II. Bibliothèques universitaires de province

A partir des données des enquêtes statistiques générales auprès des bibliothèques universitaires de 1974 à 1985, on peut isoler les résultats relatifs aux bibliothèques universitaires de province et des départements d’outre-mer pour dix années sur douze (les données de 1976 et de 1981 sont indisponibles). L’inclusion dans cet ensemble des bibliothèques universitaires des départements d’outre-mer à partir de 1979 ajoute aux chiffres globaux un facteur de distorsion compris entre un et deux pour cent.

Les dépenses en francs constants de 1974 comme la répartition des dépenses en valeur relative ne présentent que des différences assez peu significatives avec celles de l’ensemble des bibliothèques universitaires. Comme dans le cas général, l’année 1977 est la première de celles dans lesquelles les dépenses d’entretien des locaux et de fonctionnement général ont constitué plus de la moitié des dépenses. Cette évolution s’est poursuivie et aggravée jusqu’en 1982.

La brièveté de la période pendant laquelle il est possible d’analyser les dépenses des bibliothèques universitaires ne permet pas de faire apparaître les évolutions les plus marquantes. La question cruciale est celle de la part relative des dépenses documentaires et des autres dépenses. Entre 1974 et 1985, on constate que les dépenses d’entretien des locaux et de fonctionnement général ont évolué de 48 à plus de 54 pour cent du total des dépenses. Cela constitue une indication intéressante, mais ne permet pas de prendre conscience de l’ampleur de cette évolution pendant une période plus longue. Celle-ci peut être appréciée grâce à un document qui analyse les dépenses des bibliothèques universitaires de province en 1959, et qui a donc l’avantage de donner un point de comparaison avec la période immédiatement antérieure au mouvement de déconcentration massive de ces bibliothèques. Il s’agit du résultat d’une enquête auprès des recteurs sur les dépenses des bibliothèques universitaires. Nous en présentons quelques éléments dans le tableau 11 N ci-dessous.

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Tableau 11 NDépenses des bibliothèques universitaires de province en 1959
[Note: SOURCE : A.N. F 17 bis 16005, versement n° 770462, article 35, dossier budget.]

NOTE : Les bibliothèques dont les dépenses ont été analysées sont les quatorze bibliothèques universitaires de province (sans la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg), et les sections médecine de Nantes et de Rennes.

Ce document permet de constater la part très importante des dépenses documentaires dans les dépenses totales des bibliothèques universitaires de province avant les années 1960. Pour toutes les bibliothèques analysées, cette proportion était supérieure à 60 pour cent ; elle était supérieure à 75 pour cent dans dix bibliothèques sur seize, supérieure à 80 pour cent dans cinq sur seize, et même supérieure à 85 pour cent dans trois sur seize. Ces proportions sont caractéristiques de la structure des dépenses des bibliothèques universitaires dans la période qui a précédé immédiatement la mise en place du modèle d’organisation déconcentré. L’intérêt de ce document vient aussi de ce que des informations de même nature ne se trouvent pas dans les statistiques relatives aux bibliothèques universitaires de 1955-1956 à 1959-1960. 623

En trente-trois ans, de 1959 à 1982, la proportion moyenne des dépenses documentaires dans les dépenses totales est passée de 77 pour cent à un peu plus de 45 pour cent, soit une diminution de plus de trente et un points. En revanche, les dépenses d’entretien des locaux et de fonctionnement général ont plus que doublé, passant de 23 à plus de 54 pour cent. Cette évolution a produit une déformation complète de la structure des dépenses des bibliothèques universitaires.

On peut tirer du rapprochement de ces proportions la conclusion que la part des dépenses documentaires des bibliothèques universitaires a diminué en proportion de l’accroissement des dépenses d’entretien des locaux et de fonctionnement général. Cette relation a été perçue par la totalité des acteurs et des témoins de cette période, qui connaissaient bien la proportion antérieure des dépenses documentaires dans les dépenses totales. La diminution en valeur relative des dépenses documentaires apparaissait en elle-même comme un phénomène négatif. Mais plus choquant encore était le fait que les dépenses de fonctionnement matériel avaient acquis un caractère prioritaire de fait par rapport aux dépenses de documentation, pour la simple raison que ces dernières pouvaient être différées ou annulées alors que les autres ne le pouvaient pas. Derrière une apparence technique de gestion budgétaire se trouvait ainsi mise en cause la finalité même des bibliothèques universitaires, dans le budget desquelles les crédits destinés aux acquisitions et à la conservation des documents n’avaient plus qu’un caractère résiduel, alors que cette catégorie de dépenses constituait leur raison d’être. Cette situation profondément anormale a suscité de nombreuses réactions et propositions.

Notes
623.

« Bibliothèques des universités, statistiques de 1955-1956 à 1959-1960 », Bulletin des bibliothèques de France, t. 6, n° 12, décembre 1961, p. 543-558.