1. Caractères généraux du modèle d’organisation déconcentré

Le modèle d’organisation déconcentré se caractérise par :

  • La division des bibliothèques universitaires en sections placées auprès d’une ou, dans certains cas, de deux facultés (sections droit-lettres) ;

  • La déconcentration, au niveau de chacune des sections, des collections, de toutes les fonctions de service au public et de toutes les fonctions bibliothéconomiques de caractère technique ou interne ;

  • Le maintien de la concentration d’un nombre limité de fonctions : celles de direction générale de la bibliothèque et d’administration générale (personnel et finances) ; de rares fonctions bibliothéconomiques communes (catalogues collectifs) ; quelques services de caractère technique (ateliers d’impression ou de reliure) ; d’autres services fonctionnels (formation et documentation professionnelles).

Afin de prévenir des confusions qui ont quelquefois été entretenues par un vocabulaire ambigu, il est nécessaire de préciser le sens dans lequel est employée, dans la description des structures des bibliothèques universitaires déconcentrées, l’expression « services techniques ». Celle-ci désigne les services bibliothéconomiques chargés des fonctions internes d’acquisition et de traitement des documents, par opposition aux services en relation avec le public ; cet usage correspond à celui de l’anglais technical services ; il n’a pas de rapport avec le « service technique » (c’est-à-dire bibliothéconomique) de la direction des bibliothèques, ni avec le service portant le même nom que certains directeurs de bibliothèque universitaire ont institué pour exploiter la documentation professionnelle (par exemple à Lyon) ; cette expression n’est pas employée non plus pour désigner des ateliers. 408

Cette première description permet de constater que les sections ne fonctionnent véritablement en réseau que sur le plan de la direction générale et de l’administration, et, le cas échéant, pour des prestations assurées par des ateliers ; que les collections sont totalement déconcentrées en fonction du contenu des documents ; et que le fonctionnement bibliothéconomique est lui aussi presque entièrement déconcentré au niveau de chaque section, à l’exception du lien ténu que constitue la coopération en vue de la constitution de catalogues collectifs. A cette réserve près, il n’existe pas de lien, sur le plan bibliothéconomique, entre une section et la bibliothèque centrale, ni entre sections différentes. Chaque section constitue donc une bibliothèque complète, caractérisée par une organisation relativement uniforme, tendant à assurer des fonctions identiques à l’intention de publics différents. On peut constater en outre qu’il n’existe pas de lien organique entre une faculté et la section qui la dessert, en raison de l’option consistant à préserver l’unité institutionnelle des bibliothèques universitaires.

Dans un article de 1973, A. Daumas présentait ainsi les bibliothèques universitaires déconcentrées à la suite des réformes de 1961-1962 :

‘« D’ordinaire la bibliothèque universitaire, service commun de cette université, comprend du moins en province trois, quatre ou, plus rarement, cinq sections localisées sur les différents campus...

Dans chaque section de la bibliothèque universitaire type dont il est question, on trouve : 1° des services intérieurs : service des commandes, service des entrées (enregistrement) et du catalogage... ; service des publications en série ; service de la reliure... ; service des thèses... ; service des échanges de publications de l’université et des doubles... ; service de manutention, où les ouvrages sont équipés... et où sont faits sur les machines offset ou des appareils de multigraphie les tirages de fiches, listes, circulaires, etc. ; 2° des services publics : bureau des inscriptions et renseignements, salles de lecture des premier et deuxième niveaux, pour la consultation sur place ; service du prêt à domicile ; service du prêt inter-bibliothèques ; service de photocopie... ; salle des catalogues et bibliographies... » 409

Le schéma qui a été inclus dans le texte de la communication de P. Poindron au colloque international de Liège sur les bibliothèques universitaires fait bien apparaître l’état de dispersion correspondant à cette conception des bibliothèques universitaires. Sous la rubrique « bibliothèque universitaire » sont en effet citées les sections possibles (lettres, droit, sciences, médecine, collèges universitaires), sans mention de la bibliothèque centrale et, bien sûr, sans indication de l’existence de services communs aux différentes sections. La description littérale de cette organisation par P. Poindron était la suivante :

‘« La bibliothèque universitaire peut comprendre plusieurs sections, situées dans des bâtiments séparés et fort éloignés les uns des autres, même quelquefois dans une autre ville... [A Aix-Marseille] la faculté des lettres et de droit étant à Aix, la section lettres et la section droit sont à Aix ; mais la faculté des sciences étant à Marseille, ainsi [que] la faculté de médecine, les sections sciences et les sections de médecine sont à Marseille ; il y aura d’ailleurs 3 sections de sciences à Marseille, car il y aura 3 facultés de sciences à Marseille. » 410

Nous nous proposons d’examiner en détail ce modèle d’organisation en ce qui concerne les collections et l’organisation des services.

Notes
408.

L’existence d’un « service technique », dont le rôle était défini comme celui d’un bureau d’étude, à la bibliothèque universitaire de Lyon, a été mentionnée dans l’article de J.-L. Rocher, « La Bibliothèque universitaire de Lyon-La Doua après cinq années de fonctionnement », op. cit., p. 568.

409.

A. Daumas, « Les Bibliothèques universitaires », op. cit., p. 325-326.

410.

P. Poindron, « Les Bibliothèques universitaires françaises et la politique de la direction des bibliothèques », op. cit., p. 51-52 ; souligné par moi. Dans la suite de son exposé, P. Poindron indiquait que les facultés d’une même université se trouvaient quelquefois dispersées en des points différents d’une même agglomération universitaire, et présentait cette situation comme l’explication de la division de la bibliothèque universitaire en autant de sections que de facultés. Mais cette présentation ne tenait pas compte du fait que des facultés différentes ont parfois été implantées sur le même campus, par exemple à Bordeaux (Talence et Pessac), Dijon (Montmuzard) ou Grenoble (Saint Martin d’Hères).