2. Durée.

En ce qui concerne l’utilisation de la durée — deuxième catégorie du temps en narratologie —, on constate que le narrateur des contes de ratiocination, et spécialement dans les contes policiers, n’insiste pas sur les éléments du récit qui seraient pourtant susceptibles de donner des indices au lecteur. Tout est retranscrit de façon uniforme, sans qu’un segment narratif plus long soit dévolu aux éléments qui paraîtront après coup déterminants, comme la découverte par Dupin, sur les lieux du crime, que la fenêtre de la chambre de Mme et Mlle L’Espanaye n’était pas hermétiquement close, ou la découverte de l’empreinte des mains du singe sur le cou de l’une des victimes :

‘Before going in we walked up the street, turned down an alley, and then, again turning, passed in the rear of the building—Dupin, meanwhile, examining the whole neighborhood, as well as the house, with a minuteness of attention for which I could see no possible object. (p. 153).’ ‘Dupin scrutinized every thing—not excepting the bodies of the victims. (p. 153).’

Bien sûr, cet emploi « objectif » de la durée narrative, réduisant tout le récit au plan d’une suite d’investigations relatées sans relief par le narrateur, est une conséquence du système de focalisation qui veut que le narrateur, précurseur d’un docteur Watson encore plus aveugle que lui aux subtilités de son compagnon, reste ignorant des découvertes du grand détective jusqu’au moment où ce dernier voudra bien lui livrer la clé de toute l’énigme. Néanmoins, cette narration « aveugle » qui est incapable de modifier la longueur des segments narratifs en rapport avec leur importance diégétique témoigne plus que de l’ignorance du narrateur : c’est également la garantie d’un récit « neutre » où les événements et les recherches sont rapportés tels qu’ils prennent place, sans que l’énonciateur ne tente d’influencer le lecteur d’une manière ou d’une autre. Tout le contraire, on le voit, des stratégies développées dans les contes fantastiques.