A. La loi d’orientation de l’enseignement supérieur et ses conséquences

Elaborée pendant les mois qui suivirent la grave crise universitaire, sociale et politique de mai-juin 1968 par le ministre de l’éducation nationale Edgar Faure, la loi d’orientation de l’enseignement supérieur a eu pour dessein de fonder les institutions universitaires sur les principes nouveaux d’autonomie, de pluridisciplinarité et de participation. 543

Chacun de ces principes exigeait des adaptations importantes dans l’organisation administrative des bibliothèques universitaires de province. En particulier, la création d’universités autonomes constituait une innovation de première importance en France, et rompait radicalement avec deux traditions anciennes : celle de l’université napoléonienne centralisée qui avait eu cours pendant une grande partie du XIXe siècle, et celle des universités créées en 1896 comme une structure légère de coordination des facultés. La création d’universités autonomes ne semblait pas conciliable avec le fait que les bibliothèques universitaires pussent rester placées sous le contrôle du recteur de l’académie, représentant de l’Etat. 544

La pluridisciplinarité ne constituait pas, a priori, une difficulté pour des bibliothèques qui avaient été constituées, pour les plus anciennes d’entre elles, par la réunion de bibliothèques de facultés, et dont le caractère encyclopédique avait souvent été présenté comme un avantage. Cependant, les nouvelles structures des universités, dans lesquelles il ne devait plus exister de facultés mais des unités d’enseignement et de recherche (U.E.R.), pouvaient faire apparaître comme inadapté le découpage des bibliothèques universitaires en sections portant les appellations d’une ou de deux facultés. La création, dans les agglomérations universitaires les plus importantes, de plusieurs universités, et la répartition parfois hasardeuse des disciplines entre ces universités, pouvaient laisser craindre des difficultés de coordination avec les sections des bibliothèques universitaires. Bien plus, cette pluralité des universités n’allait-elle pas conduire, dans ces agglomérations, à la division des bibliothèques universitaires ? Enfin, la participation conduisait nécessairement à mettre en place un organe comprenant des représentants élus des utilisateurs et du personnel. Toutes ces mesures d’adaptation devaient être prises par chacune des composantes des universités, mais elles présentaient peut-être plus de difficultés pour les bibliothèques universitaires, services soumis jusqu’alors à une gestion centralisée, et qui avaient été en grande partie préservés de la tourmente des « événements » de mai-juin 1968.

A vrai dire, la lecture de la loi d’orientation du 12 novembre 1968 était bien de nature à confirmer l’étendue des changements auxquels les bibliothèques universitaires allaient devoir s’adapter. La loi ne comportait pas, dans l’énumération des missions des universités, de mention d’une mission qui concernât particulièrement les bibliothèques. Cela résultait du fait qu’elle avait pris en considération prioritairement, et presque exclusivement, les missions d’élaboration et de transmission directe des connaissances au moyen de l’enseignement. Comme on l’a déjà observé, la création d’universités autonomes, établissements publics à caractère scientifique et culturel, comportait le risque de la perte du contrôle de l’Etat sur les bibliothèques universitaires. La possibilité de créer plusieurs universités par académie était prévue par l’article 6 de la loi. Elle impliquait, au moins à titre de possibilité, la rupture des liens établis entre les sections installées dans les nouvelles villes universitaires et la bibliothèque universitaire du chef-lieu de l’académie. Plusieurs universités pouvaient aussi être créées dans les agglomérations les plus importantes, ce qui devait permettre de constituer des établissements aux effectifs plus réduits que par le passé. Cette disposition était susceptible de conduire au démembrement de certaines bibliothèques universitaires. La suppression des facultés faisait disparaître un repère familier, mais aussi le principal référent qui définissait les sections des bibliothèques universitaires. Décrivant en détail la structure et le fonctionnement des unités d’enseignement et de recherche, la loi était en revanche beaucoup plus discrète sur les services communs à plusieurs U.E.R. ou à plusieurs universités. En particulier, il n’était pas prévu que ces services communs pussent disposer d’un budget propre (article 27), ni élire des délégués aux assemblées constitutives des universités (articles 39-41). Ce cadre était cependant, de toute évidence, celui dans lequel les bibliothèques universitaires allaient devoir s’insérer. Enfin, une dernière cause d’inquiétude pouvait naître de l’institution d’un budget global de l’université, et de l’absence d’individualisation du budget des services communs au sein de ce budget global.

D’une certaine manière, on peut considérer que le décret du 23 décembre 1970 a eu pour objectif de conjurer une partie de ces dangers, mais il n’a pu le faire qu’en créant des conditions de fonctionnement administratif complexes pour les bibliothèques universitaires et en retardant leur insertion dans les universités autonomes. 545

