A. La perception de l’importance des bibliothèques spécialisées des universités

I. Aspects quantitatifs

a) L’enquête de 1976

Dans le cadre du colloque sur les bibliothèques universitaires organisé à Gif-sur-Yvette les 7 et 8 avril 1975, une analyse de la situation documentaire des universités avait établi l’absence de coordination entre les bibliothèques universitaires et les bibliothèques spécialisées des universités, qui furent généralement désignées, à partir de cette date, sous le nom de « bibliothèques d’U.E.R. » (unités d’enseignement et de recherche). Malgré l’existence de certaines initiatives locales de coordination, le constat d’ensemble était celui d’une gestion dispersée des ressources documentaires et de difficultés d’accès des utilisateurs aux collections ainsi constituées. Pour remédier à cette situation, l’une des mesures proposées fut d’effectuer un recensement des bibliothèques spécialisées des universités. A cette fin, une enquête fut entreprise en 1976 pour recueillir des données relatives à l’année 1974. On remarque la coïncidence des dates entre ce recensement des bibliothèques spécialisées et le lancement de la première enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires. L’administration responsable des bibliothèques universitaires a alors cherché à disposer d’éléments objectifs sur l’ensemble du dispositif documentaire des universités, y compris sa partie « non-officielle ». Les résultats de cette enquête, la seule qui ait entrepris de recenser la totalité des bibliothèques spécialisées des universités, n’ont été que partiels et n’ont pas été publiés. Certains résultats sont néanmoins accessibles à travers un rapport officiel publié en 1982. 657

Sur 5.050 questionnaires envoyés, 1.815 seulement furent retournés, et 1.704 furent considérés comme exploitables. Bien qu’elle ait eu l’ambition d’être exhaustive, cette enquête, menée exclusivement par correspondance, n’a donc obtenu que des résultats partiels, en raison d’un taux de réponse un peu inférieur à 36 pour cent. Les statistiques établies à partir de ces données partielles ont une portée assez limitée. Il était ainsi estimé qu’il existait une moyenne de vingt-six bibliothèques spécialisées par université, et de deux par unité d’enseignement et de recherche. Sur les 1.704 réponses exploitées, 1.510 concernaient des bibliothèques ouvertes aux étudiants, et 194 seulement des bibliothèques réservées aux professeurs et aux chercheurs. C’est en sciences que les bibliothèques spécialisées étaient les plus nombreuses (une pour 284 étudiants en moyenne, contre une pour 465 étudiants pour l’ensemble des disciplines) et le plus souvent réservées aux étudiants de troisième cycle. Cette indication, de même que le constat de l’importance des dépenses consenties pour les bibliothèques spécialisées en sciences, constitue un indice du fait que la fréquentation des bibliothèques spécialisées n’avait été que peu affectée par l’existence du second niveau des sections sciences des bibliothèques universitaires.

Les dépenses documentaires des bibliothèques spécialisées apparaissaient très importantes comparées à celles des bibliothèques universitaires, surtout si l’on tenait compte du fait que les résultats obtenus n’avaient qu’un caractère partiel. Les universités avaient ainsi dépensé pour leurs bibliothèques spécialisées en 1974 20,7 millions de francs (dont 7,2 millions de francs en sciences, soit plus du tiers), alors que les dépenses documentaires de toutes les bibliothèques universitaires s’étaient élevées, la même année, à 22,9 millions de francs selon l’enquête statistique générale sur les bibliothèques universitaires. Le volume des acquisitions correspondait au niveau des dépenses : près de 280.000 volumes de livres avaient été acquis dans les bibliothèques spécialisées en 1974 (222.000 volumes, acquis au moyen de crédits de fonctionnement et d’équipement, dans les bibliothèques universitaires), 25.400 abonnements à des périodiques dans les bibliothèques spécialisées en 1974, contre 50.700 dans les bibliothèques universitaires. Il apparaissait ainsi, toujours en tenant compte du caractère partiel des résultats relatifs aux bibliothèques spécialisées des universités, que celles-ci avaient acquis en 1974 plus de 55 pour cent des volumes de monographies et plus de 33 pour cent des abonnements aux périodiques, pourcentages calculés par rapport au total des documents acquis dans les universités.

L’une des conclusions qu’il était possible de tirer de cette première enquête était que sur le plan quantitatif, l’apport des bibliothèques spécialisées au volume total des acquisitions de documents par les universités était considérable, et aurait probablement dépassé l’apport des bibliothèques universitaires s’il avait été possible de disposer de données complètes.

Notes
657.

T. Bally, « Avant le décret [du 4 juillet 1985] », op. cit., p. 422. Sur le colloque de Gif-sur-Yvette, cf. « Colloque sur les bibliothèques universitaires, le 7-8 avril 1975 à Gif-sur-Yvette », Bulletin des bibliothèques de France, t. 20, n° 5, mai 1975, p. 230-231 ; « Journées d’étude sur les bibliothèques universitaires et colloque sur la lecture publique », Bulletin des bibliothèques de France, t. 20, n° 7, juillet 1975, p. 287-295. Quelques résultats de l’enquête de 1976 ont été publiés dans Les Bibliothèques en France, rapport au Premier ministre établi en juillet 1981..., op. cit., p. 256-261. Ils doivent être soigneusement distingués d’autres résultats indiqués aux mêmes pages, qui sont issus d’une autre enquête de 1980 analysée ci-dessous.