Le partage des collections entre les sections accroissait aussi les besoins d’acquisitions supplémentaires, en révélant la pauvreté de collections réduites aux documents concernant une seule faculté. Cette pauvreté était particulièrement visible dans le cas des collections scientifiques. Elle s’expliquait par le fait que les utilisateurs enseignants et chercheurs des facultés des sciences avaient depuis longtemps, semble-t-il, renoncé à chercher dans les bibliothèques universitaires la satisfaction de leurs besoins documentaires et préféraient recourir aux bibliothèques spécialisées de leurs instituts et de leurs laboratoires. Privés des demandes d’acquisition qui auraient pu leur être présentées par ces utilisateurs, les bibliothécaires n’avaient pas pris d’initiatives en matière d’achat de documents dans des domaines qu’ils ne connaissaient généralement pas, et s’étaient contentés de poursuivre les abonnements et les collections existantes. Ce ne sont donc, dans le cas des universités anciennes, que quelques dizaines de milliers de volumes qui durent être transférés dans les nouvelles sections scientifiques. Celles-ci, dont la superficie était importante, présentaient alors souvent l’aspect de bâtiments où les salles de lecture étaient équipées de rayonnages presque vides. Dans le cas des sections placées auprès des facultés nouvelles, tout était à constituer. La nécessité apparut donc rapidement d’apporter aux bibliothécaires de ces sections une aide au choix des documents à acquérir pour constituer les collections de base indispensables. On estimait alors couramment que les trois quarts des documents devaient être communs à toutes les sections de même nature. 421
Cette homogénéité supposée des collections de toutes les sections scientifiques rendait rationnelle l’idée de diffuser, à partir d’un service central, des listes d’acquisitions conseillées. Cette méthode avait d’ailleurs été employée pour la constitution des bibliothèques des collèges scientifiques universitaires à la fin des années 1950. Elle fut donc reprise au début des années 1960 et conduisit à la création du service d’information bibliographique en 1962. 422
Tout en s’opposant, dans une certaine mesure, à l’initiative que l’on attendait des bibliothécaires sur le plan scientifique et à la différenciation des collections en fonction des enseignements et des recherches dans chaque université, cette mesure permettait néanmoins d’assurer un niveau d’acquisitions minimal. L’envoi des listes était accompagné de jeux de fiches de catalogues correspondant aux titres cités, ce qui répondait plus à un besoin d’information bibliographique qu’à celui de la centralisation du catalogage au niveau national.
« ...lors de la création de toutes ces nouvelles sections, même quand elles sont le résultat de l’éclatement d’une bibliothèque centrale encyclopédique, on verra apparaître des lacunes considérables. » « Journées d’étude des bibliothèques universitaires (30 novembre-1er décembre 1961), op. cit., p. 71 (intervention de P. Lelièvre). « Quand il s’agit de transférer une bibliothèque dans un autre bâtiment, il y a quelquefois des problèmes d’ajustement, de complément de fonds car quand une bibliothèque est transférée, ses lacunes deviennent plus apparentes. » P. Poindron, « Les Bibliothèques universitaires françaises et la politique de la direction des bibliothèques », op. cit., p. 55. A Lyon, à l’occasion du transfert des collections de sciences dans le nouveau bâtiment construit à La Doua, le bibliothécaire en chef avait évalué à 26.000 le nombre des monographies à transférer. En ajoutant les thèses et les collections de périodiques, on arrivait à un total de 2.768 mètres linéaires, soit environ 80.000 volumes. « Journées d’étude des bibliothèques scientifiques, 19-20 janvier 1961 », op. cit., p. 224. « ...dans la proportion des trois quarts au moins, les collections et les périodiques de base sont communs à tous les établissements similaires, où qu’ils soient implantés. » Bibliothèques universitaires, principes d’une réforme de structure (s.l.n.d. [Paris, 1961], p. 4.
« Journées d’étude des bibliothèques scientifiques, 19-20 janvier 1961 », op. cit. p. 224 ; « Journées d’étude des bibliothèques universitaires (30 novembre-1er décembre 1961) », op. cit. p. 65, p. 74-75 et p. 76-78 ; « Service d’information bibliographique », Bulletin des bibliothèques de France, t. 7, n° 4, avril 1962, p. 227-228.