Pour les missions des universités, dont aucune de celles qui avaient été énumérées par la loi ne concernait directement les bibliothèques, le décret ne pouvait pas en ajouter. Mais son article 1er mentionna les articles 7 et 11 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, dont le premier était relatif aux services communs interuniversitaires et le second à la coopération entre universités, et ne fit pas mention de l’article 16 relatif aux services communs universitaires et interuniversitaires. D’emblée se trouvait ainsi affirmée une orientation vers un statut des bibliothèques universitaires dépassant le cadre d’une seule université. C’est de la même manière, semble-t-il, qu’il faut interpréter d’autres dispositions de l’article 1er, notamment celle qui prévoyait l’établissement des ‘« relations nécessaires avec les autres bibliothèques relevant des universités et avec les bibliothèques non universitaires concourant aux mêmes objectifs »’. La reconnaissance du caractère nécessaire des relations avec les autres bibliothèques relevant des universités constitue un premier indice du fait que certaines distances avaient alors été prises avec la stratégie de concurrence à l’égard des bibliothèques spécialisées qui avait été privilégiée au début des années 1960 ; mais elle ne signifie pas que l’objectif de recomposer le dispositif documentaire des universités autour des bibliothèques universitaires avait été abandonné. Quant aux bibliothèques non universitaires concourant aux mêmes objectifs, il semble qu’il faille entendre par là les grandes bibliothèques de recherche placées sous l’autorité de la direction des bibliothèques, au premier rang desquelles figurait la Bibliothèque nationale, et les bibliothèques municipales des villes universitaires de province. Ainsi se trouvait affirmée la place particulière des bibliothèques dans les institutions universitaires, puisqu’on leur reconnaissait une vocation à travailler en liaison avec d’autres bibliothèques situées dans les universités ou hors de celles-ci, dans une perspective qui n’est pas sans rappeler la position favorable à « l’unité des bibliothèques » de nombreux professionnels, et qui était au demeurant cohérente avec l’existence d’une direction ministérielle responsable des principales bibliothèques de statut public. La possibilité, pour les bibliothèques universitaires, d’accueillir aussi le public non universitaire, également reconnue à l’article 1er du décret, aurait pu être mise en relation avec l’article 1er de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, qui prévoyait l’accueil « des anciens étudiants » et ‘« des personnes qui n’ont pas eu la possibilité de poursuivre des études ».’

L’autonomie des nouvelles universités constituait bien entendu une donnée nouvelle qu’il n’était pas possible d’ignorer. Cependant, certaines dispositions du décret eurent pour objet de limiter les conséquences que cette autonomie aurait pu avoir sur les bibliothèques universitaires, justifiant ainsi les observations d’H. Comte selon lesquelles ‘« le principe d’autonomie a été appliqué de façon plus mesurée aux bibliothèques qu’à d’autres institutions d’enseignement supérieur, notamment aux universités »’ et ‘« aujourd’hui comme hier la centralisation paraît l’emporter dans les bibliothèques universitaires ». 546

Ainsi, les statuts des universités devaient, en ce qui concerne les dispositions relatives à la bibliothèque universitaire, être conformes aux prescriptions du décret du 23 décembre 1970 et être approuvées par le ministre. Le directeur (appellation nouvelle en France) de la bibliothèque était nommé par le ministre, après avis du ou des conseils des universités et consultation du conseil de la bibliothèque. Il recevait obligatoirement délégation de pouvoir du président de l’université pour la direction de la bibliothèque, et était de droit ordonnateur secondaire du budget de l’université pour l’exécution du budget propre de la bibliothèque. Pour respecter le principe de participation, le décret du 23 décembre 1970 créa un conseil de la bibliothèque comprenant une majorité de membres élus. La loi n’avait pas prévu explicitement l’existence de tels organes dans les services communs, mais ne les avait pas non plus exclus ; leur existence était au demeurant conforme au principe de participation. Le conseil de la bibliothèque était composé pour les quatre cinquièmes au moins de membres élus. Ceux-ci comprenaient à parité des membres du conseil de l’université ou des universités, et des membres du personnel de la bibliothèque, dont la moitié de membres du personnel scientifique. Il comportait au plus un cinquième de personnalités extérieures, désignées par le recteur sur proposition du conseil siégeant en formation des élus. Le nombre exact des membres du conseil de chaque bibliothèque universitaire devait être prévu soit par les statuts de l’université lorsque la bibliothèque desservait une seule université, soit par la convention conclue entre plusieurs universités dans le cas d’une bibliothèque commune à plusieurs universités. Le conseil de la bibliothèque élisait en son sein son président, qui, sauf dérogation, devait être un professeur des universités. La composition de ce conseil, la désignation de son président et la nature exacte de ses compétences ont été à l’origine de diverses difficultés. En effet, il existait un risque de conflit entre les pouvoirs du directeur de la bibliothèque et ceux du président élu du conseil de la bibliothèque, d’autant plus que les unités d’enseignement et de recherche aussi bien que certains services communs étaient dirigés par des directeurs élus. 547

La composition du conseil de la bibliothèque en faisait potentiellement un organe de représentation des personnels plus que de concertation avec les représentants des universités. En raison de l’absentéisme fréquent de ceux-ci et des personnalités extérieures, les personnels étaient pratiquement assurés d’y détenir la majorité, ce qui n’était pas conforme à l’esprit de cette institution et risquait de la transformer en un organe à vocation interne. L’élection du président, qui pouvait ne pas avoir d’autre responsabilité dans les institutions universitaires, posait le problème de son rôle exact par rapport à celui du directeur de la bibliothèque universitaire, qui n’était pas éligible au conseil et y participait seulement avec voix consultative, et aussi par rapport à celui du président de l’université, autorité dont relevait normalement le directeur de la bibliothèque. Enfin les compétences du conseil n’avaient été définies que brièvement par le décret du 23 décembre 1970, mais en des termes qui laissaient une certaine place à l’ambiguïté : selon l’article 4, le conseil « administrait » la bibliothèque, ce qui semblait lui conférer un pouvoir de décision ; mais l’article 7 prévoyait que ses attributions se limitaient à proposer le budget propre de la bibliothèque à l’adoption du conseil de l’université, et à « se prononcer » (terme impliquant aussi un pouvoir de décision) sur les règles de fonctionnement de la bibliothèque.

