1. La politique des constructions

Les constructions de bibliothèques universitaires ont constitué la base matérielle du modèle d’organisation déconcentré qui s’est substitué progressivement d’abord, puis massivement à partir des années 1960, au précédent modèle d’organisation unitaire ou concentré.

A. La situation en 1955

Le nombre de sites des quinze bibliothèques universitaires de province à la fin des années 1950 est connu par une liste d’adresses annexée à l’Introduction à une visite des bibliothèques françaises et par un article de Paul Poindron sur les bibliothèques dans l’Encyclopédie pratique de l’éducation en France. Sept de ces bibliothèques, contre neuf en 1949, étaient alors installées sur un seul site, et perpétuaient le modèle classique de la bibliothèque universitaire encyclopédique. Ce sont celles de Besançon, Caen, Dijon, Grenoble, Poitiers, Rennes et Strasbourg. D’autres bibliothèques comportaient deux implantations, le plus souvent en raison de l’existence d’une section médecine : Clermont-Ferrand, Lille, Lyon, Montpellier, Nancy et Toulouse. Dans cette dernière ville, la bibliothèque universitaire comprenait une bibliothèque centrale et droit-lettres et une section médecine-sciences. Il y avait trois implantations à Bordeaux (bibliothèque centrale et droit-lettres, section droit et section médecine-pharmacie), et à Aix-Marseille (bibliothèque centrale et droit-lettres à Aix, section médecine-pharmacie et section sciences à Marseille). Au total, on comptait donc vingt-cinq implantations pour quinze bibliothèques universitaires. 313

Les descriptions de ces différentes formes d’implantation ont distingué la bibliothèque centrale de la ou des sections qui lui étaient rattachées. Cependant, cette distinction n’était pas exprimée dans une terminologie constante. Ainsi, P. Poindron a indiqué qu’en province, la bibliothèque universitaire « se divise parfois en sections » ; chacune des implantations de la bibliothèque correspondrait donc à une section. Mais dans le cas d’Aix-Marseille, ont été distinguées la bibliothèque centrale d’Aix, qui ‘« vient d’être installée au bénéfice des étudiants de lettres et de droit dans de nouveaux locaux »’ et les sections situées à Marseille. A Toulouse, il a été fait mention d’une « section centrale » et d’une section médecine-sciences, alors que Bordeaux était constituée d’une « centrale » et de deux sections. Ces hésitations de vocabulaire témoignent d’une difficulté d’analyse dès cette époque, où le nombre des sites était encore limité. Ces difficultés tenaient à la définition de la notion de section. Etait-ce seulement une notion physique, correspondant à chacune des implantations de la bibliothèque ? La « centrale », où se trouvaient réunis les services de direction et d’administration, aurait alors dû être considérée comme une section parmi d’autres. Etait-ce plutôt une bibliothèque dédiée au service des utilisateurs d’une ou de plusieurs facultés ? On aurait alors été conduit à distinguer la bibliothèque centrale et les sections. Cependant, les services centraux de la bibliothèque partagaient toujours le même bâtiment qu’une section. Etaient-ils pour cela assimilables à la section dont ils partageaient les locaux ? Ces difficultés sont comparables à celles qui avaient été rencontrées dans les années 1870 pour distinguer une service unique (la bibliothèque universitaire) et la pluralité des sites sur lesquels ce service pouvait être implanté. Dans les années 1950, la notion de bibliothèque centrale pouvait être interprétée dans certaines villes comme la bibliothèque encyclopédique primitive, dont s’étaient séparées ensuite des bibliothèques spécialisées. Mais dans les villes où la pluralité des sites était ancienne (Aix-Marseille ou Bordeaux, par exemple), cette analyse historique n’était pas pertinente. Il aurait donc fallu lui substituer une analyse fondée sur les fonctions des différents sites, mais celle-ci n’a jamais été tentée. Il est probable que cette difficulté conceptuelle non résolue, et rarement identifiée, a joué un rôle dans certaines analyses présentées au début des années 1960, selon lesquelles une bibliothèque universitaire était constituée par un ensemble de sections, remplissant des fonctions identiques à l’intention de publics différents. 314

Notes
313.

Introduction à une visite des bibliothèques françaises, 2e éd. revue et mise à jour (Paris, 1958 ; 1ère édition 1955), « Annexe » ; P. Poindron, « La Lecture et les bibliothèques » dans Encyclopédie pratique de l’éducation en France (Paris, 1960), p. 1051.

314.

P. Poindron, « La Lecture et les bibliothèques », op. cit., p. 1051.