4. Moyens et qualifications

La question des moyens et des qualifications revêtait, pour les bibliothèques universitaires réorganisées en 1961-1962, une importance capitale.

En ce qui concernait les moyens financiers, l’obtention de crédits pour la construction et l’équipement des nouveaux bâtiments ne constituait qu’une première étape. Celle-ci a pu être menée à bien dans le cadre de plusieurs plans d’équipement successifs, en particulier le quatrième et le cinquième plan (1962-1965 et 1966-1970). 602

La mise en service des nouveaux bâtiments était un événement encore plus décisif, car elle devait s’accompagner de l’adaptation du niveau des ressources des bibliothèques universitaires, à la fois pour leur permettre de faire face à des charges d’entretien des locaux beaucoup plus importantes que dans les bâtiments anciens, et pour les mettre en situation d’atteindre les objectifs documentaires ambitieux qui leur avaient été fixés. Ces objectifs comportaient des aspects quantitatifs et qualitatifs. Sur le plan quantitatif, il fallait se préparer à l’accueil d’une population d’utilisateurs qui augmentait rapidement, et mettre à leur disposition des documents en nombre accru. Sur le plan qualitatif, les principales orientations étaient le développement du libre accès aux documents, l’importance nouvelle accordée au contenu des documents dans l’ensemble des opérations bibliothéconomiques, et la volonté de conférer aux bibliothèques universitaires un rôle scientifique, ce qui devait leur permettre de reconquérir le public universitaire qui s’en était détourné au profit des bibliothèques spécialisées des universités. La situation se caractérisait donc par la poursuite simultanée d’objectifs quantitatifs et qualitatifs d’un niveau élevé, dont la réalisation supposait des moyens financiers et humains considérablement accrus. Cependant, ceux-ci n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation précise, ni même de l’indication d’un ordre de grandeur, tant il semblait que les bibliothèques universitaires dussent, à l’occasion de cette réforme, s’engager dans une voie entièrement nouvelle dans laquelle les anciens critères de dotation ne pouvaient plus s’appliquer. Dans l’ensemble, le succès de l’entreprise de réorganisation des bibliothèques universitaires reposait entièrement sur l’attribution de moyens très importants. Dans un premier temps, des crédits exceptionnels liés à la mise en service des nouveaux bâtiments étaient attribués sous la forme de subventions de premier équipement. Ces subventions ont atteint un pourcentage de 35 pour cent du coût des constructions, et ont permis d’équiper les nouvelles bibliothèques en mobilier et en matériel, mais aussi de constituer leurs premières collections. Une fois ces ressources exceptionnelles dépensées, généralement en quelques années, les bibliothèques universitaires ne pouvaient plus compter que sur leurs ressources régulières de fonctionnement pour faire face à l’ensemble de leurs dépenses. Celles-ci comportaient non seulement les charges liées à l’acquisition et à la conservation des documents, mais aussi des dépenses de nature diverse liées à l’entretien des bâtiments et au fonctionnement général des services.

Pour apprécier ce qu’a été l’évolution réelle de leurs moyens au cours de la période de 1964 à 1985, il faut examiner successivement les recettes des bibliothèques universitaires, leurs dépenses et leur dotation en emplois et en qualifications.

Notes
602.

On trouve dans l’article de D. Pallier, « Les Bibliothèques universitaires de 1945 à 1975, chiffres et sources statistiques », op. cit., p. 71-73, un tableau des surfaces de bibliothèques universitaires mises en service entre 1955 et 1975. Ces données peuvent être complétées, pour la période de 1976 à 1980, par les chiffres (crédits d’investissement et surfaces des locaux mis en service) cités dans Les Bibliothèques en France, rapport au Premier ministre établi en juillet 1981..., op. cit. p. 27 et « Annexes », p. 252. Ces deux ensembles de données concernent les mises en service de nouvelles bibliothèques et, pour le deuxième, les surfaces totales en service entre 1973 et 1979. Pour connaître la surface des bibliothèques universitaires en service année par année, il faudrait aussi pouvoir déduire les surfaces des anciens locaux qui ont été abandonnés au centre des villes à partir du début des constructions de nouveaux bâtiments. Cette opération ne peut avoir qu’un caractère approximatif, en l’absence de données fiables relatives à ces locaux. L’examen des données disponibles et nos propres estimations sur les surfaces des locaux abandonnés nous ont conduit aux conclusions suivantes pour les bibliothèques universitaires de province. Il devait exister en 1955 environ 80.000 mètres carrés de locaux pour quinze bibliothèques universitaires. Les mises en service de 1955 à 1975 ont représenté, d’après les données réunies par D. Pallier, et en ajoutant le bâtiment occupé par la bibliothèque universitaire de Grenoble au centre ville au début des années 1960, 375.000 mètres carrés environ. Dans le même temps, 25.000 mètres carrés de locaux anciens ont dû être abandonnés. Cet accroissement net de 350.000 mètres carrés permet d’estimer les surfaces en service en 1975 à 430.000 mètres carrés. Environ 30.000 mètres carrés ont dû être ajoutés jusqu’en 1985, estimation à partir des données fournies par Les Bibliothèques en France, rapport au Premier ministre établi en juillet 1981..., op. cit. « Annexes », p. 252 et par P. Carbone, « Les Bibliothèques universitaires dix ans après le rapport Vandevoorde », Bulletin des bibliothèques de France, t. 37, n° 4, 1992, p. 48. On peut donc estimer qu’à cette date, la surface des locaux des bibliothèques universitaires de province était d’environ 460.000 mètres carrés, pour 140.000 mètres carrés environ en 1964. Il y a donc eu multiplication des surfaces par un facteur 3,3 environ, à mettre en rapport avec la multiplication par 3,1 du nombre des étudiants. La surface par étudiant est donc passée approximativement de 0,68 mètre carré en 1964 à 0,73 mètre carré en 1985. Cet accroissement modeste justifie une appréciation formulée en 1973 : « Contrairement à certaines assertions, on n’a pas trop construit », et celle de D. Pallier près de vingt ans plus tard : « On peut conclure... que les B.U. ont accompagné le mouvement de croissance des universités sans amélioration - sinon qualitative - de leurs moyens par rapport à leurs charges ». « La Situation des bibliothèques universitaires durant l’année du livre », op. cit., p. 17 ; D. Pallier, « Bibliothèques universitaires, l’expansion ? », op. cit., p. 398. La conclusion de D. Pallier s’applique à la période 1945-1975. Pour la période de 1954-1955 à 1975, les mètres carrés de bibliothèque par étudiant seraient passés, pour la France entière, de 0,83 à 0,85, soit une quasi-stagnation. Cette absence de progression significative est probablement due au fait que les constructions de bibliothèques universitaires dans la région parisienne n’ont pas suivi la progression des effectifs des universités. Un tableau des constructions de bibliothèques universitaires entre 1955 et 1975 figure aussi dans J. Gascuel, « Les Bâtiments » dans Histoire des bibliothèques françaises, t. 4, Les Bibliothèques au XXe siècle, 1914-1990, op. cit., p. 454. Ce document fait apparaître un total des surfaces mises en service en province entre 1955 et 1975 légèrement supérieur à celui indiqué par D. Pallier (382.000 mètres carrés environ).