Ce sont surtout les inconvénients résultant du manque de précision dans la définition des rôles respectifs du directeur de la bibliothèque et du président élu de son conseil, et dans celle des attributions du conseil qui semblent avoir eu des effets imprévus. Pour préciser ces points, la direction des bibliothèques publia le 29 avril 1974 une circulaire relative aux attributions respectives du directeur de la bibliothèque universitaire, du conseil de la bibliothèque et de son président. 548

Cette circulaire précisait, d’après les dispositions du décret du 23 décembre 1970, les attributions du conseil de la bibliothèque : proposer au recteur la désignation de personnalités extérieures, élire parmi ses membres un président, être consulté sur la nomination du directeur de la bibliothèque (qui était ainsi le seul membre du personnel dont la nomination fût soumise à un avis de ce conseil), créer des commissions scientifiques consultatives spécialisées pour les acquisitions, et proposer le budget propre de la bibliothèque, en procédant, sur proposition du directeur à la « ventilation des crédits » (entre catégories de dépenses ou (et) entre sections), à l’adoption du conseil de l’université. Il était précisé en outre que les seules règles de fonctionnement sur lesquelles le conseil avait à se prononcer concernaient limitativement les horaires d’ouverture, le régime du prêt et les conditions consenties à certaines catégories de lecteurs. De la façon la plus nette, la circulaire excluait des compétences du conseil la gestion du personnel, et en particulier les affectations dans les différentes sections. On peut, avec H. Comte, considérer que cette dernière disposition avait pour effet de faire échapper à l’autonomie universitaire l’ensemble des moyens en personnel de la bibliothèque universitaire, mais il faut observer que la composition du conseil de la bibliothèque n’en faisait pas un organe approprié pour traiter ce type de questions. En outre, il n’était pas possible de considérer que les voeux du conseil concernant l’affectation du personnel auraient pu s’imposer au directeur de la bibliothèque, et moins encore au président de l’université. Les précisions apportées par la circulaire du 29 avril 1974 montrent en tout cas que certaines difficultés étaient apparues, et que certains conseils de bibliothèque universitaires avaient eu de leur rôle une conception extensive. La circulaire concédait toutefois que le conseil de la bibliothèque, à défaut d’être compétent en matière de gestion du personnel, pouvait être consulté sur la répartition de la dotation en emplois entre les sections. 549

En ce qui concerne les rôles respectifs du directeur de la bibliothèque universitaire et du président du conseil de la bibliothèque, la circulaire était aussi très nette :

‘« Il est clair que c’est le directeur et non le président du conseil de la bibliothèque qui est le délégué du président de l’université, et lui seul qui, à ce titre, peut représenter la bibliothèque... Le président du conseil de la bibliothèque, quant à lui, est chargé... de l’organisation des travaux du conseil de la bibliothèque et de la direction des séances. Son rôle ne porte pas sur la gestion de la bibliothèque et le conseil ne peut lui donner mandat en ce sens, même avec l’accord du directeur, car celui-ci est seul responsable. »’

Ce passage de la circulaire du 29 avril 1974 montre que des dysfonctionnements graves s’étaient produits dans la direction de certaines bibliothèques universitaires au début des années 1970, et avaient mis en lumière les risques de dyarchie contenus dans le décret du 23 décembre 1970. 550

La possibilité de créer plusieurs universités par académie impliquait un risque de démembrement des bibliothèques universitaires dans deux cas différents : celui dans lequel certaines sections de la bibliothèque étaient situées dans d’autres villes que le chef-lieu de l’académie (par exemple, Pau rattachée à Bordeaux, Saint-Etienne à Lyon, Brest à Rennes), et celui des agglomérations où il était prévisible que seraient créées plusieurs universités. Le ministre souhaitait en effet des universités « à l’échelle humaine », ne dépassant pas quinze mille étudiants.

Ce n’est certainement pas sans intention que l’article 1er du décret du 23 décembre 1970 s’est référé à deux articles de la loi d’orientation relatifs à la coopération universitaire. En ce qui concerne les structures, les options suivantes furent en effet retenues. Pour les villes universitaires où devaient être créées plusieurs universités, le décret imposa la création de bibliothèques interuniversitaires, services communs à l’ensemble des universités de l’agglomération. Ces services devaient être créés par une convention obligatoire, qui fixerait notamment la composition du conseil de la bibliothèque et désignerait l’université de siège de la bibliothèque. L’existence de cette convention dispensait les universités contractantes d’inclure dans leurs statuts des dispositions relatives à la bibliothèque universitaire. Mais le décret alla plus loin, en prévoyant qu’une convention de même nature pourrait être conclue entre des universités situées dans des villes différentes de la même académie, ce qui aurait conduit, si cette possibilité avait été utilisée partout, à reconstituer une bibliothèque universitaire unique par académie. Cette possibilité resta entièrement théorique, puisque toutes les nouvelles universités constituèrent leur propre bibliothèque universitaire distincte de celle de l’université ou des universités du chef-lieu de l’académie. Mais le fait que ce mode d’organisation eût été prévu montre que la direction des bibliothèques était restée attachée aux formes d’organisation de la période précédente, malgré la complexité qui en aurait résulté, puisque la bibliothèque desservant une université nouvelle aurait été placée sous l’autorité du président d’une autre université située au chef-lieu de l’académie.

