II. Traitement des documents

Les possibilités de l’informatique dans le domaine de la documentation étaient seulement pressenties en France vers le milieu des années 1960. Les deux décennies qui ont suivi ont vu le développement des méthodes de traitement et de gestion informatisés des documents dans des directions qui ont permis à la fois la modernisation des bibliothèques universitaires et la redéfinition de leur rôle dans le processus de communication scientifique.

Il est superflu d’insister sur l’importance prise par l’informatisation de la plupart des opérations bibliothéconomiques dans les bibliothèques universitaires comme dans les autres bibliothèques au cours de la période récente. Sur l’histoire de l’informatisation de ces bibliothèques, on ne dispose encore que de synthèses partielles ; il est cependant possible de la résumer à grands traits, à partir d’articles publiés dans des revues professionnelles. 537

L’informatisation de la partie officielle de la Bibliographie de la France, ou plus exactement de la partie livres fondée sur le dépôt légal des éditeurs, a été effective à partir de 1975. Elle a constitué le point de départ de la réalisation d’un premier système de fourniture de fiches de catalogue des livres français, connu sous le nom de catalogage national centralisé (CANAC). Cette réalisation avait été précédée par divers essais, à partir de la fin des années 1960. Elle s’est accompagnée du lancement d’une entreprise ambitieuse de catalogage partagé pour les livres étrangers (le projet CAPAR, pour catalogage partagé), qui n’a pas abouti. Simultanément sont apparues les premières recherches documentaires informatisées effectuées sur des serveurs nord-américains, notamment dans le domaine scientifique et médical. L’application CANAC ne nécessitait pas d’équipement informatique, les commandes de fiches étant passées au moyen de bordereaux sur lesquels étaient reportés les numéros de notices trouvés dans les fascicules imprimés de la Bibliographie de la France. Quant aux premières recherches documentaires informatisées, elles ont été effectuées au moyen de terminaux en nombre restreint et aux performances limitées. Ce n’en était pas moins le début d’une nouvelle période, dans laquelle les bibliothèques universitaires allaient voir leur rôle de constitution de collections et de gestion de documents s’étendre au repérage et à la fourniture d’informations. L’équipement de l’ensemble des sections des bibliothèques universitaires en terminaux dédiés à la consultation de banques de données a été réalisé entre la fin des années 1970 et le début des années 1980.

C’est aussi au début des années 1980 qu’ont été installés les premiers systèmes d’informatisation de fonctions bibliothéconomiques dans les bibliothèques universitaires françaises. Il s’agissait de logiciels de gestion du prêt et d’assistance au catalogage en mode local installés sur des micro-ordinateurs. Pour des raisons financières, il n’a pas été possible d’envisager alors l’implantation dans les bibliothèques universitaires de systèmes intégrés de gestion de l’ensemble des fonctions bibliothéconomiques comme il en existait à l’étranger et en France dans certaines bibliothèques publiques. L’équipement informatique des bibliothèques universitaires est donc resté jusqu’en 1985 limité à un petit nombre de terminaux ou de micro-ordinateurs dédiés à des fonctions précises et non organisés en réseaux. Les seules exceptions à cette situation ont été, après l’abandon pour des raisons financières de l’élaboration d’un système intégré baptisé MEDICIS, l’importation du système de catalogage suisse SIBIL (Système intégré pour les bibliothèques universitaires de Lausanne) et son installation à la Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier en 1984, et l’accord conclu avec le réseau nord-américain de catalogage O.C.L.C. (Online computer library center, précédemment Ohio college library center) en 1985.

A l’extérieur des bibliothèques universitaires, les nouvelles technologies de l’information ont amplifié le mouvement de concentration des services d’information bibliographique et de fourniture de documents. Le signalement de la littérature scientifique mondiale est devenu le rôle d’agences spécialisées devenues producteurs de banques de données. La part des institutions scientifiques nord-américaines dans ce marché mondial de l’information scientifique s’est accrue au point de susciter en France une réaction tendant à garantir l’indépendance nationale en matière d’information scientifique, notamment par une politique d’encouragement à la création de banques de données françaises et par la mise en place du serveur national Télésystèmes en 1979. La concentration des services de fourniture de documents, comme University microfilms aux Etats-Unis ou la British library lending division (devenue plus tard British library document supply centre) en Grande-Bretagne, a permis la mise en place, à l’extérieur des bibliothèques d’étude et de recherche, de systèmes de signalement et de fourniture de documents scientifiques. Cette évolution, à son tour, a conduit ces bibliothèques à ajouter à leur rôle traditionnel de dépositaires de documents des fonctions nouvelles d’intermédiaires d’informations et de services. Cette transition, qui est toujours en cours actuellement, en était encore à ses débuts en 1985.

Dans les domaines essentiels pour l’activité des bibliothèques universitaires de la production des documents scientifiques et du traitement de ces documents, des changements très importants se sont donc produits entre 1964 et 1985.

Notes
537.

Il s’agit en particulier, pour les bibliothèques françaises, du Bulletin des bibliothèques de France et du Bulletin d’informations, Association des bibliothécaires français, dont l’exploration est facilitée par les index suivants : A. Le Saux, Bulletin des bibliothèques de France, index 1956-1993 (Paris, 1994 ; 1ère édition, 1956-1982 par B. Carbone), G. Sonneville, Bulletin de l’Association des bibliothécaires français, index 1946-1981 (Villeurbanne, 1982) et A.-M. Chaintreau, J. Gascuel, Bulletin d’informations de l’A.B.F., table 1981-1996... (Paris, 1997). Une première synthèse de ces évolutions pour l’ensemble des bibliothèques a été faite par H. Le Crosnier, « Le Choc des nouvelles technologies » dans Histoire des bibliothèques françaises, t. 4, Les Bibliothèques au XXe siècle, 1914-1990, op. cit., p. 568-589.