la bibliothèque universitaire centrale pouvant, dans certains cas, limiter ses acquisitions à l’essentiel dans un domaine déterminé si elle avait la certitude que les acquisitions faites par un institut spécialisé venaient compléter les siennes. Le double dispositif des bibliothèques des universités aurait donc tendu de lui-même à la complémentarité, même en l’absence de mesures de coordination. Ce point de vue nous semble aussi un témoignage du fait que les bibliothécaires de la fin des années 1940 ne considéraient pas comme une anomalie l’existence dans les universités de bibliothèques répondant à des principes d’organisation différents de ceux sur lesquels avaient été fondées les bibliothèques universitaires. 296

Les journées d’étude organisées par la bibliothèque de l’université de Liège en 1949 avaient aussi permis d’énoncer quelques principes généraux d’organisation, favorables à la concentration des opérations techniques (acquisitions, enregistrement, catalogage, indexation...) dans les bibliothèques universitaires. Par exemple, ‘« Partout où l’économie et l’efficacité l’exigent, le bibliothécaire devrait instaurer des politiques de centralisation des opérations techniques et autres »’, ou encore ‘« La commande, l’acquisition, le catalogage et l’indexation des livres devraient être centralisés, d’abord pour assurer l’uniformité, et cette nécessité est reconnue dans la plupart des bibliothèques d’universités et de collèges universitaires. » 297

Notes
296.

G. Calmette, « Bibliothèques universitaires et bibliothèques d’instituts » dans Les problèmes de la documentation dans les bibliothèques universitaires, journées d’étude organisées par la bibliothèque de l’université de Liège, 24-27 octobre 1949, op. cit., p. 75-80.

297.

Citations extraites de L. R. Wilson, M. F. Tauber, The University library (Chicago, 1945), p. 137, et J. L. Thornton, Special library methods, an introduction to special librarianship (London, 1940), p. 28 ; auteurs cités par A. Kessen, « Les Rapports entre la bibliothèque centrale universitaire et les bibliothèques d’instituts » dans Les Problèmes de la documentation dans les bibliothèques universitaires, journées d’étude organisées par la bibliothèque de l’université de Liège, 24-27 octobre 1949, op. cit., p. 120-121 ; traduit par moi.