Seules les bibliothèques universitaires des plus grandes villes furent donc transformées en bibliothèques interuniversitaires. Ce statut présentait l’avantage de préserver l’unité de la bibliothèque universitaire, mais il n’était pas dépourvu d’inconvénients. Les règles relatives à l’organisation de la bibliothèque ne figuraient que dans une convention, et non dans les statuts des universités. Toutefois, cette convention devait être soumise, comme les statuts des universités, à l’approbation du ministre de l’éducation nationale. Mais surtout, le budget de ce service interuniversitaire était proposé par le conseil de la bibliothèque à l’adoption du conseil de la seule université de rattachement de la bibliothèque interuniversitaire. Le conseil de la bibliothèque, dans lequel siégeaient des représentants de toutes les universités parties à la convention, n’avait que des pouvoirs budgétaires limités. En revanche, le conseil de l’université de siège disposait d’un pouvoir de décision, et se trouvait donc en situation d’imposer sa volonté aux autres universités signataires de la convention. Ce conflit entre les attributions des deux organes, dont la possibilité avait été perçue par Henri Comte, s’est effectivement produit dans plusieurs villes universitaires et peut être considéré comme l’un des éléments qui ont conduit ultérieurement à la dissociation de la plupart des bibliothèques interuniversitaires de province. Si, conformément à la possibilité prévue par le décret du 23 décembre 1970, des bibliothèques interuniversitaires avaient été constituées dans chaque académie, l’université de siège de cette bibliothèque se serait trouvée investie, à l’égard des autres universités de l’académie, d’un pouvoir manifestement excessif. 551

La suppression des facultés par la loi d’orientation de l’enseignement supérieur privait les sections des bibliothèques universitaires de la notion qui avait servi à les définir. Cependant, le décret du 23 décembre 1970 n’a fait aucune mention des sections des bibliothèques universitaires, un peu comme la loi d’orientation du 12 novembre 1968 avait presque passé sous silence l’existence antérieure des facultés. A la différence des facultés, toutefois, les sections des bibliothèques universitaires continuaient à exister. Il en fut d’ailleurs fait mention dans la circulaire du 23 février 1971 relative à l’application du décret. Il était ainsi prévu que les responsables des sections élevées au rang de bibliothèques universitaires (dans des villes comme Brest ou Saint-Etienne, par exemple) seraient chargés à titre provisoire de la direction de ces bibliothèques, et recevraient les délégations de pouvoir correspondantes. En effet, la nomination de ces responsables en qualité de directeurs ne pouvait intervenir qu’après avis du conseil de l’université et consultation du conseil de la bibliothèque. Dans l’attente d’une circulaire sur le rôle des conservateurs responsables des sections, dont la publication a donc été prévue dès 1971, les directeurs des bibliothèques universitaires étaient invités à les associer aux mesures de mise en place des nouvelles structures, et à les faire participer aux séances du conseil de la bibliothèque avec voix consultative s’ils n’y avaient pas été élus. La question de la correspondance entre les sections et les universités dans les agglomérations où plusieurs de ces établissements avaient été créés se posa assez rapidement. En effet, le titre VIII de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, intitulé « Mise en oeuvre de la réforme », avait prévu qu’une liste provisoire des unités d’enseignement et de recherche serait établie pour chaque université. La loi avait disposé par ailleurs que les universités devaient être pluridisciplinaires, mais qu’elles pouvaient cependant avoir une vocation dominante. Le ministre s’opposa résolument à la constitution d’universités « de santé » ne réunissant que des disciplines homogènes, mais pour constituer des universités pluridisciplinaires, il dut arbitrer entre les souhaits parfois contradictoires des enseignants, tenir compte du relatif ostracisme qui se manifestait à l’égard des U.E.R. de lettres et de sciences humaines, et de bien d’autres considérations encore. Le résultat prévisible de ces négociations fut que dans la plupart des villes où avaient été constituées plusieurs universités, la trace des anciennes facultés resta visible dans le découpage des nouveaux établissements. La correspondance des nouvelles universités avec les sections des bibliothèques universitaires n’était cependant pas parfaite : ainsi, à Grenoble, la géographie avait rejoint l’université scientifique, et les sciences humaines avaient été regroupées avec le droit et l’économie et séparées des langues et lettres. A Lille, le droit fut regroupé avec la médecine et la pharmacie, alors que la bibliothèque interuniversitaire comprenait une section droit-lettres. Des disciplines précédemment regroupées dans la même faculté, comme la philosophie et la psychologie, ou le droit et les sciences économiques, se trouvèrent fréquemment rattachées à des universités différentes. 552

Quand la direction des bibliothèques s’aperçut que la représentation des personnels des bibliothèques dans les assemblées constitutives des universités n’avait pas été prévue, elle alerta les recteurs sur cette situation et leur demanda d’intervenir auprès des présidents de ces assemblées pour que cette représentation fût assurée. Cela conduisit, dans le cas où il existait plusieurs universités dans la même agglomération, à constituer des collèges électoraux en répartissant le personnel de la bibliothèque universitaire par université, en tenant compte des affinités entre la section dans laquelle chaque personne était affectée et les disciplines dominantes des nouvelles universités. 553

Cependant, une fois écarté le risque du démembrement de la bibliothèque universitaire dans les villes où avaient été créées plusieurs universités, il subsistait un danger de nature plus politique : celui que les relations étroites entre une section de la bibliothèque universitaire et l’université auprès de laquelle cette section était placée ne remissent en cause l’unité de la bibliothèque universitaire. Désirables pour faciliter l’adaptation des services de la bibliothèque aux besoins des utilisateurs, ces relations pouvaient dans certaines circonstances entraîner une section de la bibliothèque interuniversitaire à subir l’attraction de l’université auprès de laquelle elle était placée, et à s’éloigner des autres sections, avec lesquelles elle était du reste en concurrence pour la répartition des moyens. Il existait donc aussi le risque d’un conflit entre la loyauté à l’égard de la bibliothèque universitaire, et la prise en considération exclusive des intérêts d’une autre université que l’université de siège, et il était possible que ce conflit se manifestât à l’intérieur du conseil de la bibliothèque. Le risque était réel, mais l’organisation administrative retenue ne permettait pas d’y parer. On peut considérer que les tendances centrifuges qui avaient été mises en oeuvre au moment de la création des sections ont été renforcées quand ces sections se sont trouvées placées auprès d’universités différentes de la même agglomération.

