CHAPITRE II LES DIFFERENTS VISAGES DU MORALISTE

Même si le mythe est régulièrement entretenu par la postérité, il n’en résulte pas un seul et immuable personnage car le moraliste prend des visages différents selon les aspects de la légende que les commentateurs ont voulu privilégier. A ces choix s’ajoutent les découvertes de textes posthumes et de la correspondance qui viennent nourrir telle ou telle image de l’écrivain. L’oeuvre et la personnalité de Vauvenargues ont fait l’objet d’une récupération idéologique dès le dix-huitième siècle : les penseurs qui se sont intéressés aux deux éditions de 1746 et 1747 se sont généralement emparés d’un aspect de l’oeuvre ou de la vie de l’écrivain pour servir leurs propres préoccupations ; des partis contraires ont par ailleurs exploité un même trait de l’oeuvre ou de la personnalité de son auteur. Ce phénomène se remarque encore au vingtième siècle, surtout en période de crise politique et sociale. Mais, en choisissant de mettre en avant quelques aspects du mythe, la critique tend à simplifier la pensée du moraliste, simplification qui permet, à certains de ses juges, de la discréditer et de montrer que, n’ayant pas de véritable fondement, elle ne peut être que l’instrument d’un parti.