3. L’évolution vers l’intégration des bibliothèques universitaires aux universités

Bien que des avis divergents se soient exprimés sur le caractère plus ou moins adapté de l’organisation administrative des bibliothèques universitaires prévue par le décret du 23 mars 1970, il a généralement été admis que ce décret avait maintenu une forme de centralisation qui avait nui à l’intégration des bibliothèques universitaires dans les universités autonomes créées par la loi du 12 novembre 1968. 678

En 1961, les responsables de la direction des bibliothèques avaient considéré, sans doute hâtivement, que le motif principal de l’existence des bibliothèques spécialisées des universités était le mode de classement des documents dans les bibliothèques universitaires. Ce mode de classement, fondé sur des critères matériels de format et d’ordre d’arrivée, était alors considéré comme incompatible avec les besoins de la recherche scientifique. Quand il apparut, en 1975, que malgré les modifications apportées au classement des documents dans les bibliothèques universitaires les bibliothèques spécialisées des universités avaient continué à exister et peut-être même à se développer, il ne fut plus possible de maintenir une explication unique et superficielle de leur existence. Les arguments développés alors ont été, sur le plan bibliothéconomique, ceux de la commodité d’utilisation et, sur le plan institutionnel, ceux du contrôle direct que les responsables des unités d’enseignement et de recherche ou d’autres composantes pouvaient exercer sur les bibliothèques spécialisées. Admettre cet argument du contrôle direct, c’était aussi reconnaître que les bibliothèques universitaires y échappaient parce qu’elles n’avaient pas réussi à être considérées comme les services communs universitaires qu’elles étaient théoriquement. L’attention portée alors aux bibliothèques spécialisées des universités a ainsi eu pour conséquence un examen critique de la situation des bibliothèques universitaires à l’intérieur des universités autonomes.

Les mesures prises en 1976, au lendemain des journées d’étude de Gif-sur-Yvette, ont eu d’abord un caractère partiel. Mais comme sur le plan bibliothéconomique, la critique de l’organisation administrative des bibliothèques universitaires s’est approfondie à travers les rapports officiels de1980 et de 1982, ouvrant ainsi la voie à la création ultérieure des services communs de la documentation.

Notes
678.

En 1974, D. Lefebvre, président du conseil de la bibliothèque interuniversitaire de Grenoble, avait estimé dans une conférence au congrès national de l’Association des bibliothécaires français que le décret du 23 décembre 1970 avait réalisé « l’intégration des B.U. et B.I.U. aux universités ». D. Lefebvre, « Conférence... au congrès de l’A.B.F., Mâcon, le 7 juin 1974 », Bulletin d’informations, Association des bibliothécaires français, nouvelle série, n° 85, 4e trimestre 1974, p. 171-172. Le plan de réorganisation des bibliothèques universitaires présenté par trois associations professionnelles en 1975 (année au cours de laquelle l’attention portée aux bibliothèques universitaires par le secrétaire d’Etat aux universités J.-P. Soisson avait suscité des réactions favorables et l’espoir des responsables de ces bibliothèques) a reconnu que ce même décret constituait « un cadre bien adapté aux besoins des bibliothèques », et que des moyens supplémentaires permettraient aux bibliothèques universitaires de devenir « véritablement le service commun de la documentation de l’université » et d’« organiser un ensemble documentaire cohérent et rationnel ». « Plan de réorganisation des bibliothèques universitaires présenté par l’Amicale des directeurs de bibliothèques universitaires, l’Association des bibliothécaires français et l’Association de l’E.N.S.B. », Bulletin d’informations, Association des bibliothécaires français, nouvelle série, n° 88, 3e trimestre 1975, p. 153. Inversement, le caractère inadapté de ce décret à la situation créée par l’existence d’universités autonomes depuis 1968 avait été soulignée par J. Archimbaud en 1974, H. Comte en 1977, le rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration du ministère des universités et de l’inspection générale des bibliothèques en 1980 et un autre rapport officiel de 1982. J. Archimbaud, B. Duportet, « La Crise des bibliothèques universitaires, quel avenir ont-elles encore ? », Cahiers médicaux lyonnais, t. 50, n° 24, 14 juin 1974, p. 2038 ; H. Comte, Les Bibliothèques publiques en France, op. cit., p. 230-234 ; Rapport sur les bibliothèques et les centres de documentation des universités, op. cit., p. 38 et passim ; Les Bibliothèques en France, rapport au Premier ministre établi en juillet 1981..., op. cit., p. 56.