Privilégiant le statut des unités d’enseignement et de recherche, composantes sur lesquelles reposait l’essentiel du travail universitaire, et qui pouvaient être dotées, comme les universités elles-mêmes, du statut d’établissement public à caractère scientifique et culturel, la loi du 12 novembre 1968 avait fait peu de place aux dispositions relatives aux services communs à plusieurs U.E.R. ou à plusieurs universités, bien qu’elle en eût prévu l’existence. Celle-ci devait être inscrite dans les statuts des universités nouvelles, avec les principales règles de leur fonctionnement. Mais les assemblées constitutives qui élaborèrent les projets de statuts n’accordèrent pas non plus beaucoup d’importance à ces composantes, et l’on constata fréquemment l’absence dans ces statuts de toute référence à la bibliothèque universitaire. C’était dans une certaine mesure une conséquence des conceptions de la structure des universités inscrite dans la loi ; mais c’était probablement aussi un indice de l’isolement de la bibliothèque universitaire dans les nouvelles universités, isolement qui résultait lui-même de l’indépendance passée de la bibliothèque universitaire à l’égard des facultés. La direction des bibliothèques, en ce qui la concerne, n’avait jamais envisagé avant 1968 que la centralisation des bibliothèques universitaires sous l’autorité du recteur pût être remise en cause, ni qu’il lui fallût un jour remettre la gestion de ces bibliothèques à des universités devenues autonomes. 554

Une fois cet oubli réparé, il restait que la loi n’avait considéré les services communs que comme des composantes mineures des universités, dans lesquels l’existence d’un conseil élu et d’un budget propre n’étaient pas explicitement prévues. C’est sans doute l’une des causes qui ont conduit, dans la rédaction du décret du 23 décembre 1970, à ne pas faire mention de l’article 16 de la loi du 12 novembre 1968 relatif à ces services communs, et même à concevoir l’organisation administrative des bibliothèques universitaires sous une forme hybride, tenant à la fois des services communs et des unités d’enseignement et de recherche.

Des similitudes entre l’organisation administrative des bibliothèques universitaires et celle des unités d’enseignement et de recherche apparaissent en effet dans la rédaction du décret du 23 décembre 1970. En ce qui concernait les missions, il fut indiqué que les bibliothèques d’université et les bibliothèques interuniversitaires ‘« ont une mission d’orientation, d’étude, de recherche et d’enseignement bibliographique et documentaire »’. La présence dans cette phrase des mots étude et recherche, qui rappelle la dénomination des U.E.R., ne peut pas être due au hasard. Mais cette définition ambitieuse, dans laquelle les bibliothèques universitaires étaient définies, à peu de chose près, comme des U.E.R. de bibliographie et de documentation, présentait aussi une lacune surprenante : aucune mention n’y était faite de la mission documentaire des bibliothèques au service des utilisateurs.

A côté de cette définition des missions, la similitude la plus frappante avec l’organisation administrative des U.E.R. était la composition du conseil de la bibliothèque. Ce conseil en grande majorité élu, comprenant à parité des représentants des utilisateurs universitaires et du personnel de la bibliothèque, et qui élisait en son sein son président, ressemblait beaucoup à un conseil d’U.E.R. A la différence des U.E.R., cependant, les bibliothèques universitaires avaient été dotées par cette réglementation à la fois d’un directeur nommé après consultation du conseil de la bibliothèque, et d’un président élu de ce conseil, disposition qui contenait en germe des risques de confusion des pouvoirs dont témoigne la circulaire du 29 avril 1974. 555

La loi du 12 novembre 1968 avait institué un budget global de l’université ; elle avait prévu que les unités d’enseignement et de recherche fussent dotées d’un budget propre intégré au budget global de l’université, mais n’avait pas explicitement étendu cette disposition aux services communs. Il existait donc un risque important que le budget des bibliothèques universitaires ne fût plus individualisé au sein du budget global de l’université.

Ce risque a été parfaitement perçu, et la rédaction du décret du 23 décembre 1970 a permis de lui opposer des dispositions réglementaires contraignantes. Les articles 2 et 10 de ce décret ont en effet prévu que les universités de siège des bibliothèques universitaires recevaient, pour cette bibliothèque, une subvention globale de fonctionnement, une dotation en emplois et, le cas échéant, une subvention d’équipement. Les universités avaient la faculté d’allouer à la bibliothèque universitaire une partie de leurs ressources, comprenant éventuellement des moyens de recherche, et étaient tenues de lui reverser les droits de bibliothèque acquittés par les étudiants. De ce fait, la marge de gestion budgétaire dont disposaient les universités à l’égard de la bibliothèque universitaire ne pouvait s’exercer que dans un sens positif, par l’attribution de moyens supplémentaires, faculté très rarement utilisée comme cela était prévisible. Mais les moyens les plus importants, emplois, subventions spécifiques et droits de bibliothèques, se trouvaient affectés d’office au budget propre de la bibliothèque universitaire. Cette attribution directe de moyens était renforcée par les pouvoirs budgétaires du directeur de la bibliothèque universitaire, ordonnateur secondaire de droit.

