TROISIEME PARTIE
LES FONDEMENTS
IDEOLOGIQUES DE LA
CONSTRUCTION MYTHIQUE

L’étude de la naissance et des caractéristiques de ce mythe nous a permis de voir qu’il était essentiellement subordonné à une interprétation polémique du dix-huitième siècle philosophique et révolutionnaire. Nous avons vu que les circonstances qui entourent la vie de cet auteur et l’élaboration de son oeuvre se prêtent particulièrement au mythe : une carrière avortée, les maladies, des relations singulières, une mort précoce, une oeuvre inachevée, la découverte d’inédits, tous ces éléments étant réunis par un continuel besoin pour la critique de traverser l’homme pour aller à l’oeuvre, ou réciproquement, et d’établir ainsi une étroite correspondance entre l’écrivain et son ouvrage. Mais cette constante ne serait-elle pas révélatrice d’une attente particulière de la critique ou le reflet d’inquiétudes, de l’ordre de l’individu, susceptibles de trouver réponse dans une pensée loin de toute spéculation ? Au vingtième siècle, l’intérêt pour cette oeuvre est en partie renouvelé par l’idée d’actualité qu’on y attache. Quelles réponses peut-elle apporter aux préoccupations de l’homme du vingtième siècle alors que déjà, aux yeux de ses contemporains, elle semblait dépassée484 ?

Il faut signaler que Daniel Acke, dans son étude de 1989, s’intéressait déjà au statut du moraliste et à l’actualité de Vauvenargues pour situer son propos : Vauvenargues moraliste. La synthèse impossible de l’idée de nature et de la pensée de la diversité. Daniel Acke présente les différentes théories établies sur la « moralistique ». Puis, dans d’une synthèse sur la postérité de notre moraliste, il est amené à faire le point sur son « actualité » et son « inactualité » « dans un bref survol diachronique de la fortune de l’auteur » 485. Nous tâcherons ici de déterminer dans quelle mesure ces deux questions peuvent participer à la construction mythique ou entretenir la légende de Vauvenargues.

Notes
484.

Voir le Journal encyclopédique, tome V, 1781.

485.

Vauvenargues moraliste. La synthèse impossible de l’idée de nature et de la pensée de la diversité, p. 209.