Il nous semble donc justifié de conclure, avec H. Comte, que l’application aux bibliothèques universitaires du principe d’autonomie des universités a été très mesurée et particulièrement encadrée par des dispositions réglementaires contraignantes. A cet égard, et avec le recul des années, il est justifié de considérer l’ensemble de ces dispositions comme une réglementation de transition entre la centralisation du passé et la décentralisation plus poussée qui devait prévaloir à partir de 1985, et d’estimer que les dispositions relatives aux bibliothèques universitaires prises entre 1970 et 1974 ont prolongé une forme atténuée de centralisation de leur organisation administrative.

Notes
543.

Loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur, Journal officiel du 13 novembre 1968. Les circonstances de l’élaboration de cette loi ont été retracées par J. de Chalendar, Une Loi pour l’université... (Paris, 1970). De nombreuses modifications de cette loi d’orientation, qui demeure en partie applicable, ont été apportées par des textes ultérieurs adoptés à partir de 1971. Un regard rétrospectif sur cette loi, son application et ses modifications se trouve dans J. Minot, Quinze ans d’histoire des institutions universitaires, mai 1968-mai 1983 (Paris, 1983) et dans J. Minot, Les Universités après la loi sur l’enseignement supérieur du 26 janvier 1984 en collaboration avec M. Connat, C. Edelbloute, D. Pallier et J.-F. Zahn (Paris, 1984), p. 17-24. Sur les évolutions récentes de l’enseignement supérieur, cf. F. Reitel, « L’Enseignement supérieur en France, évolution 1945-1981 », Mosella, t. 13, numéro spécial annuel, 1983, p. 1-48 et J.-C. Passeron, « 1950-1980, l’université mise à la question, changement de décor ou changement de cap ? » dans Histoire des universités en France sous la direction de J. Verger (Toulouse, 1986), p. 367-419.

544.

La création ultérieure de chancelleries, établissements publics nationaux à caractère administratif, par le décret du 30 décembre 1971, a eu pour objet d’assurer, pour le compte d’établissements publics à caractère scientifique et culturel, la gestion administrative, technique et financière de moyens et de biens dans certains domaines particuliers où l’indivision ou des intérêts communs rendaient nécessaires de telles institutions. Cette définition restrictive ne permettait pas de considérer que les bibliothèques interuniversitaires pussent relever des attributions des chancelleries, placées sous l’autorité des recteurs, d’autant plus qu’il était spécifié que les responsabilités attribuées aux universités par la loi et les autres règlements d’application ne pouvaient pas être modifiées du fait de la création de ces établissements publics. Dans la pratique, les chancelleries ont été chargées d’exercer les pouvoirs des recteurs relatifs à l’enseignement supérieur universitaire, et d’assurer la gestion de certaines installations techniques communes à plusieurs établissements situés sur le même campus.

545.

Décret n° 70-1267 du 23 décembre 1970 relatif aux bibliothèques universitaires, Journal officiel du 28-29 décembre 1970. C’est la première fois que les bibliothèques universitaires dans leur ensemble ont fait l’objet d’un décret, en application de l’article 16 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur : « Des décrets pourront préciser les conditions particulières de gestion des services communs à plusieurs unités d’enseignement et de recherche ou à plusieurs établissements ». Les grandes lignes de ce décret avaient été présentées par le directeur des bibliothèques et de la lecture publique, E. Dennery, dans le cadre de journées d’étude des bibliothèques universitaires les 21 et 22 février 1969. « Journées d’étude des bibliothèques universitaires », Bulletin des bibliothèques de France, t. 14, n° 5, mai 1969, p. 232. Le décret du 23 décembre 1970 a été commenté par la circulaire n° 71-106 du 23 février 1971, Bulletin officiel de l’éducation nationale, n° 13, 1er avril 1971 et Bulletin des bibliothèques de France, t. 16, n° 4, avril 1971, p. 219-227 (extrait), et modifié ultérieurement par le décret du 26 mars 1976, qui préparait déjà la voie à la création des services communs de la documentation. D’autres décrets ont prévu l’application de la réforme des universités aux bibliothèques universitaires des académies de Paris, Créteil et Versailles (décret n° 72-132 du 10 février 1972, Journal officiel du 18 février 1972) et à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (décret n° 73-414 du 27 mars 1973, Journal officiel du 5 avril 1973). L’organisation administrative des bibliothèques universitaires de la région parisienne fut particulièrement complexe, car elle dut tenir compte de la division de l’ancienne université de Paris en treize universités nouvelles, et de l’existence de bibliothèques importantes, dont la plupart étaient organisées depuis longtemps selon le découpage des facultés. Le décret du 10 février 1972 a créé quatre bibliothèques interuniversitaires désignées par les lettres A, B et C et D communes à l’ensemble des universités ou à certaines d’entre elles seulement, et quatre bibliothèques d’université (Paris VIII, Paris IX, Paris X et Paris XI). La liste de ces bibliothèques, fixée par arrêté du 10 février 1972, a été modifiée presque aussitôt par arrêté du 16 mai 1972. Cette modification entraîna la suppression de la bibliothèque interuniversitaire D, qui avait été créée à titre provisoire, et la création de deux bibliothèques d’université supplémentaires (Paris XII et Paris XIII). Cette organisation administrative fut réformée à nouveau à compter du 1er janvier 1979 par le décret n° 78-1122 du 16 novembre 1978 (Journal officiel du 2 décembre 1978), qui créa neuf bibliothèques interuniversitaires et douze bibliothèques d’université.

546.

H. Comte, Les Bibliothèques publiques en France (Villeurbanne, 1977), p. 234. Ces affirmations figurent dans la conclusion de l’analyse sur « l’administration des bibliothèques et la réforme des universités », op. cit., p. 227-234, analyse que nous partageons entièrement. A contrario, l’opinion de D. Lefebvre, président du conseil de la bibliothèque interuniversitaire de Grenoble, selon laquelle le décret du 23 décembre 1970 organisait l’intégration des bibliothèques universitaires aux universités, a sans doute eu un caractère prématuré. D. Lefebvre, « Conférence... au congrès de l’A.B.F., Mâcon, le 7 juin 1974 », Bulletin d’informations, Association des bibliothécaires français, nouvelle série, n° 85, 4e trimestre 1974, p. 171-172. En 1974, J. Archimbaud avait déjà analysé la situation particulière des bibliothèques universitaires à l’intérieur des universités, en la mettant en relation avec l’existence d’une direction des bibliothèques et de la lecture publique à côté de la direction de l’enseignement supérieur : « ...les universités considèrent comme leur étant un peu étrangers ces “services communs” que sont les B.U. qui dépendent d’une autre direction qu’elles-mêmes » et qui ont parfois été qualifiées de « corps étrangers » ou de « pièces rapportées ». J. Archimbaud, B. Duportet, « La Crise des bibliothèques universitaires, quel avenir ont-elles encore ? », op. cit., p. 2038. En 1985, dans un rapport officiel, les deux directeurs chargés des bibliothèques ont écrit que « ce statut [le décret du 23 décembre 1970], allié au fait que, jusqu’en 1975, les B.U. dépendaient étroitement d’une direction arbitrant budgétairement entre elles, les bibliothèques publiques et la Bibliothèque nationale, a contribué à faire des bibliothèques universitaires des “étrangers dans la maison” ». J. Gattégno, D. Varloot, Rapport sur les bibliothèques à Monsieur le ministre de l’éducation nationale [et à] Monsieur le ministre de la culture (Paris, 1985 ; non publié), p. 3. Cette opinion a été partagée par d’autres rapports officiels, notamment le Rapport sur les bibliothèques et les centres de documentation des universités (Paris, 1980 ; non publié), p. 38 et Les Bibliothèques en France, rapport au Premier ministre établi en juillet 1981..., op. cit., p. 56-57.

547.

Les risques de conflits inhérents à l’organisation administrative des bibliothèques universitaires par le décret du 23 décembre 1970 ne se limitaient pas à celui-ci. D’après D. Lefebvre, il existait aussi des possibilités de conflits entre le directeur de la bibliothèque et le président de l’université ou celui de l’université de rattachement ; entre le conseil de la bibliothèque et le conseil de l’université ; entre le conseil de la bibliothèque et le directeur de celle-ci ; entres membres élus du personnel de la bibliothèque et directeur de la bibliothèque ; entre membres élus universitaires et représentants du personnel de la bibliothèque. D. Lefebvre, « Conférence... au congrès de l’A.B.F., Mâcon, le 7 juin 1974 », op. cit., p. 172-173.

548.

Circulaire n° 74-160 du 29 avril 1974 relative aux attributions respectives du directeur de la bibliothèque universitaire, du conseil de la bibliothèque et de son président, Bulletin officiel de l’éducation nationale, n° 18, 2 mai 1974, et Bulletin des bibliothèques de France, t. 19, n° 5, mai 1974, p. 269-270. Une certaine importance semble avoir été conférée à la fonction de président du conseil de la bibliothèque jusque vers le milieu des années 1970, comme en témoigne le fait qu’il a existé une association des présidents des conseils de bibliothèques universitaires et de bibliothèques interuniversitaires, déclarée officiellement en avril 1976. En outre, certains présidents de ces conseils ont été associés à la préparation des journées d’étude de Gif-sur-Yvette en avril 1975. Cf. « Colloque sur les bibliothèques universitaires le 7-8 avril 1975 à Gif-sur-Yvette », Bulletin des bibliothèques de France, t. 20, n° 5, mai 1975, p. 230 ; « Association des présidents des conseils de bibliothèques universitaires et de bibliothèques interuniversitaires », Bulletin des bibliothèques de France, t. 21, n° 6, juin 1976, p. 305 (déclaration de l’association au Journal officiel du 25 avril 1976).

549.

H. Comte, Les Bibliothèques publiques en France, op. cit., p. 233.

550.

Les précisions que la circulaire du 29 avril 1974 a apportées sur les rôles respectifs du président du conseil de la bibliothèque et du directeur de la bibliothèque universitaire n’ont pas été commentées dans la conférence de D. Lefebvre, président du conseil de la bibliothèque interuniversitaire de Grenoble, au congrès national de 1974 de l’Association des bibliothécaires français. D. Lefebvre, « Conférence... au congrès de l’A.B.F. Mâcon, le 7 juin 1974 », op. cit. Le thème général de ce congrès a été « Les nouvelles structures administratives et les missions des bibliothèques d’étude et de recherche (bibliothèques universitaires) ». Cf. « Rapport de synthèse présenté par Joseph Hue au congrès de l’A.B.F. Mâcon, le 9 juin 1974 », Bulletin d’informations, Association des bibliothécaires français, nouvelle série, n° 85, 4e trimestre 1974, p. 177-181. Un écho assourdi des conflits de pouvoir qui se sont produits se trouve dans l’allocution du secrétaire d’Etat aux universités, J.-P. Soisson, aux journées d’étude de Gif-sur-Yvette en avril 1975 : « Je me félicite d’abord que l’initiative [de ces journées d’étude] soit venue conjointement de vous, présidents des conseils de bibliothèques et directeurs de bibliothèques. Le décret de 1970, en vous confiant aux uns et aux autres, des responsabilités bien définies, selon une conception inspirée d’un régime de séparation des pouvoirs, aurait pu susciter des conflits. Peut-être ces conflits ont-ils surgi ici ou là. » « Journées d’étude sur les bibliothèques universitaires et colloque sur la lecture publique », Bulletin des bibliothèques de France, t. 20, n° 7, juillet 1975, p. 290.

551.

H. Comte, Les Bibliothèques publiques en France, op. cit., p. 231. Selon H. Comte, il aurait été préférable, pour éviter ces conflits de pouvoir, de conférer la personnalité civile aux bibliothèques interuniversitaires elles-mêmes. Sur les difficultés ultérieures des bibliothèques interuniversitaires, cf. B. Lecoq, « Un Aspect de la crise des universités, l’interuniversitaire en question », Bulletin des bibliothèques de France, t. 41, n° 2, 1996, p. 16-19.

552.

Cette correspondance imparfaite entre les nouvelles universités et les anciennes facultés dans les agglomérations pluri-universitaires pouvait inciter à un redécoupage des sections, comme l’avait envisagé D. Lefebvre en 1974 : « Il est évident qu’à partir de cette double enquête [sur les coûts et sur les besoins], la réorganisation des services de la B.U. s’imposera, et notamment le redécoupage des sections... Le pouvoir du conseil sur le fonctionnement de la B.U. est ici capital... » D. Lefebvre, « Conférence... au congrès de l’A.B.F. Mâcon, le 7 juin 1974 », op. cit., p. 175. Ce redécoupage aurait constitué une option très lourde, impliquant des transferts de collections ; c’est probablement la raison pour laquelle il n’a pas été réalisé, ni même envisagé officiellement. On peut cependant voir, dans ce souci d’assurer une correspondance précise entre les domaines couverts par une université et les collections de la ou des sections de la bibliothèque universitaires placées auprès d’elle, le point de départ du processus qui a conduit ultérieurement à la division de la plupart des bibliothèques interuniversitaires de province. « Il n’est pas négligeable non plus de relever que l’organisation même des bibliothèques universitaires en France (et non des seules B.I.U. !) prédispose aux tiraillements et à la dissolution. Le système des sections constitue un cadre prédécoupé, si bien que la tentation est forte, chez certains, de s’emparer d’une paire de ciseaux et de suivre les pointillés. » B. Lecoq, « Un Aspect de la crise des universités, l’interuniversitaire en question », op. cit., p. 18.

553.

Circulaire du 4 mars 1970 relative à la représentation des personnels des bibliothèques auprès des assemblées constitutives [des universités], Bulletin des bibliothèques de France, t. 15, n° 3, mars 1970, p. 138-140. Cette circulaire se référait à une note d’information du 12 janvier 1970 sur l’élaboration des statuts des universités, dans laquelle le ministre demandait « que les assemblées constitutives évoquent les problèmes posés par certaines catégories de personnel ou de service qui sont, d’ores et déjà, au service des différentes U.E.R. sans cependant être intégrés dans l’une d’entre elles » et citait à ce propos le cas des centres de calcul et des bibliothèques universitaires. Il suggérait en outre que la représentation de ces personnels fût prévue dans les conseils des universités. Un autre indice de la correspondance imparfaite entre le découpage des universités et celui des sections des bibliothèques universitaires fut donné par la circulaire du 23 février 1971, qui indiqua que la fixation du siège de la bibliothèque universitaire auprès d’une université n’impliquait nullement que les services administratifs de la bibliothèque fussent installés « dans les locaux de la section de la bibliothèque qui pourrait être considérée comme correspondant à cette université ». Circulaire n° 71-106 du 23 février 1971, Bulletin des bibliothèques de France, t. 16, n° 4, avril 1971, p. 225.

554.

La circulaire n° 71-106 du 23 février 1971 a ainsi mentionné, parmi les mesures à prendre pour la constitution des bibliothèques d’université dans les villes où n’avait été constituée qu’une seule université, la modification des statuts de l’université, y compris lorsque ceux-ci avaient déjà été approuvés par le ministre, pour y introduire des dispositions relatives à la bibliothèque universitaire. « Application du décret n° 70-1267 aux bibliothèques d’université et bibliothèques interuniversitaires », Bulletin des bibliothèques de France, t. 16, n° 4, avril 1971, p. 221.

555.

Circulaire n° 74-160 du 29 avril 1974 relative aux attributions respectives du directeur de la bibliothèque universitaire, du conseil de la bibliothèque et de son président, Bulletin officiel de l’éducation nationale, n° 18, 2 mai 1974, et Bulletin des bibliothèques de France, t. 19, n° 5, mai 1974, p. 269-270. Les signataires du Rapport sur les bibliothèques à Monsieur le ministre de l’éducation nationale [et à] Monsieur le ministre de la culture (J. Gattégno et D. Varloot) ont observé que « le décret qui a fixé, en 1970, les structures documentaires des universités n’a visé que les bibliothèques centrales, conçues comme des U.E.R. spécialisées plus que [comme] des services communs, avec un conseil où les enseignants-chercheurs et l’exécutif de l’université avaient peu de place ». Op. cit., p. 3.